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DOCUMENT– Quand les USA dictaient aussi la fin de la dictature

Écrit par Lepetitjournal Santiago
Publié le 1 décembre 2010, mis à jour le 1 décembre 2010

Le rôle joué par les Etats-Unis dans le coup d'Etat de 1973 est bien connu. Ce qui l'est moins, c'est l'importance qu'a joué ce même pays dans la chute du dictateur. Un article du CIPER*, écrit par Peter Kornbluh et Marian Schlotterbeck, fait le point sur le contenu des documents déclassés, récupérés par le National Security Archive, qui permettent d'en savoir un peu plus sur l'influence des Etats-Unis dans l'effondrement de la dictature militaire

 

Ronald Reagan, Président des Etats-Unis de 1981 à 1989 (photo D.R)

Le 11 septembre 1973, un coup d'Etat mené par les forces armées chiliennes renverse le gouvernement de Salvador Allende, démocratiquement élu, et place Augusto Pinochet à la tête du pays. Les Etats-Unis, grâce à un important appui de la CIA, ont largement contribué à la chute d'Allende. Le rôle joué par la puissance nord-américaine dans ce coup d'état est bien connu. Cependant, la manière dont Washington a décidé de couper les ponts avec Pinochet, treize ans plus tard, en appuyant et en soutenant prudemment l'opposition civile, n'a jamais été pleinement révélée. Des documents déclassés de la Maison Blanche, récupérés par le National Security Archive dans les archives de la bibliothèque présidentielle Ronald Reagan, permettent d'en savoir plus à ce sujet.

Le Conseil de Sécurité Nationale du 18 novembre 1986

Le 18 novembre 1986 a lieu une réunion du Conseil de Sécurité Nationale. Lors de celle-ci, les principaux conseillers du Président Reagan rendent officielle leur position quant au régime de Pinochet : « Le gouvernement des États-Unis et son administration veulent que le Chili retourne à sa tradition démocratique, vieille de 150 ans. Ensuite, la décision n'est pas de savoir si oui ou non nous voulons le retour de la démocratie au Chili. Nous le voulons. La question pour nous est de savoir comment nous pouvons contribuer le plus efficacement possible à installer la démocratie au Chili ». Dominé par des idéologues de droite, le Conseil de Sécurité Nationale est vu comme un moyen d'adopter une "stratégie soigneusement calibrée" pour évincer Pinochet.

« Cet homme a les mains pleines de sang »

Tortures, disparitions, camps d'enfermement, la dictature d'Augusto Pinochet fait couler des litres de sang. De plus, l'assassinat du jeune photographe chilien, Rodrigo Rojas, conforte les Etats-Unis dans leur opposition à la dictature. Le 2 juillet 1986, lui et une jeune femme, Carmen Gloria Quintana, sont arrêtés par une patrouille militaire au cours d'une manifestation. Ils sont aspergés d'essence, brûlés et jetés dans un fossé. Rojas meurt quelques jours plus tard. La nature sauvage de ce crime, et le fait que Rojas ait été un résident des États-Unis, fait écho au Chili et à Washington. En effet, malgré quelques réticences de la part de Ronald Reagan, les Etats-Unis ne peuvent continuer à cautionner la dictature : "Cet homme a les mains pleines de sang" déclare le secrétaire d'État américain, George Shultz. Cependant, le retour à la démocratie ne peut se faire en un claquement de doigt. Le directeur adjoint de la CIA, Robert Gates, identifie «quatre obstacles majeurs à la transition démocratique: la détermination de Pinochet à rester au pouvoir pendant les décennies à venir, la menace de la violence terroriste, la subversion et l'assistance extérieures de groupes violents et l'incapacité de l'opposition modérée de se constituer autour d'un plan de transition spécifique qui serait acceptable pour les militaires. "

Crise de légitimité

Au début des années 1980, la dictature de Pinochet doit faire face à une vraie crise de légitimité. En effet, l'Église catholique, qui avait soutenu dans un premier temps le régime, dénonce les violations des droits de l'homme. Les Etats-Unis continuent alors d'affirmer leur prise de distance : à l'époque, ils s'érigent en défenseur des droits de l'homme un peu partout dans le monde. Augusto Pinochet, convaincu de son emprise sur le pays, décide d'organiser un référendum afin de prouver sa légitimité. En mai 1988, quatre mois avant le référendum, la CIA reçoit des renseignements sur «l'engagement croissant de la puissance militaire pour empêcher l'émergence d'un gouvernement civil au Chili." À la fin du mois de septembre, la CIA et la Defense Intelligence Agency (DIA) ont accumulé des preuves significatives d'un plan secret qui viserait à employer la force et à annuler le référendum si le vote n'était pas en faveur de Pinochet. L'administration Reagan a alors agi rapidement et de manière décisive pour faire face à ces menaces. Le 3 octobre 1988, le Département d'Etat rend publique l'intention de Pinochet de rester au pouvoir. C'est un coup dur pour la crédibilité du dictateur.

A la fin de l'après midi du 5 octobre 1988, alors qu'il est clair que Pinochet a perdu le référendum, des membres du Conseil de Sécurité Nationale refusent de signer un ordre qui donnerait à Pinochet les pouvoirs d'urgence afin de faire annuler le vote. Cette nuit-là marque la fin du régime militaire et le début du retour à la démocratie au Chili.

L.G (www.lepetitjournal.com Santiago) mercredi 1 décembre

*Lire artcile original de CIPER

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Publié le 1 décembre 2010, mis à jour le 1 décembre 2010

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