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YANN FROMONT - "Il y a encore des secteurs qui sont porteurs au Brésil dans les services, les nouvelles technologies ou l’agrobusiness"

Écrit par Lepetitjournal Rio de Janeiro
Publié le 3 juillet 2016, mis à jour le 8 février 2018

Yann Fromont est à la tête du cabinet comptable franco-brésilien Gorioux à São Paulo. Le groupe français est également présent à Rio et Curitiba. Il accompagne la comptabilité de nombreuses entreprises françaises importantes ainsi que des filiales dans leur gestion au Brésil. Le Français revient auprès du Petitjournal.com sur son expérience sur place et livre ses conseils pour réussir un investissement au Brésil.

Lepetitjournal.com : Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Yann Fromont : Je suis venu pour implanter le groupe Gorioux à São Paulo en 2005.  Avant, j’étais expert-comptable dans un cabinet parisien avec quatre ans d’expérience, cabinet d’une quarantaine de collaborateurs dans lequel j’ai fait mon stage d’expertise-comptable qui est le cycle final pour l’obtention du diplôme d’expert-comptable français. Une expérience variée et formatrice.

Comment avez-vous été choisi pour venir au Brésil ?
Mon arrivée au Brésil s’est faite en plusieurs étapes. J’ai une histoire familiale avec le Brésil, j’ai un oncle du côté de ma mère qui a fait souche au Brésil dans les années 1920. C’était un peu "l’oncle d’Amérique" avec lequel ma famille a toujours gardé contact. Je suis donc venu au Brésil plusieurs fois en voyage, notamment un mois en 1992 à l’âge de 16 ans. Ma porte d’entrée au Brésil s’est faite via la coopération. Je suis arrivé en 1999, à l’époque je dépendais de l’ambassade de France à Brasilia. J’ai travaillé 18 mois comme adjoint de l’attaché financier, je dépendais alors de la direction du Trésor auprès de l’ambassade de France. C’était une période intéressante du Brésil car on venait de connaître la dévaluation du real et les flux d’investissements étrangers étaient très forts. J’ai donc mis entre parenthèses ma formation d’expert-comptable. Entre-temps, j’ai rencontré mon épouse brésilienne, qui m’a suivi en France pendant quatre ans, le temps de terminer mon stage de fin de cycle. Après avoir obtenu mon diplôme français, j’ai commencé à regarder les opportunités au Brésil, ma femme ayant sa carrière ici. Après quelques entretiens dans de gros groupes, j’ai eu l’opportunité de rencontrer Vincent Gorioux, le fondateur du cabinet Gorioux, qui était déjà présent au Brésil et qui recherchait un profil technique comme le mien pour lancer son activité au Brésil. Je suis donc arrivé chez Gorioux en mars 2005, avec pour ambition de créer la structure d’expertise comptable du groupe ici. Les débuts ont été compliqués, mais une fois le diplôme brésilien obtenu, les choses sont devenues plus simples. J’ai obtenu mon titre d’expert-comptable brésilien en 2006. Les choses étaient lancées !

Est-il plus difficile d’obtenir le diplôme d’expert-comptable brésilien ? 
Le métier d’expert-comptable au Brésil n’a pas le même bagage qu’en France. Les filières brésiliennes sont plus restreintes et moins techniques qu’en France. En France, on compte entre 18.000 et 20.000 experts-comptables ou commissaire aux comptes, c’est une filière très "élitiste" où le Diplôme d’expert-comptable (DEC) est l’équivalent d’un doctorat, même s’il est technique. Au Brésil, il y a de l’ordre de 550.000 experts-comptables diplômés, c’est-à-dire que n’importe quelle personne ayant obtenu un Bac +4 dans la filière des sciences comptables devient expert-comptable. Depuis 2008, il y a une petite épreuve technique organisée par l’Ordre des experts-comptables pour délivrer le diplôme, mais c’est un QCM relativement simple. La filière d’accès brésilienne en expertise-comptable est très large pour les besoins en cabinet et en entreprise. En audit, elle est un peu plus "élitiste" même si elle reste encore très limitée.

