Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

TÉMOIGNAGES - J’ai épousé une Chinoise !

Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 13 février 2013, mis à jour le 18 février 2016

Ils représentent un mariage sur quatre célébrés au Consulat de France à Shanghai? Ce sont les couples franco-chinois. Qui sont-ils ? Des couples comme les autres, on aurait presque envie de dire des couples de Franco-Chinois plutôt que des couples mixtes. Lepetitjournal.com/Shanghai vous propose les témoignages de trois couples qui ont bien voulu se prêter aux confidences?

Lucie et Antony : " Nos différences culturelles nous aident à être plus tolérants "

Lucie et Antony, mariés depuis huit ans 

Lepetitjournal.com : Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Antony, "Duan" en chinois : "Tout a commencé par ma passion pour la langue chinoise, puis pour la Chine. En 1995, j'étais étudiant à Sciences Po Lille et j'avais envie d'apprendre une nouvelle langue. J'étais attiré par le Chinois et dans le cadre de mes cours, j'ai eu l'opportunité extraordinaire de passer deux mois en Chine, un mois à Pékin et un mois à Nankin. J'ai eu le coup de foudre pour le pays : ses odeurs, son ambiance? ça ne s'explique pas. Dès lors, je n'ai eu qu'une idée en tête, revenir en Chine ! Chose faite en 2000 où je me retrouve professeur de Français Langue Etrangère à Nanchang, une "petite" ville de province, de plus de 2 millions d'habitants? Lucie était une des élèves, et voilà, "c'est comme ça que j'ai rencontré Madame".

Lucie : "Quant à moi, j'ai commencé à travailler dans une entreprise d'état en 1998, mais j'avais envie de poursuivre un cursus d'études ouvert sur l'international. Il se trouve qu'à Nanchang, l'université proposait un DESS de management avec un programme d'échange avec Poitiers, c'est ce qui m'a poussée à suivre ces cours de Français, le destin? C'est là que j'ai rencontré Antony, et mon niveau en Français a progressé très vite ! Un an après, je suis partie à Poitiers, j'y ai passé un an dans une classe où nous n'étions que huit étudiants chinois, j'ai donc été complètement immergée dans la culture française."

Comment votre entourage a réagi au fait que vous soyez ensemble ?
Antony : "Mes parents ont compris tout de suite ma passion pour ce pays, alors le fait que je rencontre une Chinoise était la suite naturelle. Ça a été juste un peu dur pour ma mère de me voir m'installer de façon définitive si loin? Mais aujourd'hui, ils viennent deux fois par an et nous rentrons également une fois. Nous sommes aussi tous les deux parfaitement bilingues, ce qui facilite les relations avec les beaux-parents. Les parents de Lucie sont éduqués, même s'ils ne parlent pas l'anglais, ils sont assez ouverts et m'ont bien accepté?ou ils ont fermé les yeux !"

Lucie : "En fait, au début, ils étaient quand même assez inquiets de ce laowai* qui s'intéressait de si près à leur fille? Les Français ont une réputation de romantiques, ce qui sous-entend aussi "volages", donc Anthony n'échappait pas aux préjugés. Quand ils ont vu que notre relation était sérieuse, ils ont été rapidement rassurés. Quant aux parents d'Antony, quand j'ai débarqué à Poitiers venant de Chine, ils m'ont tout de suite accueillie "comme leur fille". Vivant à Paris, ils m'ont souvent fait venir visiter la capitale, mais aussi rencontrer la famille élargie. Ils avaient à c?ur de me faire connaître la France, ses régions et sa culture. Et puis, leur fils étant loin, j'étais un peu comme un relais entre eux et lui. Quand j'ai dû repartir en Chine, nous ne savions pas trop si notre histoire allait durer avec Antony. C'était dur de les quitter sans savoir si je les reverrais."

Comment vivez-vous les différences culturelles entre vous ?
Lucie : "Finalement les Chinois et les Français ont des similitudes, c'est difficile à définir mais ils aiment manger, ils se croient différents des autres. Les Chinois parlent forts alors que les Français sont plus discrets, mais ils disent chacun ce qu'ils pensent ! Et puis, Antony est parfois plus Chinois que moi?"

