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RUBEN ALVES – "La Cage dorée est un hommage au travail et à la dévotion du peuple portugais"

Écrit par Lepetitjournal Rio de Janeiro
Publié le 16 janvier 2014, mis à jour le 17 janvier 2014

Quelques mois après son succès en France et au Portugal, La Cage dorée (A Gaiola dourada en portugais) sort sur les écrans brésiliens ce vendredi. Cette jolie comédie raconte comment la vie d'un maçon et d'une concierge, Portugais vivant à Paris, va être bousculée par l'annonce d'un héritage. Lepetitjournal.com a rencontré son réalisateur, Ruben Alves, et l'une de ses actrices, Jacqueline Corado, venus présenter le film à Rio.

Lepetitjournal.com : On a qualifié le succès de La Cage dorée de surprise, ce n'est pas tant surprenant que cela vu l'importance de la communauté portugaise en France, si ?
Ruben Alves
 : Si, c'est tout de même une surprise, parce que c'est un premier film, sans un casting fort non plus, avec notamment des acteurs portugais que personne ne connaît. C'est vrai qu'il y a une forte communauté portugaise en France, mais on ne savait pas s'ils allaient aller voir le film.
Jacqueline Corado : Il y a en effet beaucoup de Portugais qui n'ont pas voulu voir le film ou qui ne vont simplement jamais au cinéma. Beaucoup avaient des a priori, à cause des clichés (le mari maçon, etc.), mais ont changé d'avis en le voyant. Le film parle aussi de cette deuxième génération qui a réussi et est pleinement intégrée en France.
Ruben Alves : Le succès au Portugal a été encore plus une surprise pour moi parce que là-bas, c'est un film français et les Portugais du Portugal ne sont pas très doux avec leurs émigrés. Ils ne les connaissent pas bien et se moquent un peu d'eux.

La Cage dorée n'est pas autobiographique, mais très personnel pour vous Ruben Alves. C'était un projet que vous aviez en tête depuis longtemps ?
Ruben Alves
 : J'avais ce film en moi depuis toujours, mais il ne s'était pas matérialisé, par pudeur sûrement. Cela fait dix ans que je suis dans le cinéma et il y a trois ans a surgi cette idée grâce à mon ami et producteur du film Hugo Gélin. A l'origine, j'avais écrit sur les Français au Portugal et lui m'a suggéré de faire l'inverse. Il se trouve qu'il manquait justement un film sur la communauté portugaise immigrée en France auquel elle pourrait s'identifier culturellement. Cette population a quitté le Portugal sous la dictature pour venir s'installer en France dans des conditions atroces et n'a jamais dit un mot. Elle était là et elle travaillait. Mon angle, c'est cela, le travail et la dévotion du peuple portugais. Je rends ainsi hommage à mes propres parents (maçon et concierge, comme les personnages principaux du film, ndr) qui sont en France depuis 40 ans et ont tout fait pour que leurs enfants aient une vie meilleure. J'ai écrit pour eux et à travers eux tous ces immigrés.

Il n'y avait vraiment eu aucun film sur la communauté portugaise avant ?
Ruben Alves : Si un, mais il est Portugais. Il s'agit de Gagner la vie (2001), avec déjà Rita Blanco (Maria dans La Cage

dorée), et c'est un drame social sur la banlieue parisienne, pas du tout grand public. Même en tant qu'acteur, je n'ai jamais eu de proposition avant pour jouer un Portugais. Beaucoup de gens ont d'ailleurs découvert que j'étais Portugais grâce à mon film ! Je pense aussi que les Portugais de France sont tellement intégrés qu'ils ne se sont simplement jamais posé la question. J'en rencontre beaucoup qui n'ont pas envie de s'arrêter sur leurs origines, qui ne les mettent pas en avant.
Jacqueline Corado : Je pense que c'est un phénomène qui est normal et qui a déjà évolué positivement depuis 20 ans. Cela prend du temps. Quand les Italiens sont arrivés en France, ils n'avaient pas non plus à l'époque la bonne image qu'ils ont aujourd'hui. Des gens ont renié leurs origines pour s'intégrer, mais ils y reviennent désormais.

Sur Internet, j'ai lu beaucoup de commentaires qui vous remerciaient pour votre film, cela doit vous rendre fier ?
Ruben Alves
 : Oui, bien sûr ! Au-delà du nombre d'entrée en salles, ce qui m'a interpellé, c'est ce qu'il s'est passé émotionnellement, les témoignages que j'ai reçus, ce que ça a déclenché sur le plan sociologique. Au début, les messages que je lisais me bouleversaient, me faisaient pleurer et m'ont fait dire que j'avais bien fait de faire ce film.
Jacqueline Corado : Cela a donné lieu à une sorte de psychothérapie géante ! Des enfants et des parents se sont retrouvés et excusés les uns les autres parce qu'ils se sont reconnus dans des scènes du film. Cela a libéré la parole chez un certain nombre de familles, c'est magnifique. C'est pour cela que je suis extrêmement fière moi aussi d'être dans le casting. Cela a aussi révélé beaucoup de choses pour moi et j'ai remercié Ruben d'avoir fait ce film, au nom de notre communauté, parce qu'il n'y a aucune trahison, tous les personnages qui sont dedans, je les connais.

Choisir de faire une comédie pour parler d'une communauté, ça passe ou ça casse, c'était pour vous le meilleur style à adopter ?
Ruben Alves :
Oui, je me suis dit que je voulais faire un film qui me ressemble. Je pense que la vie, c'est une grande comédie et qu'on peut parler de choses graves de façon légère. C'est exactement ce que j'ai fait dans le film. La légèreté, ça fait du bien, surtout en ce moment en France où c'est morose.
Jacqueline Corado : Dans certaines scènes, Ruben a mis tous les clichés, mais c'est joué de façon très vraie, très humaine. Il y a toujours une justesse de ton.
Ruben Alves : Oui, je voulais m'amuser de ces clichés.

Parlons enfin du Brésil. Pour vous, d'origine portugaise, qu'est-ce qu'il représente ? Un cousin ? Un pays totalement différent ?
Ruben Alves
 : Pour moi, les Brésiliens sont des cousins. Même lointains et différents, on a la même langue et c'est le Brésil que je soutiens au football après la France et le Portugal !
Jacqueline Corado : Avant les années 1990, dans ma famille et chez tous les Portugais, il y avait un amour pour le Brésil, même si les Brésiliens ne nous le rendaient pas. C'était notre frère, il y avait une bienveillance. Mais l'immigration massive de Brésiliens au Portugal au début des années 1990 a tout changé. Des Portugais se sont fait arnaquer et cela s'est terminé en crispation. Leur légèreté, leur culte du corps, était parfois de trop. Sans oublier le Portugais du Brésil qui s'impose de plus en plus. Et cette tension qui en a découlé n'est pas retombée. Mais je pense que cela va passer parce qu'il y a un lien définitivement fort entre nos deux pays.

Propos recueillis par Corentin CHAUVEL (www.lepetitjournal.com - Brésil) vendredi 17 janvier 2014

*Photos : Europa Filmes

lepetitjournal.com Rio
Publié le 16 janvier 2014, mis à jour le 17 janvier 2014

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