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FRENCH FILM FESTIVAL - Rencontre avec Nicolas Altmayer, producteur de Chocolat.

NICOLAS-ALTMAYERNICOLAS-ALTMAYER
Écrit par Clémentine de Beaupuy
Publié le 15 novembre 2016, mis à jour le 16 novembre 2016

Nicolas Altmayer et son frère Eric ont créé la société Mandarin Production dans les années 90 et ont connu le succès dès le début de leur carrière avec Jet-Set de Fabien Oteniente, suivi d'autres succès populaires tels Brice de Nice et OSS 117. A l'occasion du French Film Festival 2016 et la projection en ouverture de Chocolat, Nicolas Altmayer nous parle de ce film qu'il a porté ainsi que de son métier essentiel au cinéma : celui de producteur. 

 

 LPJ : Vous êtes à l'origine du Film Chocolat, présenté à l'ouverture du French Film Festival ? Pouvez-vous nous expliquer comment ce projet s'est mis en place ? 

NA : J'avais lu, il y a quelques années, un court article dans l'Express concernant une lecture de pièce sur le clown Chocolat par Marcel Bozonnet. J'ai été intrigué par ce personnage. C'était le 1er artiste noir de la scène française avant la première guerre mondiale qui était extrêmement célèbre mais  qui  était  complétement tombé dans l'oubli. Je connaissais pourtant l'expression « être chocolat » qui  vient de ce personnage. C'était une histoire formidable pour le cinéma. Simplement, à l'époque, je savais déjà que cela allait être un film cher, un film d'époque avec  des costumes, des reconstitutions de décors, des figurants. Il me fallait donc pour monter ce projet une star, un acteur « bankable » comme on dit. A l'époque, je ne voyais pas quel artiste noir pouvait incarner ce personnage. J'ai donc laissé ce projet sur une étagère. Jusqu'au moment où Omar Sy a commencé à monter en puissance. Même avant Intouchables. J'ai donc confié l'écriture du scénario à Cyril Gély qui n'avait jamais écrit pour le Cinéma mais pour le théâtre, 2 pièces à succès : Diplomatie et Signé Dumas. 

 

LPJ : Comment avez-vous réussi à convaincre Omar Sy de faire partie de cette aventure ? Et ensuite, le réalisateur Roschdy Zem ? 

NA : Le hasard a voulu que nous ayons à l'époque un projet de comédie policière avec Omar Sy, De l'autre côté du périph'. Un soir dans sa loge, je lui ai raconté l'histoire du clown Chocolat. Il a été ému de connaître l'histoire de cet artiste qu'il ne connaissait pas et qui présentait de nombreuses correspondances avec son parcours. Il a également démarré dans un binôme avec Omar et Fred, comme le clown Chocolat, il a fait un mariage mixte  et puis, peut-être ont-ils en commun ce tourment: « suis-je une attraction ou ai-je du talent ? ». Nous avons eu l'idée de soumettre ce scénario à Roschdy Zem, un acteur-réalisateur qui a également ouvert des brèches. La chance du film est aussi James Thierrée qui incarne Footit, le  binôme blanc. Petit fils de Charlie Chaplin, il a amené une dimension particulière au film. 

On peut dire que ce film, sans être péjoratif, est un film de producteur avec le regard particulier du réalisateur, reposant sur des acteurs formidables. 

 

LPJ : Pendant le tournage d'un film, quel est votre rôle en tant que producteur ? 

NA : Tous les films restent une collaboration, un échange constant. On intervient bien sûr quand il y a des problèmes à résoudre. Nous suivons de très près le tournage en regardant les rushs tous les jours. Nous sommes également très présents au moment du montage, qui est vraiment la 3ème réécriture d'un film, après le scénario et le tournage. 

 

LPJ : Etre initiateur d'un projet de film, est-ce  votre façon habituelle de travailler en tant que producteur ? 