Antony : "Ça c'est vrai ! Quand les Chinois rigolent ou se disputent en public, c'est Lucie que ça dérange, moi je m'y suis habitué... Ce que je n'apprécie pas chez les Chinois (un certain sans-gêne, les gargarismes,?) Lucie ne l'aime pas non plus. En termes d'éducation, Lucie a les mêmes principes que moi : une certaine exigence, le fait de pousser les enfants à être autonomes. En fait, nous sommes bi-culturels tous les deux. La langue y contribue aussi beaucoup : avec nos filles de 6 et 4 ans et aussi entre nous, on parle en Français. Le fait de parler la même langue nous permet d'être sur la même longueur d'onde. Finalement, j'ai l'impression que nos différences culturelles nous aident à être plus compréhensifs vis-à-vis de l'autre."

Yuan et Mickael : "Il faut accepter et comprendre la culture de l'autre"

Yuan, Mickael et leur enfant Thimothé

Lepetitjournal.com : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Yuan : "J'étais partie en France pour mes études de LEA, il y a dix ans, lui était en LEA chinois-japonais. J'avais envie d'apprendre une autre langue, et aussi avoir le maximum d'opportunités professionnelles. Du coup, nous pouvons parler français et chinois entre nous, un avantage !"

Mickael : "Depuis toujours attiré par l'Asie, j'ai décidé d'apprendre le chinois. Nous nous sommes rencontrés lors des vendanges, près de Lyon, il y a dix ans. Nous nous sommes mariés, il y a 6 ans, alors que nous étions encore étudiants."

Comment votre entourage a réagi au fait que vous soyez ensemble ?
Mickael : "Très bien ! Ils sont très ouverts et en ont profité pour en apprendre davantage sur la culture chinoise, ainsi que quelques mots de chinois."

Yuan : "Mes parents ont eu tout de même quelques doutes au début, du fait qu'en Chine, avec la loi de l'enfant unique, on protège davantage les filles. Mais maintenant, ils s'entendent bien. Ce qui est dommage, c'est qu'ils n'ont pas pu venir lors de notre mariage en France, du coup nous avons aussi fait un deuxième mariage en Chine."

Comment vivez-vous les différences culturelles entre vous ?
Yuan : "Parler du pays de son conjoint est toujours un sujet à conflits : chacun souhaite défendre son pays. D'autres exemples : en Chine, la femme gère le budget familial, alors qu'en France, vous faites compte à part. La nourriture est aussi un terrain miné, mon mari n'aime pas vraiment la nourriture chinoise, il vient du Nord, un vrai "ch'ti" !"

Mickael : "Il faut accepter et comprendre la culture de l'autre. Nous avons bien sûr rencontré des périodes difficiles, surtout lors de la naissance de notre enfant. Un enfant perturbe déjà la vie d'un couple en temps normal, et davantage dans un couple mixte. Notre enfant baigne dans la culture chinoise et parle même mieux le chinois que moi. Je lui parle dès que je peux en français et lui apprend les coutumes de mon pays."

Minyu et Didier : "Nous faisons tous les deux un effort de compréhension de la culture de l'autre"

Minyu et Didier, en couple depuis 12 ans


Lepetitjournal.com : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Minyu : "J'ai vécu toute ma jeunesse en Chine, mon identité chinoise est entre Shanghai la commerçante et Pékin l'intellectuelle. Après une première expérience professionnelle à Pékin, j'ai souhaité travailler à l'étranger et je suis partie deux ans à Singapour pour Ernst & Young, puis un an aux Pays-Bas. J'étais sur un gros projet avec l'opportunité de revenir en Asie au Japon, plus exactement, mais c'était trop tôt? Je voulais approfondir ma connaissance de l'Europe. J'ai donc demandé à partir pour la France, je ne savais pas alors que j'y resterais dix ans. Et peu de temps après mon arrivée, j'ai rencontré Didier qui travaillait dans la même société que moi."

