

Antoine Amarger donne une seconde jeunesse ou plutôt embellit la vieillesse des sculptures. En France et en Europe, il a surtout travaillé pour des musées (Calvet à Avignon, Musée d'art moderne de Dublin) et des villes (Paris, Dijon, etc.). Au Brésil, c'est de nouveau aux côtés des pouvoirs publics qu'il va restaurer des ?uvres. Parmi elles, l'emblématique Monumento da Independência de São Paulo. En discussion pour des travaux à Rio la semaine dernière, il s'est entretenu avec Lepetitjournal.com.
Lepetitjournal.com : En quoi consiste exactement votre métier ?
Antoine Amarger : Je suis restaurateur de bronze, essentiellement en plein air, donc je travaille sur les monuments publics. Je m'occupe des statuaires métalliques en général. Ici (Praça Tiradentes, ndr), on a des statues en fonte de fer, qui font partie de mon rayon d'action.
Comment s'est présentée l'opportunité de monter des projets au Brésil ?
J'étais venu en 2003, 2005 et 2012 pour animer des stages de formation à Bahia, Rio et São Paulo. A l'issue, une sensibilité s'est développée sur le sujet auprès des responsables municipaux. Et puis Israel Kislanski (un sculpteur brésilien, ndr) a amorcé une renaissance de la fonderie au Brésil. Du coup, entre les travaux pratiques d'Israel et les approches déontologiques de restauration que je fais, on forme une bonne équipe pour aborder les travaux pratiques sur les monuments publics.
Sur ce thème, les pouvoirs publics sont-ils difficiles à approcher ?
Non, pas spécialement. Que ce soit en France ou ailleurs, personne ne se préoccupe des monuments publics. Comme les bronzes durent plus longtemps que nous, on a l'impression qu'ils sont immortels mais, si on regarde bien, ils souffrent des mêmes maux : ils ont des problèmes d'articulations, de peau, etc. La sensibilité par rapport à ce travail est récente. En Europe, cela date d'il y a 20 ou 30 ans et ici, c'est récent aussi. C'est normal qu'il y ait une première phase pour savoir qui est responsable du monument, s'il y a un souci de présentation et de conservation.
Les gens remarquent-ils les statues en passant devant tous les jours ?
Il y a un bon test pour cela. Quand on commence à travailler sur le bronze ou à le démonter pour le restaurer en atelier, tout le monde proteste alors que tout le monde passait devant sans trop y faire attention. Cela veut dire que la sensibilité est là, mais inconsciente, latente.
Pourquoi les pouvoirs publics de Rio et São Paulo s'intéressent-ils à ce sujet ?
A mon avis, il y a plusieurs raisons. Il y a un souci d'intérêt pour le patrimoine, en relation avec le tourisme, la recherche des racines et du passé. C'est avant tout une recherche d'identité.
A São Paulo, vous travaillez sur le monument de l'indépendance (où sont inhumés Pedro I et deux de ses femmes). Que vous a-t-on demandé et où en êtes-vous ?
Pour le monument de l'indépendance, on a réussi à promouvoir une étude préalable pour réfléchir avant d'agir. Là, on réfléchit à ce qu'il faudrait faire, le budget, le temps. Après, avec les responsables institutionnels, on discute de l'organisation, d'un appel d'offres pour une entreprise qui réaliserait le travail. C'est une phase préalable importante pour cadrer le travail, et expliquer que ce n'est pas simple, et qu'il y a plusieurs solutions. On peut privilégier le caractère ancien de l'objet ou revenir à un état neuf.

C'est intéressant, j'apprends des choses. Quand je vois les monuments brésiliens, je vois les particularités du Brésil. Il y a des monuments, comme celui-ci de Rio (la statue équestre de Dom Pedro I, ndr), qui est une importation française, faite par un sculpteur français et une fonderie française. Et puis il y a le Monumento da Independência qui est réalisé par un Brésilien et des fonderies brésiliennes. Même si je prends un boulon, il me parle du Brésil.
Quels projets avez-vous à Rio ?
On en est à la prospective, à regarder quel monument aurait besoin de restauration. Il y a beaucoup de monuments à Rio, pas mal de bronzes. Au Jardim Botânico, il y a des sculptures en plomb anciennes de Mestre Valentim, très importantes pour le patrimoine. Il y a trois siècles de sculpture à Rio, et c'est une richesse qu'il faut redécouvrir et à laquelle je peux apporter ma pierre en terme de restauration.
Qu'est-ce qui vous attire au Brésil ?
J'avais travaillé pas mal en Amérique du Sud, en Argentine. J'ai rencontré Israel Kislanski dans des fonderies françaises. Il y a un enthousiasme agréable et communicatif, et je suis assez dans cette veine-là. En Europe, des choses sont plus anciennes au niveau de l'intérêt ou sont plus formalistes. Ici, c'est la découverte d'un centre d'intérêt. Et les phases de découverte sont plus enthousiasmantes, c'est bien connu.
Propos recueillis par Florent ZULIAN (www.lepetitjournal.com - Brésil) mardi 10 février 2015
*Légende photo 3 : Antoine Amarger et Mariana Falqueiro, responsable de la section technique des monuments et oeuvres artistiques de São Paulo





