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PÉTROLE - Ils vivent et travaillent sur des plateformes (1/2)

Écrit par Lepetitjournal Sao Paulo
Publié le 12 mars 2015, mis à jour le 12 mars 2015

Petrobrás, pré-sel, on n'entend que ça dernièrement ! Mais savez-vous à quoi ressemble la vie du personnel qui travaille dans le secteur du pétrole au large des côtes ? Lepetitjournal.com a interviewé pour vous deux professionnels en la matière : un Ecossais de 42 ans, superviseur sur un navire de forage dans la région d'Aracaju et un Brésilien de 36 ans, officier naval sur un bateau chargé de remorquer les plateformes. Deux parcours très différents. Voici donc notre premier entretien, le second sera publié la semaine prochaine.

Scott est né et a grandi aux alentours de Glasgow, dans une région de collines, loin de la mer. Il fait des études secondaires sans aller jusqu'au Bac, puis part à Aberdeen, sur la côte, où il découvre l'océan pour la première fois avec son père, menuisier dans un chantier naval.

De fil en aiguille, il en arrive à embarquer à 20 ans sur un bateau, comme simple mousse (roustabout). Deux ans plus tard, il devient floorman, ou encore roughneckdans le jargon des marins. Ces six premières années sont très dures physiquement mais aussi moralement. Malmené par tous, il tient pourtant bon. A 26 ans, Scott monte enfin en grade et devient derrickman. De 1990 à 1998, il travaille sur des vaisseaux battant pavillons britannique ou hollandais. Puis il est muté en Norvège, comme assistant driller, directement sous les ordres d'un ingénieur de forage. Les conditions en Mer du Nord sont particulièrement adverses.

Heureusement, il est réaffecté dans une autre partie du globe, au large de Dubaï où il travaille pour Maersk, une compagnie danoise. A 36 ans, Scott embrasse la fonction de driller (foreur) ou encore toolpusher (accrocheur) pour quatre années consécutives et en 2010, devient finalement superviseur d'une équipe de forage pour Petroserv - ancienne entreprise américaine rachetée par Petrobrás en 2007 et qui arbore donc le drapeau brésilien -.

Il travaille en ce moment au large des côtes d'Aracaju, dans le nord-est du pays et son port d'attache est Vitória, capitale de l'Etat d'Espírito Santo. Le paradis... ou presque car même s'il travaille 6 mois par an et gagne un salaire impressionnant, sa vie personnelle en a souffert : trois enfants (14, 12 et 5 ans) et deux divorces. Toutes les femmes ne sont pas prêtes à ne voir leur mari qu'un mois sur deux...

Lepetitjournal.com - Quelle est la taille du navire de forage et à combien se monte le personnel ?
Scott - Quand je donne des chiffres, les gens ont du mal à imaginer. Disons que le vaisseau a une superficie équivalente à trois stades de foot et ce, sur sept niveaux. Le pont se trouve à 30 mètres à peine au-dessus du niveau de la mer mais le sommet du derrick est à 315 mètres de haut. Ici, sur le Carolina NS29, nous sommes 96 en tout. 18% sont des étrangers : quelques Ecossais comme moi, mais aussi des Anglais, des Polonais, des Russes et des Croates. Le reste est constitué de personnel local, brésilien donc.

Combien d'heures travaillez-vous par jour ?
Nous travaillons 12 heures de suite par jour, en alternance : 1 semaine de nuit, 1 semaine de jour, pendant 1 mois. Quand je suis de jour, je me lève à 5 heures du matin, je prends un petit-déjeuner rapide puis je vais travailler de 6h à 18h. Au bout de 4 semaines, nous avons droit à 28 jours de repos, sur terre. Moi je rentre systématiquement en Ecosse voir mes deux familles pendant 15 jours, puis je pars en vacances quelque part. Cette année, je suis retourné en Norvège et à Dubaï mais j'ai aussi visité plusieurs coins au Brésil. La plupart de mes collègues (divorcés également) ne rentrent même pas chez eux et font la fête "à tout berzingue". Quant à notre capitaine, il est Ecossais mais vit en Thaïlande. Il faut dire qu'avec son salaire, il peut se le permettre ! Je travaille directement sous ses ordres mais je ne souhaite pas prendre sa place, car le stress est énorme et les responsabilités alourdissantes. Mes 15.500 dollars par mois me suffisent largement...

