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MODE – Amir Slama, ou l’histoire du bikini brésilien... qui vient de France !

Écrit par Lepetitjournal Sao Paulo
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 8 février 2018

Saviez-vous que le mot bikini vient de l'ingénieur français Louis Réard qui a baptisé en 1946 le deux-pièces révolutionnaire, après les essais nucléaires sur l'atoll du même nom ?... Et qu'Amir Slama, créateur de la marque Rosa Chá, a passé ses premières commandes aux tisserands de Lyon ? Si le nom et le tissu viennent de France, la créativité est en revanche, tout à fait brésilienne ! En l'honneur de ce partenariat, Lepetitjournal.com a le plaisir de vous présenter en avant-première, la nouvelle collection été 2012, signée Amir Slama



Jeudi 29 septembre 2011, 9h30 - Amir Slama ouvre les portes de sa boutique des Jardins, aux épouses des expatriés de la communauté française ainsi qu'au PetitJournal.com. Une soixantaine d'adhérentes de São Paulo Accueil se pressent donc aux portes du magasin, situé 183, rue Oscar Freire. En effet, ce n'est pas tous les jours que l'on peut découvrir en avant-première une collection de maillots de bains ! Avec, en prime, une conférence sur l'histoire du bikini brésilien, suivie d'un défilé de mode bercé de rythmes exotiques, le tout arrosé de champagne et accompagné de petits fours confectionnés par Erick Jacquin (La Brasserie / Le Buteque). Bref, tout un programme !

En entrant, surprise : le magasin tout en longueur égraine du côté gauche, des hauts et des bas classiques, aux formes simples, mais, excusez du peu, dans 36 couleurs différentes ! A chacune de monter son maillot de bain, comme elle l'entend. De l'autre côté, les portants s'enchaînent, croulant sous les modèles de la nouvelle collection : plus élaborés, ultra-structurés sans pour autant sacrifier à l'aisance. Beaucoup d'unis, mais aussi des imprimés géométriques à effet optique ou encore des motifs floraux d'inspiration coloniale. Car, c'est bien là qu'on reconnaît le coup de patte du roi du bikini brésilien : créativité et confort ! Pourtant, rien ne prédestinait Amir Slama au monde de la mode.

Fils du propriétaire d'une usine de confection, Amir,46 ans, est diplômé en Histoire (PUC). Pour payer ses études, il débute comme enseignant dans un collège, le jour, mais travaille aussi comme garçon et barman, le soir. C'est alors qu'en 1989, son père se retire des affaires et confie à Amir quatre machines à coudre et quelques rouleaux de tissu lycra. Avec son épouse Riva, ils lancent une ligne sportswear qu'ils vendent directement dans les clubs de gym de São Paulo. Le bouche-à-oreille se fait vite et la première boutique Rosa Chá ouvre ses portes en 1993. Quatre ans plus tard, Amir monte un système de franchise et la griffe se répand dans toutes les grandes villes du pays. C'est aussi cette année-là qu'Amir Slama présente sa première collection au Musée d'Art Moderne (MAM) de Rio de Janeiro. Succès immédiat ! Ses modèles bariolés envahissent vite les pages de Vogue America et Harper's Bazaar, puis les boutiques Barney's, à New York et Teodore's, à Los Angeles.

En 2002, Rosa Chá fait ses débuts à la São Paulo Fashion Week - qui s'appelait encore à l'époque, le Morumbi Fashion. La marque pénètre enfin le marché international avec une boutique à Lisbonne, un corner au Printemps à Paris et une succursale à Miami, en Floride. L'année suivante, Amir Slama passe un contrat avec Speedo. C'est la consécration ! La marque possède maintenant 25 boutiques sur le territoire et se vend à l'étranger dans des magasins multi-marques (Arabie Saoudite, Afrique du Sud, Corée, Allemagne, etc). Fin 2009, coup de théâtre ! Amir Slama passe un contrat avec la chaîne américaine C&A et décide de quitter la maison Rosa Chá. Il revend la griffe au groupe Marisol (Santa Catarina) et signe les collections mode plage pour la chaîne C&A pendant une décennie.