Didier : "Minyu est une citoyenne du monde, quant à moi, j'étais très "franco-français", je n'avais jamais vécu en dehors de la France. Quand j'ai rencontré Minyu, je venais de divorcer et j'avais la garde partagée de mes trois enfants. Nous avons donc vécu une première phase sans beaucoup de contraintes familiales, elle loin de sa famille et moi ne prenant mes enfants qu'un weekend sur deux. Quand s'est posée la question de la garde de mon plus jeune fils, Minyu a été formidable : elle m'a proposé de le prendre avec nous. Ça a clairement été une étape importante pour nous, nous avions un projet de couple et un projet familial qui nous a plus engagé l'un vis-à-vis de l'autre."

Comment votre entourage a réagi au fait que vous soyez ensemble ?
Didier : "Mon père vient du milieu universitaire et ma mère s'intéresse beaucoup à la culture, et le fait que je sois avec une Chinoise lui a beaucoup plu, devenant une occasion de découvrir encore plus de choses sur la Chine. Quand Minyu venait à la maison, c'était l'occasion pour eux de benchmarker leurs connaissances de la culture et de l'histoire chinoises. Aujourd'hui, ils apprennent à parler le Chinois et se sont mis au taichi ! Ils viennent nous voir deux fois par an, et sont ravis de s'immerger dans la vie à la chinoise. Quant à mes enfants, mes deux grandes filles ont aussi eu envie de découvrir la Chine et suite à un voyage ici, l'aînée a décidé avec son mari de venir vivre à Wuhan ! Vis-à-vis de mon fils qui vit avec nous, Minyu a apporté son affection et beaucoup de stabilité. Minyu ayant grandi et s'étant prise en main seule très tôt ? elle n'a vécu que deux ans avec ses parents et a été élevée par sa tante puis en internat ?, elle lui a inculqué la persévérance et l'exigence."

Minyu: "Comme vient de le raconter Didier, je me suis forgée un caractère indépendant. Contrairement à beaucoup de jeunes Chinoises qui sont incitées a choisir un mari conforme aux standards de leurs parents, en termes de statut social et professionnel, voire de ville d'origine, je me suis contentée d'informer mes parents. Il est vrai qu'en Chine, l'opinion du voisinage compte énormément ; ils ne savaient pas trop quoi dire au début, n'ayant tout simplement jamais rencontré de Français, mais cela s'est très bien passé dès qu'ils ont fait la connaissance de Didier. Bien que ma famille n'habite qu'à 2h de Shanghai, nous nous voyons finalement peu, contrastant quelque peu avec le modèle chinois traditionnel. Aussi il n'y a pas de problème particulier de cohabitation ou d'interférence avec notre mode de vie."

Comment vivez-vous les différences culturelles entre vous ?
Didier : "Je ne me suis jamais posé la question ! Tous nos choix de vie se sont faits de manière assez naturelle. Au début, mon approche de la Chine s'est limitée à quelques voyages touristiques avec Minyu au cours desquels je suis tombée sous le charme de ce pays. Minyu a fait beaucoup d'efforts pour apprendre le Français et s'approprier la culture française. Elle est même devenue Française, ce que nous avons célébré au saucisson et au vin rouge ! Du coup aujourd'hui, c'est moi qui ambitionne de m'intégrer en apprenant la langue et en vivant la culture chinoise de l'intérieur."

Minyu : "En fait, nous avons tous les deux des racines culturelles dans nos pays, mais nous ne sommes pas bloqués sur ces racines. Nous sommes ouverts et gardons une certaine distance vis-à-vis de nos cultures respectives. Pour Didier, j'étais un peu inquiète quand on est arrivés ici. Il était excité mais n'avait jamais vécu dans un autre pays. Aujourd'hui, il est guide touristique et connait Shanghai beaucoup mieux que la plupart des Chinois ! J'apprécie beaucoup qu'il essaie de "rentrer" dans la culture chinoise, de ne pas être un simple spectateur de mon pays mais de s'y impliquer?Nous essayons tous les deux de faire un effort de compréhension de la culture de l'autre."

* laowai : étranger

Propos recueillis par Marie-Eve Richet et Lucie Bousquet lepetitjournal.com/shanghai Jeudi 14 février 2013

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 13 février 2013, mis à jour le 18 février 2016

Flash infos