NA : Chaque projet est différent, un prototype. Mais c'est vrai qu'avec mon frère, Eric, avec qui je travaille, nous avons souvent développé des films sans réalisateur et parfois sur la base d'idées qui sont les nôtres. Cela a été le cas sur des films comme  OS117, La conquête, Les innocentes. 

Le rôle d'un producteur est de développer des idées, de les incuber et ensuite de trouver l'équation économique qui permet au film de se développer. L'équation économique peut tenir sur plusieurs facteurs. 

Quand nous produisons des films de François Ozon, quels que soient les acteurs choisis, cela reste un film de François Ozon. Quand on produit une comédie, le casting est souvent essentiel, et encore pas toujours. Quand on fait les Kaïra par exemple, c'est une comédie sans acteurs connus mais c'est une comédie pas chère. Un film est vraiment une équation à résoudre. 

 

LPJ : Depuis la création de votre société Mandarin Production dans les années 1990, avez- vous  vu votre métier évoluer ? 

NA : Les producteurs qui tiennent aujourd'hui le haut du pavé, même si cette place est toujours temporaire, sont des producteurs-développeurs. 

Nous faisons partie d'une génération de producteurs qui va chercher les projets. Je pense qu'on ne peut plus se contenter d'attendre un projet. Il faut aller à la source. 

Ce qui a changé aujourd'hui est la façon de consommer le cinéma. Les comédies et les films résolument populaires se démarquent par rapport aux autres. Nous avons produit 45 films à ce jour et nos plus grands succès ont été des comédies, en terme de nombre d'entrées. Jusqu'à Chocolat qui a fait 2 millions d'entrées. Les innocentes ont été un succès mais à 600 000 entrées. On a l'impression que le spectateur fait de moins en moins d'efforts pour aller réfléchir au cinéma. 

 

LPJ : Est que le cinéma ne s'est pas « spécialisé » dans les comédies parce que la télévision propose, à travers les séries télé notamment,  des sujets plus politiques ou sociaux ? 

NA : non, je crois que c'est le contraire. Dans le cinéma, il n'y avait plus vraiment de place pour un cinéma « adulte ». On le voit bien aux Etats-Unis, tous les sujets de société qui étaient traités avant par des réalisateurs, tel que Sydney Pollack ou Sydney Lumet, sont désormais traités à travers des séries télé. 

Une autre évolution est aussi marquante : la place du cinéma à la télévision a beaucoup baissé depuis nos débuts. Il y a de moins en moins de films qui sont diffusés et quand ils le sont, ils font de moins en moins d'audience. 

 

LPJ : Comment définiriez-vous aujourd'hui votre métier de producteur ? 

NA : J'utilise souvent la métaphore du promoteur immobilier pour expliquer le métier de producteur de cinéma. En fait, on cherche le meilleur projet, le meilleur terrain et à partir de là, on va chercher le meilleur architecte pour penser le meilleur projet ensemble. Ce projet nous permettra d'aller chercher des financements, de faire un tour de table. On cède alors des parts des recettes aux partenaires. Le rôle d'un producteur est de faire en sorte de ne pas dépasser ce tour de table et de garantir la bonne fin du film. 

La zone de risque pour un producteur est l'argent du développement, que l'on autofinance souvent. Le vrai risque est de mettre au panier un projet pour lequel on a déjà investi en temps et en argent et qui ne se fait pas. Avec l'expérience, nous avons appris à gérer l'aspect financier pour qu'un film voie le jour et avons créé des partenariats privilégiés : Gaumont, Mars Film, Studio Canal, le groupe M6. Et des fidélités avec des réalisateurs comme François Ozon ou Rémi Bezançon. Nous avons aussi connu des bides retentissants. Chaque film part d'un coup de c?ur. C'est un pari mais avec notre expérience nous avons appris à limiter les risques.

 

 

 Photos : Corinne Mariaud 

Voir le film Chocolat de Roschdy Zem,  dernière séance est proposée à l'Alliance Française le samedi 19 novembre à 14h.  

 

 

clémentine de beaupuy
Publié le 15 novembre 2016, mis à jour le 16 novembre 2016

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