Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

ECONOMIE - Virage africain sur les "nouvelles routes de la soie"

route-de-soieroute-de-soie
Écrit par Le Vent de la Chine
Publié le 6 décembre 2021, mis à jour le 6 décembre 2021

L’âge d’or des relations sino-africaines appartiendrait-il au passé ? Lors du 8ème forum de coopération Chine-Afrique (FOCAC) qui a eu lieu les 29 et 30 novembre à Dakar (Sénégal), l’enthousiasme débordant d’hier, a laissé place à un certain scepticisme… des deux côtés.

Durant les deux dernières décennies, les échanges entre Chine et Afrique ont connu un essor spectaculaire. Ils ont été multipliés par 20, pour dépasser annuellement les 200 milliards de $. Une estimation qui fait de Pékin le premier partenaire commercial de l’Afrique depuis 2009. Entretemps, la Chine est également devenue le premier bailleur de fonds de nombreux pays du « continent noir », devenant un acteur géopolitique de premier plan en Afrique et damant le pion aux puissances occidentales, France et États-Unis en tête.

Cependant, après des années de financements quasi illimités, notamment conclus dans le cadre de son initiative « Belt & Road » (BRI) lancée en 2013la Chine est forcée de constater que de nombreux pays africains se retrouvent dans l’incapacité de payer leurs dettes. Une situation qui s’est aggravée avec la pandémie.

C’est ce qui explique que la Chine se contente d’annoncer 40 milliards de $ de nouveaux investissements, lignes de crédit et droits de tirage spéciaux, contre 60 milliards de $ lors des précédentes éditions du FOCAC en 2015 et 2018.  

Ce fléchissement des largesses chinoises illustre un certain tassement de la dynamique « Chinafrique ». Selon le cabinet d’avocat Baker McKenzie, les investissements réalisés par les banques chinoises dans des projets d’infrastructure en Afrique ont chuté de 11 milliards de $ de 2017 à seulement 3,3 milliards en 2020.

Si les pays africains demeurent toujours très demandeurs de financements chinois, la liste de leurs doléances s’allonge : conditions financières peu attractives, contrats « infrastructures contre ressources naturelles » asymétriques, échanges commerciaux déséquilibrés (de type Nord-Sud), faibles retombées économiques pour les populations locales, violation du droit du travail, dégâts environnementaux

Consciente de ces problèmes croissants, la Chine a annoncé un recalibrage de son engagement avec l’Afrique, avec une prudence accrue en matière de financement, une meilleure évaluation des projets et des risques et une attention particulière portée aux problèmes de corruption.

Il s’agit aussi de délaisser les traditionnels projets d’infrastructures au profit d’autres formes de connectivité (financière, numérique, santé…) avec une participation croissante du secteur privé.

Le Président Xi Jinping s’est également engagé à acheter davantage de produits agricoles africains : 300 milliards de $ d’importations sont prévus durant les trois prochaines années. Un objectif modeste étant donné la courbe actuelle des importations chinoises.

Mais c’est la promesse de fournir 1 milliard de doses de vaccin à l’Afrique pour l’aider à atteindre un taux de vaccination de 60% d’ici 2022 qui lui a valu le plus d’applaudissements, en un pied de nez aux dons occidentaux et aux initiatives internationales comme COVAX. Actuellement, seulement 7% de la population africaine est vaccinée…

Alors que la Chine fait évoluer ses axes de coopération avec l’Afrique, l’Union européenne et les États-Unis s’intéressent de plus près au continent, voyant leur influence s’amenuiser.

Le 1er décembre, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé un programme prénommé « Global Gateway », doté de 300 milliards d’euros. Il vise à financer des investissements dans le numérique, la santé, le climat, l’énergie et les transports ainsi que l’éducation et la recherche, d’ici à fin 2027. Le plan « vise à tisser des liens et non à créer des dépendances », a taclé la présidente, sans toutefois mentionner explicitement l’initiative BRI chinoise. « Nous voulons des projets qui soient mis en œuvre avec un haut niveau de transparence, de bonne gouvernance et de qualité », a-t-elle ajouté.

Ce programme européen fait suite au projet américain « Build Back Better World », vanté par le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken lors d’une récente tournée africaine, en perspective d’un sommet Afrique-États-Unis en 2022. Le programme ambitionne d’investir 40 000 milliards de $ d’ici 2035 dans des pays en voie de développement, dont des nations africaines.

La situation ne manque pas de piment. D’un côté, l’Occident se retrouve à « copier » l’initiative chinoise, tout en promettant que leurs programmes seront « plus qualitatifs et viables ». De l’autre, la Chine semble s’aligner sur l’offre occidentale en prêchant une « offre durable et de haute qualité ».

La véritable question est : l’Europe et les États-Unis doivent-ils vraiment concurrencer la Chine en Afrique sur le terrain des infrastructures ? Sont-ils en mesure de le faire ?

Il est bon de rappeler que l’initiative BRI a  avant tout été conçue comme une réponse aux défis économiques intérieurs chinois (surcapacités industrielles, accumulation de devises étrangères résultant de ses excédents commerciaux, nécessité de sécuriser son approvisionnement en ressources naturelles…). Les préoccupations américaines et européennes sont quelque peu différentes, tout comme leurs avantages compétitifs respectifs…

Quoi qu’il en soit, l’arrivée des projets et financements chinois a eu le mérite de sortir les pays africains de leur face-à-face avec les anciennes puissances coloniales. Ils se retrouvent aujourd’hui au cœur de toutes les convoitises – ou plutôt des rivalités, car toute adhésion à l’une ou l’autre des initiatives sera interprétée comme une prise de position géopolitique. L’Afrique sera-t-elle vraiment en mesure d’en tirer partie ?

Le Vent de la Chine
Publié le 6 décembre 2021, mis à jour le 6 décembre 2021

Flash infos