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LIVRE- L’incroyable vie d’un missionnaire au cœur de l’histoire Khmère.

Robert Venet; livre; cambodge Robert Venet; livre; cambodge
Écrit par Clémentine de Beaupuy
Publié le 10 octobre 2016, mis à jour le 23 octobre 2018

Agnès Gros s'est retrouvée un peu par hasard biographe d'un homme, le Père Robert Venet, qui a passé sa vie au Cambodge : une vie de missionnaire, d'homme d'Eglise mais aussi celle d'un témoin sur une période troublée et  sanglante de l'Etat Khmer. Pendant 12 ans, l'auteur a remonté patiemment les fils d'une histoire intime et engagée d'un homme qui souhaitait rester dans l'ombre et nous livre son récit, très personnel, dans « Une vie donnée pour le Cambodge- Père Robert Venet (1917-2013)  ». Rencontre avec son auteur, Agnès Gros.

Comment êtes-vous arrivée à vous intéresser au Père Venet ? Le connaissiez-vous ? 

Agnès Gros - Non pas du tout, cela s'est fait par hasard ! En 2003,  lors d'une réunion des missions étrangères à Hong-Kong, j'ai rencontré le Père Bruno Cosme qui avait depuis longtemps l'idée d'une biographie ou d'un témoignage sur le Père Venet. Et puis, sur les conseils de mon mari, je me suis proposée. A l'origine, c'était donc une commande des missions étrangères et je n'avais aucun lien particulier ni avec Robert Venet, ni avec le Cambodge.  Le Père Venet avait travaillé avec François Ponchaud, qui lui avait beaucoup témoigné sur sa vie au Cambodge, en écrivant notamment le livre sur le génocide Khmer «  Cambodge : année zéro » en 1977. L'idée était de mettre en lumière cet homme si discret, qui avait passé sa vie au Cambodge. En juin 2004, je suis donc partie le rencontrer pour une semaine d'interviews? 

Comment s'est passée cette rencontre au Cambodge ? 

- J'ai toujours été très bien accueillie. J'ai connu le Père Venet à la fin de sa vie. Au début, quand j'allais le rencontrer, il me racontait plein d'anecdotes sur sa vie. J'ai voyagé avec lui et remonté les traces de son histoire. J'ai dû l'apprivoiser. Et je crois qu'il prenait plaisir à raconter ses expériences. Et puis, il a commencé à mélanger les dates. 

En 2009, sa santé a décliné. La communauté sur place était trop réduite pour pouvoir s'occuper de lui au Cambodge. Il est retourné en France, dans le Lubéron. En fait, le livre depuis 2004 n'avançait guère. Malgré mes recherches, mes rencontres et mes voyages,  les missions étrangères avaient renoncé à le publier. Personnellement, j'avais quitté l'Asie et souhaitais tourner la page.  Son décès en 2013 a été un tournant. J'ai rencontré sa famille et des cambodgiens qu'il avait aidés. Je devais mettre en lumière cette vie extraordinaire. Enfin, la rencontre avec un nouvel éditeur des éditions du Jubilé a redonné souffle à ce projet.

Parlez-nous des origines du Père Venet avant de venir au Cambodge ? Qui est il ? 

- Il est né près de Versailles dans les Yvelines, élevé essentiellement par sa mère avec de nombreuses s?urs. Son père était revenu gazé de la Grande guerre et est décédé quelques années plus tard. A 12 ans, il a fait sa confirmation et s'est posé des questions sur son engagement. Il avait aussi envie de voir autre chose, de voyager. A la fin de la guerre, il a été ordonné prêtre.  Pour partir en Asie, il a suivi un contingent militaire et a été aumônier d'armée au Vietnam. Il a quitté l'armée pour aller au Cambodge et s'occuper d'une communauté chrétienne. Au Cambodge, les chrétiens étaient souvent Vietnamiens mais il a insisté pour être avec des cambodgiens et apprendre le Khmer et a atterri dans un village, Kompong Ko, au centre du pays. 

Pensez-vous avoir écrit à travers cette vie un livre historique avec un certain point de vue et le parcours d'un homme ? 

- La vie du Père Venet a été traversée, en effet, par une histoire complexe  Je commence mon récit en 1947, avant l'indépendance,  pour l'achever en 2009, date de départ de Robert Venet du Cambodge. J'évoque bien entendu la guerre d'Indochine et je consacre un chapitre sur l'Indépendance vue de Kompong Ko, son village. J'insiste aussi sur son rôle lors de la période Khmer Rouge. Incontestablement, tout au long de sa vie,  son engagement au c?ur du Cambodge  a fait de lui un témoin de l'histoire. 

Mais, comme le disait Claire LY, une amie cambodgienne, qui a écrit un livre poignant sur cette période, Revenue de l'Enfer.   Mon livre est aussi le récit d'un missionnaire au XXème siècle et des difficultés rencontrées. 

On peut dire que Robert Venet était un missionnaire « à l'ancienne ». Il ne s'intéressait pas du tout au Bouddhisme alors qu'aujourd'hui un Prêtre en Asie ne pourrait  l'ignorer. Il aimait aider les gens au quotidien. Il donnait tout ce qu'il avait pour améliorer les conditions de vie. En fait, il était « chef de village ». Il est resté dans la même communauté pendant plus de 20 ans et était adoré. 

Dans ce livre, je ne donne pas de point de vue personnel. J'ai essayé de replacer sa vie dans un contexte historique.

Pouvez vous nous détailler  comment a vécu le Père Venet pendant le génocide Khmer ? 

- Lorsque les Khmers Rouges ont pris Phnom Penh, tous les étrangers ont dû quitter le pays en quelques jours. Si vous lisez « Le portail » de François Bizot, dans lequel certaines pages sont consacrées d'ailleurs au Père Venet, on se rend compte de la précipitation et de la violence de ces départs. 

Le Père Venet a été amené par camion à la frontière thaïlandaise, où il a été chargé de collecter des informations pour les missions étrangères de Paris sur ce qui se passait. Il a commencé à recueillir des témoignages sur les personnes qui réussissaient à fuir, il a enregistré des émissions de radio sur la frontière pour témoigner. Tout ce matériel collecté par Robert Venet à la frontière a servi à l'écriture de « Cambodge : année zéro » de François Ponchaud. On sait que ce livre a fait l'effet d'une « bombe » mais il n'a pas été bien accueilli dans une France où une partie de l'élite était communiste et croyait à la révolution de Pol Pot.  Par ailleurs, le Père Venet n'a pas été enchanté par cette publication : en parler, c'était  en quelque sorte faire de la « publicité » aux khmers rouges. Jusqu'en 1991, il est resté dans les camps de réfugiés et a continué à aider. 

Pendant la période Khmer Rouge, il faut savoir que tous les prêtres non étrangers ont été exécutés. Mais l'Eglise aussi avait changé : il fallait apprendre de la culture locale. Il n'a pas pu retourner dans son village après cette période. Il est resté 10 ans à Sihanoukville dans le sud du pays. 

Que vous a apporté l'écriture de ce livre ? 

- Pour moi, cela a été une belle aventure humaine. J'ai rencontré cet homme extraordinaire et fait d'autres rencontres enrichissantes. Mon regret est que Robert Venet n'a pas eu le temps de le lire. 

Propos recueillis par Clémentine de Beaupuy (www.lepetitjournal.com/singapour) mardi 11 octobre 2016

Livre disponible à Singapour à la librairie francophone en ligne Akaroa 

clémentine de beaupuy
Publié le 10 octobre 2016, mis à jour le 23 octobre 2018

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