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COUPLE FRANCO-BRESILIEN – "Le plus beau cadeau qu’il m’ait fait, c’est d’avoir quitté famille et amis pour venir au Brésil"

Écrit par Lepetitjournal Sao Paulo
Publié le 13 juin 2013, mis à jour le 20 décembre 2013

Une nouvelle fois, lepetitjournal.com est allé à la rencontre d'amoureux franco-brésiliens. Cette fois-ci, c'est Pierre, Français et anthropologue et Isabel, Brésilienne et  professeur de portugais qui ont accepté de répondre à nos questions !

Lepetitjournal.com - Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Pierre - On s'est rencontrés pour la première fois en avril 2011 lors une fête ici à Fortaleza. J'étais au Brésil pour faire des recherches d'anthropologie. Et donc ça a bien collé entre nous lors de cette soirée. Je devais rentrer en France pour présenter mon mémoire et j'avais un visa limité. Isabel a dit qu'elle viendrait me voir en France, ce qu'elle a fait en juillet 2011 pour connaître la France et ma famille. Ca s'est très bien passé. Je suis revenu après au Brésil. On s'est vite rendu compte qu'avec les histoires de visas, nous n'avions pas trop le choix : pour rester ensemble il fallait qu'on se marie. Et puis ça se passait bien, donc le mariage était aussi une bonne chose. (Pierre s'adresse à Isabel) Je ne sais pas ce que tu en penses toi, mais c'était une bonne idée le mariage, non ?

Isabel - Oui, le mariage, c'est ce qu'il fallait faire.

Pierre - On s'est donc mariés en juillet 2012. Depuis, on vit à Fortaleza.

Comment vos cultures respectives se manifestent-elles au quotidien dans votre relation ?
Isabel - Je crois que c'est principalement quand on parle. Les mots sont différents et c'est drôle car il peut me dire un mot qui est féminin en portugais et pas en français et donc je ne vais pas comprendre. Le trafic et la façon dont les Brésiliens conduisent est aussi un problème pour Pierre, car pour lui ils ne respectent pas les règles de la circulation.

Il y a aussi une différence au niveau de la notion de la propreté ; la notion française et la notion brésilienne sont bien différentes. Par exemple, Pierre utilise la même éponge pour nettoyer les couverts, et tout le reste !

Pierre - Oui mais je la lave à chaque fois ! C'est ça la différence, chaque objet à son utilisation alors que pour moi, à partir du moment où on lave l'objet, il n'y a pas de problèmes. Une fois j'ai demandé une paire de ciseaux à sa maman pour ouvrir des poissons. Elle n'en avait qu'une disponible et ne pouvait pas me la prêter car une fois qu'elle avait servi à ouvrir les poissons, elle ne pouvait plus servir à découper des emballages ou du papier, car les ciseaux seraient définitivement sales.

Isabel ? Sur le plan alimentaire, tout ce qu'il cuisine est étrange pour moi, je ne suis pas habituée à manger des légumes par exemple. Mais ce fut une adaptation positive. Mon mode d'alimentation est beaucoup plus équilibrée maintenant. Parfois c'est difficile parce qu'il cuisine des choses qui sont un peu étranges, comme un légume cuisiné seul comme des aubergines ou des courgettes par exemple.

Pierre - C'est moi qui cuisine à la maison, donc c'est certain qu'Isabel a du s'habituer à ne pas manger du riz et des haricots rouges tous les jours !

Une réelle différence qu'on peut noter aussi c'est celle de la sécurité. Parfois Isabel s'énerve à propos de mon comportement en disant que je ne comprends pas ce qui est dangereux, car je ne suis pas Brésilien. Je lui explique que j'ai vécu tout seul au Brésil et que je peux m'en sortir. J'ai une autre façon de relativiser la violence en fait. Ça arrive de se faire agresser, mais c'est anecdotique dans la vie ici. Il y a vraiment une différence de perception entre nous.

