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La Chine « force pour la paix » dans le monde ?

On ne sait que trop penser des intentions de la Chine sur le plan diplomatique, en particulier sur la problématique de Taïwan.

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Écrit par Le Vent de la Chine
Publié le 9 mars 2024, mis à jour le 11 mars 2024

Depuis le début des « Deux Sessions », de la présentation du rapport par Li Qiang et des quelques mots de Xi Jinping durant la séance de la délégation du parti révolutionnaire du Kuomintang (KMT) le 5 mars, on ne sait que trop penser des intentions de la Chine sur le plan diplomatique, en particulier sur la problématique de Taïwan.

D’emblée, Li Qiang n’a pas parlé de « réunification pacifique ». Améliorer le bien des compatriotes, oui. Promouvoir le développement pacifique des relations entre les rives, oui. Mais, rien sur la question de la réunification. Le même jour, en parlant de Taïwan, Xi a déclaré qu’il fallait promouvoir conjointement le processus de « réunification pacifique ». Ce n’est pas ce que Wang Yi, durant sa conférence de presse du 7 mars, semblait suggérer. En effet, le chef de la diplomatie chinoise a affirmé que l’on devrait « s’efforcer de parvenir à une réunification pacifique ». En fait, il semble y avoir un degré de confusion entre les trois discours ; et pour une fois, il semble que Xi ait eu une version plus « pacifique » que celle présente dans le discours de Li Qiang ou dans les réponses de Wang Yi. Alors, qui dit vrai parmi les trois ?

Contrairement à 2023, il faut noter que le rapport de travail présenté cette année par Li Qiang a été personnellement dirigé et approuvé par Xi Jinping. Li a donc présenté le rapport tel que Xi lui a dit de le faire. Dans ces conditions, est-ce que la confusion est voulue ? C’est probable.

Cela fait partie de l’approche à long terme qui parle à la fois de réunification et d’action militaire – comme une sorte de métastratégie discursive – mais qui confirme également que la Chine n’est pas prête pour ce genre de campagne militaire. Ceci dit, le Parti continue d’alterner entre les deux discours afin de dérouter les observateurs étrangers.
 

Un développement militaire

De fait, cette approche duale rend difficile une prise de position claire de la part des gouvernements étrangers. Pendant ce temps, cette joute discursive prolongée permet à la Chine de se concentrer sur le développement de son appareil militaire alors que les observateurs en sont encore à decrypter les prises de position du leadership.

En ce sens, Wang Yi, qui est venu « rassurer » certains observateurs après le moment de nervosité causé par l’absence de « réunification pacifique » dans le rapport de Li, a aussi su ajouter un niveau de confusion supplémentaire en ce qui a trait aux véritables intentions du leadership.

Ceci dit, Wang a fait bien plus que cela durant sa conférence de presse. Il est notamment revenu longuement sur les relations entre la Chine et les États-Unis. Ce dernier est en effet revenu sur les commentaires de Joe Biden de novembre dernier. Il a ensuite fortement critiqué les agissements de Washington qui tente toujours de contenir le développement de la Chine. Wang fait par-là référence aux sanctions qui ne cessent de s’étendre à l’endroit de la Chine.

Selon Wang, les progrès réalisés lors de la rencontre en Xi et Biden en novembre dernier se sont estompés au profil de nouvelles méthodes visant à contenir la Chine. De son point de vue, les Etats-Unis semblent être devenus anxieux chaque fois qu’ils entendent le mot « Chine » et permettent à certains de devenir prospères et pas à d’autres. Wang soulève ici la question de justice et des pratiques hégémoniques de Washington qui semblent vouloir monopoliser l’innovation et les hautes technologies afin de freiner l’ascension de la Chine. Ironiquement, Wang demande également aux Américains de s’engager de manière pragmatique avec la Chine.
 

Un paradigme entre la Chine et la Russie

Ces quelques commentaires soulignent à quel point les relations demeurent tendues et à quel point les mesures américaines affectent la croissance de la Chine. Wang Yi, qui vient ici « crier à la faute », ne fait malheureusement pas le point sur la part de responsabilité qu’a la Chine dans cette situation. À vrai dire, ces commentaires ressemblent à une manière très maladroite d’attirer l’attention des Etats-Unis par le biais de menaces détournées tout en les blâmant pour l’état dans lequel se trouve l’économie chinoise. Pas sûr que cette stratégie de communication soit payante.

En parlant de la relation qu’entretient la Chine avec la Russie, Wang Yi a mentionné une fois de plus qu’un nouveau paradigme se met en place, paradigme qui s’inscrit contre les pratiques hégémoniques, et qui vise à développer la coopération entre les puissances émergentes. De fait, Wang confirme que la Chine ne fera pas marche arrière avec la Russie ni ne cessera de la soutenir dans ses efforts contre les forces hégémoniques. Cette prise de position confirme le fait que la Chine a choisi son camp et que les règles et les contraintes actuelles ne font pas l’affaire de Pékin.

Enfin, les éléments principaux dont on se souviendra de la conférence de Wang Yi sont ceux qui traitent de Taïwan. Et en fait, considérant que Taïwan est l’un des points de litige les plus importants entre la Chine et les États-Unis, on peut se demander si les commentaires comme « les gens qui tolèrent et soutiennent l’indépendance de Taïwan contestent la souveraineté de la Chine » ne s’adressent pas directement à Washington.

En ce sens, et compte tenu du nombre de menaces voilées qui se retrouvent dans les réponses de Wang, peut-on vraiment penser que la Chine est une « force pour la paix et la stabilité », tel que Wang l’a déclaré ? Il est permis d’en douter… Une chose est sûre : en se basant sur le ton et les réponses de Wang Yi, on ne peut que constater que la Chine peine encore à saisir ces occasions de communication pour gagner en capital politique et étendre ce qui lui reste de « soft power ». Après tout, la Chine ne peut pas s’isoler complètement du reste du monde.
 

Par Alex Payette

 

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