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JALIL LESPERT – "Le réalisateur doit s’effacer derrière l’histoire !"

Écrit par Lepetitjournal Sao Paulo
Publié le 23 avril 2014, mis à jour le 23 avril 2014

Pour le festival Varilux de cinéma français au Brésil, Jalil est venu présenter son dernier lancement : Yves Saint Laurent, un film sur le succès météorique du grand couturier qui, comme lui, est pied-noir et a débuté tout jeune, à 20 ans. On est en 1957 et YSL assume la direction de la très célèbre Maison Dior. Dès le premier défilé, c'est le triomphe et c'est aussi à cette occasion qu'il fait la connaissance de Pierre Bergé... Une rencontre qui bouleversera sa vie, aussi bien professionnellement que sentimentalement parlant. On connaît la suite !

Jalil Lespert, né en 1976, de mère algérienne, est le fils du comédien Jean Lespert et frère de Yaniss Lespert, également acteur. Le public français le découvre en 1995 grâce au film Jeux de Plage de Laurent Cantet. A l'époque son prénom sur les crédits est encore Djellil. En 2001, il reçoit le César du meilleur espoir masculin pour Ressources Humaines, du même réalisateur. Il tourne ensuite successivement avec d'autres metteurs en scène, tels qu'Alain Resnais et Robert Guédiguian. En 2007, il réalise son premier long métrage 24 Mesures, un film casse-tête, présenté au festival de Venise. En 2009, il enchaîne deux grands rôles dans les films Lignes de Front et Pigalle, la Nuit. Enfin, en 2011, il tourne avec le réalisateur chinois Lou Ye (Love and Bruises). Dans la foulée, il entreprend son second long métrage : Des Vents Contraires. Puis en 2013, c'est l'apothéose avec son 3ème film : Yves Saint Laurent, qui fait énormément parler de lui, et pour cause...

Lepetitjournal.com ? Comment êtes-vous arrivé au choix de Pierre Niney, pour incarner YSL ?
Jalil Lespert ? En 2012, je tournais un film avec le fils de Françoise Fabian, au fin fond du Luxembourg. Il y avait un "break" et on est allé acheter des revues pour passer le temps. En feuilletant les magazines people, je suis tombé sur une photo de Pierre qui ce jour-là, portait des lunettes au lieu des ses lentilles de contact habituelles. Son port physique m'a frappé de ressemblance avec la silhouette d'YSL et je suis entré en contact avec lui. Un an avant le tournage, on a loué un studio, je l'ai grimé en YSL et on a pris des photos noir et blanc. J'étais bouche bée. L'inclination de la tête, le menton pointu, la maigreur contenue, bref tout y était...

Et en-dehors du physique, quels sont ses autres atouts ?
Pierre a une intelligence de jeu assez rare, un vrai sens des ruptures, mais aussi de l'humour. En outre, et ce bien après, sans même que je le sache, il a plongé dans le personnage en travaillant sur les intonations de la voix particulièrement aiguë d'YSL et c'est à s'y méprendre. Puis des amis proches du grand couturier (comme Audrey Setnasi) l'ont "coaché", en lui apprenant comment tenir un crayon pour dessiner, le tracé particulier d'YSL sur le papier, etc. La maman de Pierre est professeur d'art plastique. Les gênes ont également eu leur importance. Bref, difficilement, un autre acteur aurait pu incarner aussi bien le grand couturier. Tous ceux qui ont connu YSL de près ou de loin, sont d'accord là-dessus. C'est ce qui explique sans doute en partie le succès du film !

Pourquoi avoir concentré le film sur les années 60/70 ?
C'est l'après-guerre, les 30 glorieuses. Mai 68, l'effervescence politique et estudantine. Une époque très productive et créatrice. Le réalisateur doit s'effacer derrière l'histoire, qui se termine d'ailleurs en 76, à ma naissance.

Quel est le rôle de la Fondation Pierre Bergé dans tout cela ?
Fondamental ! Ceci aussi explique le caractère authentique de cette biographie. J'ai pris rendez-vous avec l'institution pour utiliser les modèles haute-couture de l'époque et la garde-robe personnelle d'YSL également. La Fondation Bergé détient 50.000 robes en parfait état, mais c'est autre chose que de les voir dans un musée, pendues à un cintre. Je voulais leur redonner vie. Cela m'a profondément ému et je ne m'y attendais pas, à dire vrai. YSL est un très grand artiste, qui a atterri dans la mode un peu par hasard, mais il aurait pu tout faire dans les arts.

Un autre film va sortir prochainement en France sur YSL. Est-ce une concurrence déloyale ?
Non, mais j'avoue avoir été "scotché" par la nouvelle au départ. Mais dans le cas de mon film, j'ai l'aval de Pierre Bergé et de la Fondation, ce qui fera sans doute la différence. Avec Pierre Bergé, on a eu le déclic instantanément. Il m'a laissé toute liberté ou presque, et comme disait Montaigne : "C'est parce que c'est lui, c'est parce que c'est moi...". Pierre Bergé est aujourd'hui un vieil homme de 85 ans qui a perdu son compagnon très tôt. Récemment j'ai revu une émission où il répondait au fameux questionnaire de Proust... et il  parlait d'Yves constamment au PRESENT. Je pense que mon film a permis à Pierre Bergé de conclure son deuil !

Que pensez-vous de l'autre film, celui de Bertrand Bonello ?
Je ne l'ai pas encore vu mais je sais que c'est Gaspard Ulliel (acteur et mannequin, NDLR) qui assure le rôle d'YSL. Je leur souhaite bonne chance à tous les deux.

Qu'est-ce que vous nous concoctez à l'avenir ?
Un film sur la classe populaire, basé sur Martin Eden, le roman autobiographique de Jack London. Mais j'ai tout le temps, je n'ai pas encore atterri du tourbillon du lancement d'YSL. Je suis allé au Japon, aux Etats-Unis et maintenant le Brésil...

Propos recueillis par Marie-Gabrielle BARDET (www.lepetitjournal.com - Brésil) jeudi 24 avril 2014



L'info en plus :
En parallèle avec le festival Varilux, le film Quai d'Orsay avec Thierry Lhermitte et Julie Gayet vient d'être lancé au Brésil à la Reserva Cultural, sur l'avenue Paulista. Traduction relativement impeccable, malgré le nombre incroyable d'expressions idiomatiques et de jeux de mots. Ah ! emportez vos mouchoirs car, si vous êtes comme moi, vous en pleurerez de rire...

lepetitjournal.com sao paulo
Publié le 23 avril 2014, mis à jour le 23 avril 2014

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