

Le pisco est-il chilien ou péruvien ? Cet éternel débat est peut-être sur le point d'être tranché. Une investigation menée par des chercheurs de l'Université de Santiago et reprise dans un livre à paraître ce dimanche 15 mai, journée nationale du pisco, révèle que cette eau-de-vie de raisin est née au Chili.
Après dix ans d'investigation, un groupe de 15 chercheurs de l'Université de Santiago du Chili auraient découvert la véritable origine du pisco. En analysant les archives nationales du XVIIe au XIXe siècle, ils ont mis la main sur un document de 1733 qui prouverait que la première distillerie de la fameuse eau-de-vie d'Amérique serait une exploitation agricole du village de Pisco Elqui, dans le nord du Chili.
« La première utilisation du mot pisco au niveau mondial apparaît sur l'inventaire des biens de Marcelino Rodríguez Guerrero, gouverneur de Coquimbo et propriétaire de l'exploitation agricole Latorre dans la vallée d'Elqui », explique le docteur en histoire argentin en charge de l'investigation, Pablo Lacoste, dans une interview à l'association des producteurs de Pisco Chile. Outre 50 jarres destinées à élaborer et conserver le vin, le testament de Rodríguez, daté du 23 mai 1733, comptabilise « trois cruches de pisco ».
« Cela confirme que l'exploitation agricole Latorre est la première pisquera d'Amérique et que le pisco est né au Chili », assure Lacoste. « L'historiographie péruvienne a également cherché le pisco le plus ancien au Pérou. Mais jusqu'à maintenant, le plus vieux document qui ait été trouvé date de 1824. Les péruviens ont mis la main sur des registres plus lointains mentionnant le mot eau-de-vie, mais pas celui de pisco ».
A l'occasion de la journée nationale du pisco, un livre reprenant les preuves et les conclusions de ces recherches devrait paraître ce dimanche 15 mai.
Estamos en el lanzamiento del libro 'El pisco nació en Chile" de Pablo Lacoste. Salón Ricardo Donoso del @ANdeChile pic.twitter.com/L8pQ2Qlga1
? Archivo Nacional (@ANdeChile) 10 mai 2016
Cette découverte est-elle importante ?
Le Chili et le Pérou revendiquent le pisco comme alcool national, sa paternité et son appellation d'origine. Cette découverte pourrait enfin mettre un terme à la querelle qui oppose les deux pays depuis plusieurs dizaines d'années.
Un conflit qui avait atteint les plus hautes sphères de ces Etats voisins. L'ex-président péruvien, Alberto Fujimori, voulait notamment breveter le nom de « pisco ». Et pas plus tard que la semaine dernière, un journaliste chilien de la chaîne TVN a été renvoyé pour avoir utilisé l'expression « pisco péruvien » dans une interview avec un producteur du pays voisin.
La découverte pourrait également mettre fin à l'interdiction de l'exportation de l'eau-de-vie chilienne sous l'étiquette commerciale « pisco » vers les pays qui ne reconnaissent cette appellation d'origine qu'au Pérou. C'est le cas de l'Union européenne qui, en 2013, avait accordé au pisco péruvien le statut d'Indication géographique protégée (IGP).
« Je tiens à féliciter Pablo Lacoste pour son investigation sur la véritable origine du pisco dont les résultats légitiment l'appellation d'origine d'un produit qui fait partie de notre culture et qui bénéficie à l'économie de notre région et de notre pays », se réjouit Teodoro Aguirre, président du Conseil régional de Coquimbo, dans une interview de Pisco Chile.
Mais les répercussions de cette investigation sont à relativiser. Bien que la paternité de la fameuse eau-de-vie de raison revienne au Chili, chacun des deux pays a ses propres normes de fabrication, ce qui fait du pisco chilien et du pisco péruvien, deux boissons techniquement différentes.
Alexandre Hamon (lepetitjournal.com/santiago) - Vendredi 13 mai 2016
