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LE POULS DE LA CHINE - XI Jinping affirme ses ambitions de puissance

Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 14 décembre 2015, mis à jour le 15 décembre 2015

Par Alexandre Pouilly

Depuis l'été, des évènements d'une importance primordiale pour l'avenir de la Chine se sont succédé à une vitesse inhabituelle. Dans l'environnement très artistique de l'ArtCNgallery, Eric MEYER, journaliste et écrivain, est intervenu lors d'une conférence organisée par le CFS afin d'expliquer les tenants et les aboutissants des décisions prises récemment par les dirigeants chinois.

En seulement quelques mois, le visage de la Chine s'est modifié. Tout d'abord, deux secousses majeures ont réveillé les autorités de Beijing : tout au cours de l'été, les mauvaises nouvelles économiques concernant particulièrement la croissance et les Bourses d'une part, et les explosions survenues à Tianjin d'autre part ont été interprétées comme des incidents nécessitant une reprise en main la plus rapide possible.

Ainsi, la campagne anti-corruption s'est accélérée au moment où les observateurs pensaient qu'elle s'essoufflait. De nombreuses arrestations ont eu lieu, visant davantage les "tigres", c'est-à-dire les numéros un ou deux de très hautes instances, organisations ou entreprises d'Etat. Parmi eux, XI Xiaoming, vice-président de la Cour Suprême, s'est fait prendre en possession de 21 tonnes de billets de cent yuans à son domicile ! Toutefois, le nouveau billet mis en place dans le même temps est également une réponse aux abus de cette sorte et se veut comme un outil anti-corruption à part entière, les détenteurs de masses de billets comme M. XI ne pouvant que tenter de s'en débarrasser très rapidement dorénavant (en investissant dans des oeuvres d'art sûrement). Cette chasse à l'homme épargne cependant les "princes rouges", les fils de dirigeants communistes précédents qui font donc partie de la même génération que le président XI Jinping.

L'événement essentiel de ces dernières semaines est d'ailleurs le nouveau plan quinquennal définissant les orientations pour les cinq prochaines années de la République Populaire. Il revêtait un attrait particulier également parce qu'il s'agit du premier sous la présidence de XI Jinping, lui permettant de développer complètement sa vision de l'avenir. Si le côté autoritaire de ce président s'était déjà révélé auparavant, il s'est vu confirmé et accentué. Ainsi, XI Jinping reste fidèle à une approche populiste de bien-être de la population. Les Occidentaux (davantage que les Chinois) n'ont retenu que la fin de la politique de l'enfant unique parmi les réformes proposées. Les Chinois, quant à eux, sont majoritaires (52%) à ne pas souhaiter de second enfant. Les prévisions annoncent tout de même un sursaut de 59 millions de naissances supplémentaires d'ici 2050 grâce à cette mesure, alors qu'à cette date le rapport démographique sera d'un actif pour quatre personnes âgées de plus de soixante ans !

Le treizième plan inclut aussi la fin du hukou, permis de résidence permanente qui assigne les Chinois au lieu d'origine dont ils ne peuvent déménager qu'avec difficulté. Cheval de bataille de XI Jinping, la lutte contre la pauvreté est aussi présente dans les décisions du nouveau plan quinquennal. Néanmoins, l'environnement érigé comme une priorité et réformé par la finance est assurément le point le plus novateur du programme.

XI Jinping rêve d'un leadership sur la scène internationale

, qui a longtemps été considéré comme un sujet secondaire par Beijing, s'invite en première ligne dorénavant. Le texte prévoit que cette nouvelle obsession soit payée presque exclusivement par les entreprises privées et par l'étranger. Un Comité des finances vertes a tout spécialement été créé pour mettre en place cette révolution : la décarbonisation semble être l'objectif primordial des prochaines années. Même si la volonté est au rendez-vous, les détails manquent et les statistiques paraissent improbables.

Le volet démocratique est lui le grand absent du treizième plan, à l'exception d'un coup de pouce à l'égalité entre les hommes et les femmes passant par une hausse de l'âge du départ à la retraite, qui était défavorable aux femmes auparavant. 

D'autres changements beaucoup plus significatifs se situent au niveau des relations internationales. En effet, la Chine d'habitude tournée vers les Etats-Unis décide petit à petit de se diriger vers l'Union Européenne. XI Jinping s'est déplacé sur le continent européen, notamment à Londres pour des accords sur le nucléaire, et a accueilli plusieurs chefs d'Etat européens, dont la chancelière allemande et le président Hollande. Ces deux visites officielles ont été l'occasion de signer plusieurs millions d'euros de contrats, particulièrement avec Airbus et Areva. Cette volte-face n'est pas anodine : des tensions se créent entre la Chine et les Etats-Unis du fait des revendications croissantes de la part de la Chine hors de ses eaux territoriales en Asie du sud-est, et XI Jinping tente également de réduire la récession présente en Union Européenne qui demeure son premier marché. Le président chinois est sur tous les fronts pour apaiser les relations difficiles avec ses voisins. Sa poignée de main avec le président taïwanais en est une preuve flagrante : il s'agit de la première rencontre entre les chefs d'Etat de la République Populaire et de Taïwan depuis 1949. De plus, durant un sommet Chine-Corée-Japon, il a prôné une reprise des négociations concernant des îles contestées par les deux ennemis historiques. En Malaisie, le Premier ministre LI Keqiang devait apaiser les protestations du gouvernement malaisien suite à la prise de trois îles stratégiques, mission réalisée en échange de plusieurs millions de dollars d'aide.

Enfin, la tradition chinoise de non-intervention en-dehors de ses frontières parait obsolète avec la montée du terrorisme, concernant la Chine aussi. Une stratégie axée plus vers l'Afrique se dessine. Néanmoins, ces deux remarques sont encore des points vagues. La Chine, sous l'impulsion de XI Jinping, veut prendre une place toujours plus grande en tant que puissance dominante. "Un indice supplémentaire permettant de remarquer ce rôle grandissant est le statut de monnaie internationale conféré par le FMI au yuan", a conclu Eric MEYER.

Alexandre Pouilly lepetitjournal.com/shanghai Mardi 15 Décembre 2015

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 14 décembre 2015, mis à jour le 15 décembre 2015

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