Peut-on faire de la comptabilité au Brésil comme on en fait en France ?
Les normes comptables International Financial Reporting Standards (IFRS) présentent des particularités et des différentiels, mais les présentations d’une écriture comptable, d’un compte de résultat, d’un bilan, d’une liasse fiscale sont relativement semblables. Les différences ne sont pas tant au niveau comptable, mais plutôt fiscal. Une des grandes différences entre les deux pays, c’est qu’au Brésil on raisonne en chiffre d’affaires TTC alors qu’en France, tout le monde raisonne en chiffre d’affaires hors taxes. La première question de quelqu’un qui va importer et revendre au Brésil est de savoir combien vont lui coûter ses impôts. Or, il est difficile de répondre directement dans la mesure où il faut comprendre quel est le produit, quelle est sa nomenclature fiscale, où va être le point d’entrée au Brésil et où il veut revendre. La complexité fiscale brésilienne peut être déstabilisante, elle nécessite donc l’appuie de spécialistes.

Quelle plus-value apporte le cabinet Gorioux pour un Français qui ouvrirait son entreprise ou créerait sa filiale au Brésil ?
Aujourd’hui, nos équipes comprennent quatre profils francophones : deux Français et deux Brésiliens qui ont un très bon niveau de français. Il y a un contact, une véritable implication des associés dans le suivi des dossiers. On fait du sur-mesure pour nos clients, qu’il s’agisse des deadlines d’envoi de remontée d’e-reporting au 2e, 5e, 10e jour ouvré du mois suivant ou de la proximité avec une direction locale, ou encore une direction financière au niveau de la maison-mère, ce qui permet d’avoir un répondant en français ou en anglais au jour le jour de la filiale brésilienne. Enfin, de par notre maison-mère et notre formation, on peut dire que nous sommes de vrais techniciens du métier de l’expertise-comptable. On appartient à une profession réglementée et on est très attaché à cela.

Quels sont les secteurs les plus porteurs au Brésil actuellement ?
Le Brésil fait face à une situation difficile du fait de la crise économique ces dernières années. Depuis 2012, il y a davantage de fermetures ou de mises en sommeil d’entreprises. Pourtant, les flux d’implantation de sociétés par des groupes étrangers restent raisonnablement bons, même si on est loin de l’eldorado brésilien des années 2008 à 2012. Il y a encore des secteurs qui sont relativement porteurs dans les services, les nouvelles technologies ou encore l’agrobusiness. Il y a aussi des opportunités dans le marché de l’immobilier, le cycle de croissance des folles montées de prix au m² à São Paulo s’est enfin stabilisé et s’est même réduit. Les acquéreurs de sociétés français prospectent le marché brésilien déjà depuis quelque temps, ils ne sont pas apparus du jour au lendemain. Il faut dire que les entreprises françaises bénéficient d’un taux de change qui leur permet d’acquérir vite de l’immobilier à un taux euro/real historiquement très intéressant (le taux de change est monté jusqu’à 4,60, même si on n’y est pas resté longtemps). Aujourd’hui, avec un taux de l’ordre de 3,90-3,60, on est bien loin des 2,20 que l’on a connus il y a deux ans en arrière au Brésil. Le taux de change est bon marché pour l’acquéreur et les vendeurs brésiliens, de par la situation actuelle et les projections futurs de croissance. Récemment, on a accompagné des audits dans le secteur de l’agroalimentaire, de la cosmétique pharma et dans les services Internet. La clé de réussite au Brésil, c’est la pérennité de sa présence.

Des projets futurs pour Gorioux ?
Nous sommes déjà présents en Bretagne et en Ile-de-France, à Paris, et récemment, nous avons essaimé nos activités à l’international : Pologne, Roumanie, Espagne et Chili. Nous sommes très présents dans la niche francophone et nous sommes en train de marquer quelques points pour renforcer l’axe hispanophone. Aujourd’hui, on a atteint une taille critique et on est en phase de consolidation.

Pour terminer sur une note un peu plus personnelle, qu’est-ce qui vous manque le plus  de la France ?
Je ne me suis pas tropicalisé à 100%, je reste encore bien français. Malgré mes douze années passées au Brésil, je n’ai toujours pas demandé la naturalisation brésilienne. La France me manque sur les bons côtés, notamment au niveau de la gastronomie, même si à São Paulo on a un grand panel de restaurants. Je rentre régulièrement en France, environ trois à quatre semaines par an, à titre professionnel ou personnel. Ma famille et mes parents me rendent régulièrement visite. On ne perd pas contact avec la famille et les amis malgré la distance. Enfin, il y a quand même une tropicalisation partielle qui est déjà intervenue.

Propos recueillis par Pauline RAGUE (www.lepetitjournal.com - Brésil) lundi 4 juillet 2016

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Publié le 3 juillet 2016, mis à jour le 8 février 2018

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