Il y a encore quelques années, l'idée de monter dans une voiture sans conducteur relevait de la pure science-fiction. Aujourd'hui, ces véhicules autonomes aux allures de concept-cars futuristes sillonnent nos quartiers, et leur présence suscite autant d'enthousiasme que d'inquiétude.


Une innovation née dans le secret de Google
L'histoire de Waymo commence en 2009 dans les laboratoires de Google X, la division dédiée aux projets les plus audacieux du géant technologique. Sous le nom de code "Google Self-Driving Car Project", une équipe d'ingénieurs visionnaires – dont Sebastian Thrun, ancien directeur du Stanford Artificial Intelligence Laboratory – se lance le défi fou de créer des voitures capables de se déplacer sans intervention humaine.
Le projet franchit une étape symbolique majeure en 2012 : Steve Mahan, un homme malvoyant, effectue le premier trajet en voiture autonome sur les routes publiques californiennes. Cette démonstration illustre le potentiel révolutionnaire de la technologie pour les personnes à mobilité réduite.
En 2016, Google décide de transformer son projet expérimental en entreprise indépendante. Waymo – contraction de "a new way forward in mobility" – devient une filiale d'Alphabet avec pour mission de commercialiser cette technologie. C'est à Phoenix, en Arizona, que Waymo lance son premier service de taxis autonomes grand public en 2018, marquant le véritable début de l'exploitation commerciale des robotaxis. Le choix de Phoenix n'était pas un hasard : son climat ensoleillé et ses routes en damier facilitaient les premiers déploiements à grande échelle.
Une flotte qui s'étend désormais jusqu'à la Silicon Valley
Depuis octobre 2024, Waymo a franchi une nouvelle étape dans son expansion en déployant ses services dans la Silicon Valley, plus précisément à Palo Alto et sur le campus de Stanford. Cette extension, annoncée après des mois de tests, permet désormais aux résidents et visiteurs de la péninsule de réserver un trajet autonome via l'application Waymo One.
La flotte, composée de Jaguar I-PACE électriques équipées d'un impressionnant arsenal de capteurs, couvre désormais près de 800 kilomètres carrés répartis entre San Francisco, la péninsule et une partie de la Silicon Valley. Les véhicules circulent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, offrant une alternative aux services de transport traditionnels.
Le défi de l'autoroute : une première mondiale
Et Waymo ne compte pas s'arrêter là. L'entreprise vient d'annoncer le déploiement de trajets entièrement autonomes sur autoroute, une première mondiale pour des robotaxis sans conducteur de sécurité à bord. Ce service est progressivement mis en place à Los Angeles, Phoenix et dans la région élargie de la baie de San Francisco pour un nombre restreint d'utilisateurs.
Les usagers intéressés peuvent désormais manifester leur intérêt via l'application Waymo pour faire partie des premiers au monde à « se détendre sur l'autoroute, sans personne derrière le volant », comme le promet l'entreprise. Cette innovation représente un saut technologique considérable : circuler sur autoroute à des vitesses élevées, gérer les insertions et changements de voie dans un trafic dense constitue un défi bien plus complexe que la conduite urbaine.
Les promesses du tout-autonome
Pour ses défenseurs, Waymo représente l'avenir de la mobilité urbaine. La technologie repose sur un système complexe combinant lidars (qui créent une carte 3D de l'environnement), radars, caméras haute définition et intelligence artificielle. Ces véhicules ont parcouru plus de 30 millions de kilomètres sur routes publiques et des milliards en simulation, selon les données de l'entreprise.
Les arguments en faveur de cette révolution sont nombreux. D'abord, la sécurité : selon une étude publiée en décembre 2023 dans Nature Communications, les véhicules Waymo auraient 57% moins d'accidents causant des blessures que les conducteurs humains. L'élimination du facteur humain – fatigue, distraction, alcool – constituerait ainsi un progrès majeur.
L'accessibilité représente un autre avantage considérable. Pour les personnes âgées, malvoyantes ou handicapées, ces véhicules offrent une autonomie de déplacement inédite. L'impact écologique s'avère également positif : la flotte 100% électrique de Waymo contribue à réduire les émissions dans nos villes déjà suffoquées par la pollution.
Quand la technologie rencontre la réalité urbaine
Mais cette innovation n'est pas exempte de défauts, et plusieurs incidents ont marqué l'opinion publique. En février 2024, un véhicule Waymo a percuté un cycliste à San Francisco, causant des blessures mineures. L'enquête a révélé que le système n'avait pas correctement anticipé la trajectoire du cycliste.
Plus spectaculaire encore : en février 2024 également, une dizaine de robotaxis Waymo se sont retrouvés bloqués dans le brouillard dense de San Francisco, créant un embouteillage impromptu sur une artère du quartier de Richmond, selon TechCrunch. Les capteurs du système, perturbés par les conditions météorologiques, avaient perdu leurs repères.
Le New York Times a également documenté en octobre 2023 un incident où un véhicule Waymo avait confondu un sac plastique avec un obstacle dangereux, s'arrêtant brusquement au milieu d'une intersection. Si ces situations peuvent sembler anecdotiques, elles soulèvent des questions légitimes sur la capacité de ces systèmes à gérer l'imprévisibilité de la conduite urbaine.
Les nuisances sonores constituent un autre problème inattendu. Des résidents du quartier de South of Market ont déposé plainte après que des véhicules Waymo stationnés klaxonnent de manière intempestive la nuit. Un bug logiciel provoquait ces concerts nocturnes involontaires.
Une concurrence acharnée
Waymo n'est pas seul sur ce marché naissant mais prometteur. Cruise, filiale de General Motors, opère également des robotaxis à San Francisco, bien que l'entreprise ait dû suspendre temporairement ses opérations en octobre 2023 après qu'un de ses véhicules ait traîné une piétonne sur plusieurs mètres suite à un accident, selon le Wall Street Journal.
Tesla développe son propre système de conduite autonome, le Full Self-Driving, mais celui-ci reste pour l'instant en phase de test et nécessite toujours une supervision humaine. La société d'Elon Musk a récemment présenté son "Cybercab", un robotaxi sans volant ni pédales, dont le lancement commercial n'interviendrait pas avant 2027.
En Chine, des entreprises comme Baidu avec Apollo Go ou Pony.ai déploient leurs propres flottes de véhicules autonomes dans plusieurs villes. Le marché mondial de la conduite autonome pourrait atteindre 2 000 milliards de dollars d'ici 2030, selon les projections de McKinsey.
L'avenir s'écrit maintenant
Malgré les défis, Waymo poursuit son expansion. L'entreprise prévoit d'étendre ses services à Austin et Atlanta dans les prochains mois, et l'arrivée dans la Silicon Valley marque clairement son ambition de devenir le leader incontesté du secteur.
Pour les résidents de la région, ces véhicules fantômes représentent à la fois une curiosité technologique et un aperçu tangible de notre futur proche. Certains les adoptent avec enthousiasme, séduits par la nouveauté et le confort. D'autres restent sceptiques, préférant s'en remettre à l'expérience d'un conducteur en chair et en os.
Une chose est certaine : que nous soyons prêts ou non, les robots prennent le volant. Et dans les rues de notre région, cette révolution n'est plus une promesse lointaine, mais une réalité quotidienne qui redessine déjà nos habitudes de déplacement.
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