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ALPHAVILLE - La cité artificielle où se retranche la classe moyenne de São Paulo

Écrit par Lepetitjournal Sao Paulo
Publié le 17 novembre 2014, mis à jour le 17 novembre 2014

Réunissant les villes de Barueri et Santana de Parnaiba, Alphaville est la cité artificielle la plus aboutie du Brésil en termes d'habitat privé exclusivement résidentiel regroupé autour de grandes entreprises. Elle se situe dans l'ouest du grand São Paulo et compte 35.000 habitants. Lepetitjournal.com vous fait découvrir cette cité fonctionnelle devenue "ville noble".

Le Brésil n'en est pas à son premier coup d'essai quand les premières pierres d'Alphaville sont posées. Déjà en 1960, Brasilia est fondée pour être la ville du pouvoir brésilien, la capitale administrative devant régir l'ensemble du pays. Ainsi, les quartiers administratifs, d'affaires, de loisirs et résidentiels sont séparés en zones bien distinctes et créés à partir de rien.

Avec Alphaville, bâtie au cours des années 1970 sur le terrain d'une ancienne ferme, on retrouve l'idée de séparation de l'espace en fonction de son utilité. La conception de la ville est originellement tournée vers un centre, capable d'accueillir des sociétés avec en tête de pont l'entreprise Hewlett Packard. Les promoteurs immobiliers Yojiro Takaoka et Renato Albuquerque ont ainsi centré dès le départ leur projet sur un quartier d'affaires artificiel éloigné de São Paulo, d'où le nom d'Alphaville, qui évoque le film de Jean-Luc Godard de 1965 où la cité éponyme est déshumanisée et totalement isolée de la Terre.

Pourtant la ville se transforme rapidement, avec la construction de logements pour les employés des entreprises qui y sont installées et les habitants de l'extérieur qui viennent y chercher l'espace et la tranquilité. Alphaville Residencial est alors lancé, les logements sont construits de manière ordonnée, ils sont fermés et sécurisés. Avec l'engouement pour ce type de construction, le développement de la municipalité se tourne naturellement vers la construction de nouvelles résidences, jugées plus rentables que la construction de bâtiments pour les entreprises. Le succès fait que ce modèle a bien été exporté dans d'autres villes, mais jamais de manière aussi achevée que l'originale.

Moins cosmopolite que São Paulo mais toute aussi complète
Au début des années 1980, il était possible d'acheter un terrain à bâtir dans les condominios pour le prix d'une voiture. Avec

la spéculation immobilière, le niveau de vie moyen des habitants a suivi l'augmentation des prix des propriétés, devenues accessibles essentiellement pour une classe moyenne aisée, voire très aisée. Les résidences sont par exemple numérotées de 1 à 12, dans l'objectif de ne pas mélanger les résidents. Le niveau de vie des habitants diminue ainsi avec la croissance des chiffres, la taille et la modernité des bâtisses également.    

De l'installation de cette population découle une augmentation de la sécurité et l'érection de nombreux services et loisirs comme des hôtels, deux grands centres commerciaux, des restaurants et des salles de sport. La ville est également pourvue d'écoles privées et d'une antenne de l'université presbytérienne Mackenzie.

L'ensemble offre un paysage totalement urbanisé, occupé par des ménages aux revenus aisés et des hommes d'affaires de passage. Ils y profitent d'une excellente qualité de vie loin de l'agitation de São Paulo, ce qui compense le manque d'âme de la ville. La population non résidente, la plus élevée, ne jouit pas du même confort, elle est constituée par les employés domestiques et des commerces. On constate la grande proportion d'employés notamment avec le ballet de bus pleins, qui les ramènent vers leur ville à la fin de la journée de travail.

Dans l'antre d'un condominio
A São Paulo, certains quartiers semblent très sécurisés. A l'échelle d'Alphaville, cela atteint un degré encore plus élevé et systématique. Pour pénétrer dans un condominio, il faut présenter patte blanche car des murs d'enceinte en délimitent le terrain et l'entrée est scrupuleusement gardée.

Bien souvent l'arrivée se fait en voiture, si vous n'en avez pas c'est donc que vous êtes un employé, vous vous dirigez vers la barrière (comme un péage) du côté visiteur ou résident. Si vous êtes résident, les gardiens vous reconnaissent certes, mais vous devez présenter votre doigt pour la reconnaissance électronique de votre empreinte ou de votre visage à la caméra. Si vous êtes un visiteur, les agents de sécurité devront appeler la personne chez qui vous vous rendez pour confirmer votre venue. Si vous êtes à pied et étranger, un double contrôle s'applique, papier d'identité et appel téléphonique avant de vous remettre une carte visiteur. 

Des résidents peu visibles
Vous entrez donc et déambulez dans des allées identiques, agrémentées d'espaces verts impeccables, parfois de petits parcs de jeux pour enfants. Vous voyez défiler des maisons stylisées, très grandes pour certaines, avec trois places de garages et un grand jardin qui se devine juste derrière, certainement équipé d'une piscine et d'un terrain de tennis pour les plus sophistiquées. Vous avez déjà tout vu. Les résidents sont peu visibles car le "chez soi" est sacré et ils se réfugient dans leur voiture pour se déplacer. Le contact social se fait plutôt au cours des réunions familiales ou dans les lieux publics de la ville, notamment de loisir.

La ville continue de grandir, attirant entreprises et nouveaux habitants fortunés en quête d'un meilleur style de vie qu'à São Paulo. La règle de l'entre soi s'exacerbe, mais personne ne parle de ségrégation sociale.  

Christine REBECHE (www.lepetitjournal.com - Brésil) mardi 18 novembre 2014

*Photos : Fernando Stankuns (Photo 1) / Guilherme Neves (Photo 2) / Flickr

lepetitjournal.com sao paulo
Publié le 17 novembre 2014, mis à jour le 17 novembre 2014

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