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PATRICE MONTAGU-WILLIAMS - "J’ai le Brésil dans la tête, je voudrais le faire aimer aux Français"

Écrit par Lepetitjournal Sao Paulo
Publié le 22 juin 2015, mis à jour le 22 juin 2015

Passionné depuis des années par le Brésil, Patrice Montagu-Williams, 70 ans, est l'auteur de romans policiers, mais également de plusieurs ouvrages sur le Brésil, dont un récit de voyage intitulé Brésil, dans les pas du géant, de la collection belge "L'Âme des Peuples" (Nevicata). L'écrivain évoque auprès du Petitjournal.com son dernier roman, sorti le mois dernier chez L'Harmattan, La Guerre de l'once et du serpent, dont la trame se déroule le long du fleuve São Francisco, dans le Nordeste brésilien - terre de légendes et de superstitions peuplée de bandits - alors que le Brésil est aux mains de Getúlio Vargas.

Lepetitjournal.com : Depuis quand écrivez-vous ? 
Patrice Montagu-Williams : En fait, depuis un peu toujours. Mais quand je travaillais, c'était difficile car je voyageais beaucoup, je n'avais pas beaucoup de temps. Donc c'est quand j'ai arrêté de travailler que je m'y suis mis ou remis : j'ai commencé à écrire un polar qui s'appelle La porte de Jade (Balland, 2012), qui se passe à Montmartre, où j'habitais. Il s'est d'ailleurs assez bien vendu, j'étais passé sur France Inter, j'avais été invité au festival de Cognac? Mais Balland a fait faillite alors maintenant je ne sais pas à qui confier la suite, puisque c'est le début d'une série. Je suis en discussion avec plusieurs éditeurs.

Vous donnez dans des genres bien différents...
En fait, j'ai deux ?trucs? : il y a d'abord ces polars, qui se passent à Montmartre, à Barbès. Et puis après, j'ai voulu écrire sur le Brésil. La Guerre de l'once et du serpent, cela se passe en 1939 avec le policier qui a tué Lampião (célèbre bandit brésilien, ndr), et là je viens d'en terminer un autre qui s'appelle Mundukuru, qui se déroule dans les favelas de Rio et en Amazonie sur le Rio Tapajós. Je suis en discussion avec plusieurs éditeurs pour qu'il y ait une bonne diffusion. Mais c'est ça : le Brésil ou les polars à Montmartre.

Pourquoi le Brésil ?
En 1968 je suis venu au Brésil faire un stage et je suis tombé sur un général qui était le numéro 2 de l'armée de l'air brésilienne. Il m'a emmené dans son avion faire une tournée dans tout le pays. Je suis allé partout, à Fernando de Noronha, dans le Nordeste, en Amazonie, dans le Mato Grosso, partout... Moi qui avais vécu à Londres (ma mère était anglaise), à Paris, et puis sur la Côte d'Azur, je n'étais jamais sorti d'Europe. Alors là, cela a été un choc. Et j'y suis retourné, j'ai vécu à Rio cinq ou six ans. Je me suis marié à une Carioca, depuis on peut dire que j'ai le Brésil dans la tête. Et puis j'ai encore plein d'amis à Rio, donc quand je peux, j'y vais.

La Guerre de l'once et du serpent se déroule dans le Nordeste : est-ce que c'est une fiction ou il s'inspire en partie de faits réels ? 
C'est une fiction, sauf que les personnages sont réels. Le policier militaire, c'est bien celui qui a tué Lampião. Le gouverneur -

on appelait ça ?interventor? à l'époque -, c'est bien celui de l'État du Sergipe, etc. Et on voit Vargas, évidemment, donc oui, les personnages brésiliens ont vraiment existé. Par contre, j'ai rajouté deux nazis. En fait il y a eu, au Chili par exemple, des tentatives d'implantation de nazis, qui sont restés du temps de Pinochet. Donc cela correspond à quelque chose de réel, cela aurait pu se passer au Brésil. Et ce qu'il y a d'intéressant, c'est qu' à l'époque, le Brésil n'avait pas choisi entre l'Axe et les Alliés, donc il ne fallait surtout pas faire de vagues et donc surtout ne pas laisser un nazi s'installer, déclarer qu'il allait faire un État ou quelque chose comme ça? D'autant plus qu'il y a des colonies d'allemands dans le Sud, et Vargas ne savait pas ce qu'allaient faire les Allemands si le Brésil choisissait de s'allier avec les Américains.