Octobre 2010 - Amir Slama ouvre la première boutique sous son nom, à São Paulo. Les anciennes clientes de Rosa Chá y jouent des coudes ! Mais quand on fait ce que l'on aime depuis aussi longtemps, cela va de soi ! En effet, pour le créateur, la mode est devenue avant tout « un moyen de toucher les gens et de transformer le monde ». Mais la question qui brûle toutes les lèvres et flotte dans l'air ce 29 septembre, au matin : « C'est quoi finalement la différence entre le maillot brésilien et tous les autres ? » La réponse d'Amir Slama fuse, simple et déconcertante : « Mais c'est la femme brésilienne qui est dedans, pardi ! ». Eclat de rire généralisé.

De l'histoire du bikini au Brésil
La mode plage made in Brasil a donc pour avantage inégalable de compter sur la sensualité naturelle da Brasileira, avec son jeito de andar (léger roulement des hanches) et sa conscience innée du corps, mais aussi le lifestyle particulier du pays qui fait que le bikini passe si facilement du sable au macadam, à Rio comme à Salvador.... Pourtant, si les maillots brésiliens font aujourd'hui l'unanimité au point que les chercheurs de tendances viennent s'inspirer sur les plages d'Amérique du Sud, ce ne fut pas toujours le cas. Au contraire ! Après des siècles de colonialisme et d'esclavage, de mélange de races et de credos, suivis d'une République affaiblie par des années de dictature, le Brésil a eu bien de la peine à se construire une identité.

Au lieu de puiser ses sources dans ses racines historiques, la nation passe des décennies à copier tout bêtement ce qui marche aux Etats-Unis (pour le pire) et ce qui se fait en Europe (pour le mieux). Ce n'est qu'à partir des années 70 que la tendance s'inverse ! Lentement mais sûrement, le Brésil commence à reconnaître la valeur de son passé, de la ''miscégénation'' de son peuple et de son taux de créativité. Si l'on suit chronologiquement les types de maillots de bain depuis les années 30 jusqu'à la fin des années 60, le constat est encore plus flagrant. Les modèles couvrant généreusement les formes de la chanteuse Carmen Miranda, de la socialite Carmen Mayrink Veiga, ou encore de Helô Pinheiro (Garota de Ipanema) et de l'actrice Vera Fischer témoignent encore de l'influence externe.

Le premier bikini qui contraste avec ce concept disons BCBG, est la « tanga » (bandeau et string) des années 70. On serre les seins pour les faire ressortir et le bas est plus échancré. Dans les années 80, c'est la radicalisation extrême avec le fameux « fio dental » (2 ficelles et 3 minuscules bouts de tissu) de Mônica Evans, star de la télé. Début 90, la mannequin Luiza Brunet se montre un peu plus respectable avec le bikini « asa delta » (4 triangles). Il faudra attendre l'ouverture du marché et l'ère FCH-Réal pour que le deux-pièces devienne à nouveau plus conforme au goût international, si l'on peut dire. Le soutien-gorge est plus structuré, enveloppe mieux la poitrine et la culotte s'élargit sur les hanches. Les bretelles restent cependant relativement fines et le bas encore très échancré, car la femme brésilienne est toujours aussi amoureuse de soleil et adore la fameuse « marquinha » du bikini qui rend les hommes fous.

C'est d'ailleurs certainement pour cela que les Brésiliens sont les meilleurs. Ils sont bien obligés de faire de véritables miracles avec ces minuscules morceaux de tissu. D'où les effets de torsade, pliure, tressage, gaufrage ; les incrustations de cristaux, paillettes, breloques, pampilles ; l'inclusion d'accessoires en nacre, corne, bois, liège, cuir, métal, etc. Et tout cela en maîtrisant à la perfection l'élasticité du tissu (resserrant aux endroits stratégiques et donnant de l'aisance là où il faut) tout en jouant avec les imprimés, les couleurs, les camaïeux, l'asymétrie... Un véritable exercice d'art !

Pas convaincue ? Silhouette compliquée ? La boutique Amir Slama offre également la possibilité de faire votre maillot de bain sur mesure. Il suffit de prendre rendez-vous. Dans l'atelier au sous-sol, les petites mains se feront un plaisir de réaliser votre bikini de rêve. Certains demandent trois jours de travail. Les patrons sont gardés précieusement, bien entendu ! Dans la boutique, vous trouverez aussi quelques produits créés en partenariat avec Granado : savons, parfums d‘ambiance, etc. Et à partir de mi-octobre, les magasins My Shoes lancent également une collection de chaussures signée Amir Slama. Qui dit mieux ?

Marie-Gabrielle BARDET (www.lepetitjournal.com - Brésil) lundi 3 octobre 2011

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Publié le 3 octobre 2011, mis à jour le 8 février 2018
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