Isabel ? C'est vrai, je trouve qu'il est un peu inconscient ! Mais en même temps, je sais que comme Fortaleza est une ville très violente, j'ai toujours en moi cette peur qu'il arrive quelque chose.

Pierre - Ce qu'il faut dire c'est que les différences culturelles se manifestaient beaucoup plus au début de notre relation. Mais nous nous sommes adaptés au fur à mesure.

Avez-vous dû faire des compromis pour le bien de votre relation ?
Isabel - Pierre a dû en faire plus que moi, car il est sorti de sa culture pour entrer dans la mienne.

Pierre - Ah oui, moi j'en ai fait plein ! Mais je l'ai fait avec plaisir car je l'ai fait pour ma femme. Par exemple, je fume et donc j'ai dû m'habituer à ne pas laisser traîner mon tabac. Je suis plutôt bordélique et elle plutôt organisée, on se complète bien à ce niveau-là, mais ça implique des compromis.

Une chose avec laquelle j'ai du mal, ce sont les horaires : pourquoi est-ce qu'il faut se lever tôt le dimanche matin pour aller à la plage ? Mais je fais des efforts !

Avez-vous l'impression que le fait  que votre partenaire ait une nationalité différente vous apporte des choses en plus, des choses que vous n'auriez pas trouvées chez quelqu'un ayant la même nationalité que la vôtre ?
Pierre - Pour moi c'est certain. Je trouve chez Isabel une certaine spontanéité que je n'avais pas trouvée chez d'anciennes compagnes. Après, ce sont des généralités. Il y a aussi la découverte au quotidien. Tous les jours, on échange des choses sur nos cultures, des expressions, des phrases qu'on ne connaît pas dans la langue de l'autre. Dans une certaine mesure, qu'Isabel soit Brésilienne a sans doute joué sur le fait que je sois tombé amoureux d'elle. Parce qu'elle a une façon différente de voir et de penser les choses et pour moi c'est quelque chose de très fort. Mais on s'est bien entendus parce qu'on avait un fond commun.

Isabel - A Fortaleza, les hommes sont extrêmement machos, ils ne respectent pas vraiment le rôle des femmes, elles ne sont pas vraiment libres de faire ce qu'elles veulent. Et Pierre a réussi à voir que je n'accepterais pas une telle relation, que j'étais différente. Le fait qu'il soit étranger l'a sans doute aidé à comprendre ça. Je n'ai jamais réussi à avoir une relation sérieuse et forte avec quelqu'un ici principalement à cause de ce problème.

Est-ce que l'intégration dans vos familles et vos cercles d'amis respectifs a été difficile ?
Pierre - La première fois que j'ai vu l'un des meilleurs amis d'Isabel il m'a dit : "Tu fais attention avec Isabel, si ça se passe mal, nous on t'attrape !". Comme il y a de grandes différences culturelles, je vois bien qu'ils regardent la façon dont j'agis, dont je m'habille. Dès que ses amis ont vu que notre histoire était sérieuse, tout a changé et aujourd'hui ça se passe bien. Finalement, ce n'était pas si différent que de changer de ville en France et d'arriver dans un nouveau groupe d'amis.

Sa famille m'a très bien reçu dès le départ ! Malgré nos différences, tout se passe bien, et on apprend à se connaître. Mais j'aurais tendance à dire que ça a été beaucoup plus simple pour Isabel en France que pour moi au Brésil.

Ce qui est drôle, c'est que lors du premier voyage d'Isabel où elle a eu l'impression de ne pas communiquer, tout le monde me disait : "Mais c'est génial, elle fait des efforts, elle communique !"