Comment avez-vous réussi à vous imprégner de ce Nordeste d'avant-guerre?
Je connais le Nordeste, mais pas celui d'avant-guerre. J'ai fouillé partout, j'ai lu beaucoup sur le sujet. La Guerre de la fin du monde par exemple, de Mario Vargas Llosa, ou Sécheresse de Graciliano Ramos... Et puis je me suis inspiré d'une thèse écrite par une Française sur Lampião : j'y ai pioché certains personnages. Pour le reste, ce sont des recherches : on trouve des tas de choses sur Internet maintenant, pour les détails sur les voitures, l'armement, l'uniforme des gens par exemple. Je n'aurais pas pu écrire cela il y a un temps, parce que je n'aurais jamais trouvé tous ces détails. Je n'aurais jamais su par exemple que la police militaire du Nordeste avait récupéré des armements de l'armée française du temps de la Première Guerre Mondiale. Cela a représenté 500 heures de travail pour moi. J'ai commencé à l'écrire en 2012 puis j'ai laissé passer un an, et je l'ai repris récemment.

Quel genre d'écrivain êtes-vous ? Comment vous décririez-vous ?
Je ne sais pas trop : si je parle de ce que j'écris sur Montmartre, ce serait un écrivain ?à la Daniel Pennac?. En réalité ce ne sont pas de vrais romans policiers, c'est un petit peu fantasmé, il y a une fée? Pas aussi violent que les polars américains. Le roman policier permet de faire passer un certain nombre de choses sans que ce soit ennuyeux. Et puis dans le cas de ces livres, La Guerre d'once et du serpent et Brésil, dans les pas du géant, je voulais que les gens s'intéressent un peu au Brésil. Parce que je trouve qu'en France, on connaît très mal le Brésil. Pour les gens, le Brésil c'est le football, la samba ou la violence urbaine, enfin, tous ces clichés qu'on a entendu déjà des milliers de fois. J'entends cela tout le temps et cela me déprime. Les gens ne connaissent pas la taille de ce pays : c'est incroyable, c'est la moitié de l'Amérique du Sud ! Quand je raconte qu'il y a une île (l'île de Marajó), dans le delta de l'Amazone, qui fait la taille de la Suisse, les gens sont sidérés. En fait c'est cela : je voulais essayer de faire aimer le Brésil, et de leur dire qu'il n'y a pas que le football et la police militaire qui tire sur les trafiquants de drogue, ou Dilma Rousseff. Il y a tellement de choses...

Parlez-nous de votre autre livre, Brésil, dans les pas du géant?
C'est un petit bouquin de la collection ?L'Âme des peuples?, d'une édition belge du nom de Nevicata, et qu'on m'a commandé. C'est une petite collection qui marche bien, qui a déjà une trentaine de livres. On peut le télécharger en format de poche. C'est celui qui a le mieux marché de la collection puisqu'il s'est vendu je crois à 4.000 ou 5.000 exemplaires. Il est d'ailleurs en cours de réédition. Donc l'éditeur était assez content, et moi aussi : cela prouve qu'on peut faire aimer le Brésil. Et tous les gens qui ont lu mon livre m'ont dit après que cela leur donnait envie d'aller au Brésil. C'est ce qui m'a fait le plus plaisir.

Diriez-vous que le Brésil vous a changé ?
Oui, tout à fait. J'ai connu beaucoup de pays, mais il n'y en a aucun qui m'ait marqué autant que celui-là. Alors c'est peut-être parce que c'était le premier, mais pourtant je suis allé dans des endroits absolument dingues et aucun ne m'a marqué comme ça. En fait, si je pouvais tout résumer, j'aime deux endroits : Paris et le Brésil. Je me sens à la fois parisien et brésilien, même carioca si je peux dire.

Vous comptez retourner au Brésil ? 
Oui, absolument. Peut-être l'année prochaine, parce que j'ai une demande pour un éditeur de livres d'art, Diane de Selliers, qui voudrait faire un livre sur le Brésil. Ou peut-être encore pour cette maison d'édition belge. Dès que je peux.

Propos recueillis par Fanny CHARBIN (www.lepetitjournal.com - Brésil) mardi 23 juin 2015

- Voir le site de Patrice Montagu-Williams

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Publié le 22 juin 2015, mis à jour le 22 juin 2015

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