

Augusto et Marlene tiennent une boutique d'antiquité spécialisée dans le mobilier brésilien du XXème siècle. Ils s'intéressent tout particulièrement à l'époque le plus riche du design de meubles au Brésil, à savoir la période des années 50 à 70. Les grands noms de créateurs, les pièces iconiques, leurs coups de c?ur : rencontre avec un couple de passionnés.
Lepetitjournal.com - A quelle époque et comment le design moderne de mobilier brésilien est-il né ?
Augusto et Marlene ? Même après le mouvement culturel de l'année 1922 (lire notre article), les Brésiliens ont continué à importer le mobilier d'Europe. Il a fallu attendre les années 40, pour voir le pays développer sa propre production de meubles. A partir de cette époque, l'architecture a commencé à construire de nombreuses maisons modernes. Mais les architectes ne trouvaient pas le mobilier qui convenait pour meubler ces maisons. Ils ont donc commencé à dessiner par eux-mêmes des tables, des chaises, des fauteuils à leur goût. Ça a été notamment le cas d'Oscar Niemeyer ou de Lucio Costa.
Mais si l'on doit évoquer celui qui est à l'origine du mobilier moderne au Brésil, il s'agit sans aucun doute du Portugais Joaquim Tenreiro. Ce descendant d'une famille de menuisiers s'installe à Rio de Janeiro à la fin des années 1920. Il commence par travailler pour différentes entreprises avant de créer ses propres meubles. Pour lui, la légèreté et la pureté des lignes importaient beaucoup. Il utilisait énormément le bois de jacaranda, et a introduit l'emploi de la paille à la place du velours qui recouvrait jusqu'à cette époque les assises et dossiers des chaises, fauteuils et canapés. Il a été un pionnier sur de nombreux points.
Quels sont les designers brésiliens que vous préférez ?
Augusto - Plus que pour un designer, j'ai une passion pour le design de meubles en général ! Mais un que j'aime beaucoup pour la simplicité des choses qu'il fait, c'est sans aucun doute Geraldo de Barros et tout son travail accompli chez Unilabor.
J'aime aussi particulièrement Michel Arnoult, un Français très connu à partir des années 50. Il a été le premier à lancer les meubles en kit au Brésil en 1970, les Peg Lev ("prendre et emmener") et à tenter une production à l'échelle industrielle.
Mais sans aucun doute, le meilleur reste Tenreiro par la perfection, la pureté, la légèreté et la simplicité des lignes de sa création. Sans compter ses finitions qui sont toujours impeccables. C'est donc difficile de faire une copie de Tenreiro !
Et vous Marlene ?
Comme Augusto, j'apprécie particulièrement le travail de Tenreiro et de Barros. Mais aussi les meubles de Sergio Rodrigues, Zanine Caldas, Jorge Zalszupin ou encore du Français Jean Gillon. Un designer, qui n'est certes pas le plus connu, mais dont le travail est riche et très intéressant, c'est Scapinelli.
Et du côté des designers contemporains ?
Marlene ? J'aime globalement moins le design actuel tout simplement parce que j'adore le bois de caviuna ou du jacaranda, un arbre dont il existe plus de 100 espèces, très employé des années 40 à 70. Il est maintenant interdit de l'utiliser pour créer de nouveaux meubles. La mode n'est plus trop au bois, les designers sont plus tournés vers le verre et l'acier. De plus la production était tellement osée dans les années 50 qu'il est maintenant difficile de faire encore quelque chose de différent. Mais Fernando Jaeger, Carlos Motta ou Reno Bonzon dont le fauteuil Gaivota est très célèbre font de belles propositions. Si je devais choisir, j'aimerais bien avoir dans mon salon une des chaises Favela des frères Campana, mais que j'envisage plus comme une sculpture que comme un objet que je pourrais réellement utiliser, d'autant moins qu'elle ne semble pas très confortable !

Sans aucun doute le Três Pés de Tenreiro qui est très beau, le fauteuil Jangada de Jean Gillon, sans oublier bien sûr le Mole de Sergio Rodrigues (lire notre article).
Quel est l'état du marché des antiquités de mobilier pour la période des années 50 à 70 ?
Avant, seuls les collectionneurs s'intéressaient à cette période. Maintenant beaucoup de personnes aiment ce style, notamment les architectes, les artistes ou encore ceux qui évoluent dans le milieu de la mode. Un intérêt croissant pour cette période est né à partir du début des années 2000. Il y a maintenant des livres, des expositions et beaucoup de revues qui mettent en avant ce grand moment de la création de meubles brésiliens. Comme ce type de mobilier est de plus en plus recherché les prix grimpent en flèche. Pour quatre créateurs, les tarifs de pièces originales sont absurdement élevés, il s'agit de Tenreiro, Szalszupin, Niemeyer et Rodrigues.
Cet intérêt a développé un vrai problème : celui des copies. J'ai (Marlene) ouvert ma première boutique en 1987. A l'époque, à São Paulo, nous n'étions que deux à vendre des meubles de cette époque. Maintenant, les magasins se multiplient et depuis 10 ans beaucoup de copies sont apparues sur le marché, ce qui le perturbe énormément. Les vrais amateurs sont très méfiants.

De plus en plus de boutiques américaines, britanniques ou françaises se spécialisent dans le mobilier brésilien. Les Européens apprécient particulièrement notre design à cause des bois qui sont employés : ils ont un aspect et une couleur très élégants.
Propos recueillis par Amélie PERRAUD-BOULARD (www.lepetitjournal.com ? Brésil) Rediffusion
Augusto et Marlene tiennent le magasin 5decadas, situé Rua João Moura, 385 - São Paulo