Isabel - Au début, mon groupe d'amis faisait beaucoup de blagues au sujet de Pierre car il comprenait mal le portugais et qu'il était "gringo". C'était parfois très énervant pour moi car mes amis traitaient Pierre comme un enfant. Mais à ce moment-là, il a été extrêmement patient je trouve. Et au fur et à mesure, il a réussi à avoir des conversations beaucoup plus structurées et matures et à partir de ce moment-là, mes amis ont commencé à le respecter beaucoup plus et à le considérer comme mon mari. Aujourd'hui, tout se passe très bien avec eux. Ma famille a accepté très sereinement Pierre, et ce dès le début. Ils ont fait des efforts pour le comprendre quand il ne parlait pas bien. En fait, comme j'ai au sein de ma famille l'image de quelqu'un de correct, tout le monde a pensé que Pierre aussi serait forcément quelqu'un de bien pour moi ! Personne n'a rien dit sur le fait qu'il soit étranger. Parfois, il est même plus privilégié que moi au sein de ma propre famille ! Au Brésil, les gens aiment beaucoup les étrangers.

La première fois que je suis allée en France, ça a été très difficile car je ne parlais absolument pas français, mon anglais n'est pas bon non plus et je suis timide. Donc c'était compliqué de déjeuner et de dîner avec sa famille où tout le monde parlait français, je ne pouvais pas interagir d'une manière ou d'une autre. C'était la même chose quand nous sortions avec ses amis. Mais j'ai réussi à communiquer un petit peu avec sa s?ur, qui parle italien et moi aussi. La seconde fois où je suis revenue, c'était beaucoup mieux parce que j'avais pris des cours de français durant un an. J'étais vraiment très contente de pouvoir parler avec la famille de Pierre.

Votre prochain projet à deux ?
Pierre - On en a plein ! Là, on part en voyage dans l'Amazonie. De façon plus pragmatique, on va bientôt quitter notre appartement pour prendre une maison.

Isabel - Notre grand projet c'est de construire une maison dans la Serra derrière Fortaleza, pour les vacances et les week-end au départ, avant de s'y installer définitivement.

Votre plus beau souvenir à deux ?
Isabel - Le voyage que nous avons fait en Allemagne pour voir mes amis. C'était notre premier voyage à deux. Il y a eu beaucoup de bons moments dans ce voyage, on est notamment allés à une fête de musique électronique vraiment super ! Et puis évidemment, il y a nos deux mariages  en France et au Brésil.

Pierre - J'ajoute que c'est lors de cette fameuse fête que je l'ai demandée en mariage ! Pour moi le plus beau souvenir c'est le premier camping dans les Alpes, tous les deux après notre mariage cet été en France.  On a campé au bord d'un lac, et c'était magique pour moi car je suis un amoureux de la nature, j'adore la randonnée. Du coup, partager ça avec Isabel, et qu'elle soit heureuse de le faire, c'était vraiment un sentiment très  fort. Je me suis rendu compte que au-delà de nos particularismes culturels, nous étions en symbiose, nous partagions quelque chose qui n'avait pas besoin de mots.

Son plus beau cadeau ?
Pierre - Je dirais que c'est d'être venu me voir en France au début de notre relation. De me faire la promesse de venir et d'être venue, d'avoir cassé son compte en banque pour ce voyage. Ça restera son plus beau cadeau, car c'est une magnifique preuve d'engagement et d'amour.

Isabel - Je dis toujours à Pierre que le plus beau cadeau qu'il m'ait donné est d'avoir quitté sa famille et ses amis pour venir au Brésil, un lieu où il avait peu de connaissances. Il n'y a pas de plus grande preuve d'amour.

Quel est votre lieu préféré au Brésil ? Et en France ?
Pierre ? L'endroit que je préfère au Brésil, ce sont les villages indiens. Sinon, j'adore Guara Miranga dans la région de Fortaleza, où nous allons très souvent à deux.

Isabel - C'est également mon lieu préféré au Brésil. En France c'est la vallée de la Chartreuse, au-dessus de Grenoble.

Audrey BLANGUERNON (lepetitjournal.com - Brésil) vendredi 14 juin 2013

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Publié le 13 juin 2013, mis à jour le 20 décembre 2013

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