Justement, parlant d'argent, que faites-vous de tous ces pétrodollars ?
Bon, nous ne travaillons que 6 mois par an, mais le salaire tombe 12 fois ! J'ai donc pu investir pas mal. Je possède plusieurs maisons en Ecosse que je loue. Une partie de l'argent part en voyages (les allers-retours en Ecosse sont pris en charge par l'entreprise), le reste est à la banque ou bien entre les mains de mes deux ex-femmes (pensions alimentaires), ce qui n'est pas rien. Mais je ne peux décemment pas me plaindre, n'ayant aucun diplôme universitaire ou même technique. Il y a 25 ans, on ne vous demandait que "sweat and musles" (sueur et muscles), rien d'autre ! Les jeunes générations doivent aujourd'hui passer par une école navale. En contrepartie, ils montent beaucoup plus rapidement en grade.

Combien de temps pensez-vous encore travailler à ce rythme-là ? Existe-t-il une limite d'âge ?

Non, ce n'est pas comme les footballeurs qui arrêtent de jouer à la quarantaine et deviennent coachs ou arbitres. Du moment que vous gardez votre force physique et mentale, c'est bon. Nous avons des check-ups réguliers (tests psychologiques, acuité de la vue et de l'ouïe, etc.). Personnellement, je pense encore donner 10 ans de moi à ce boulot et j'ai l'intention de rester dans les parages et profiter des eaux calmes et paradisiaques du Brésil. Nous sommes en novembre et c'est autre chose que les vents glacés et les tempêtes de la mer du Nord, je vous le garantis...

Le travail est-il épuisant physiquement ou tout est-il automatisé aujourd'hui ?
Dans ma fonction actuelle, superviseur de forage, j'utilise essentiellement la technologie. Tout est fait par ordinateur et comme vous pouvez le voir sur la photo, je travaille sur ce qu'on appelle une cyber-chair, un peu comme un astronaute, mais assis, pas couché ! Je supervise mon équipe de forage depuis la cabine de commande, mais de temps en temps, je mets la main à la pâte. Je fais des inspections de routine, je vérifie si toutes les pièces sont bien lubrifiées, etc. Je suis obligé de porter en permanence mon uniforme orange pour des questions de sécurité.

A propos, qu'en est-il de la sécurité ? Est-ce considéré comme un travail dangereux ?
Oui, bien sûr et c'est en partie pour cela que nous sommes si bien payés. Mais les consignes sont extrêmement sévères, comme vous pouvez l'imaginer. Il y a tout un tas de règles et de restrictions comme interdiction de fumer, par exemple, mais cela va sous le sens... Les uniformes possèdent des bandes réfléchissantes de nuit pour éviter les accidents. Mais cela arrive tout de même. Quand je fais du travail manuel, je porte également des gros gants, une paire de bottes et un casque, évidemment.

Un accident vous a-t-il marqué plus particulièrement ?
Oui, c'était à Dubaï mais en fait, rien à voir avec le navire de forage de Maersk. Un hélicoptère qui remportait une équipe sur terre a heurté au décollage une des "jambes" de la plateforme et a explosé : 7 morts. Tous des collègues, je ne m'en suis jamais vraiment remis !

De toutes les compagnies maritimes pour lesquelles vous avez travaillé, quelles sont vos préférées ?
Je dois dire que ENSCO, entreprise américaine, était bien mais aussi MAERSK, entreprise danoise, où l'ambiance est beaucoup plus cool même si les salaires sont moins attrayants. Mais on ne peut pas tout avoir !

Marie-Gabrielle BARDET (www.lepetitjournal.com - Brésil) Rediffusion

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Publié le 12 mars 2015, mis à jour le 12 mars 2015

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