

A 68 ans, Jorge Ben a toujours l'énergie d'un jeune premier. En concert le vendredi 11 février dernier au Verão do Morro, au pied du Pain de Sucre, il a montré qu'il gardait la cote auprès des cariocas de toutes générations.
Du rock, du funk de la soul, mais aussi du samba, de la bossa ou du maracatu? Le style de Jorge Ben Jor est indéfinissable. Il prend un malin plaisir à mélanger les genres, pour un son à l'image du Brésil : coloré et métissé.
Quand il débute sa carrière dans les années 60, la scène brésilienne est pourtant divisée entre deux clans : le mouvement de la « Jovem Guarda », influencé par le rock américain, opposée à la musique populaire traditionnelle. Une rivalité qui culminera le 17 juin 1967, par une manifestation de grands noms de la chanson comme Elis Regina ou Jair Rodrigues dans les rues de São Paulo « en défense de la musique populaire brésilienne », s'insurgeant notamment contre la déferlante des guitares électriques.
Mais Jorge Ben, lui, n'a jamais eu d'états d'âme. Il était le seul artiste invité à jouer à la fois dans l'émission de télé « O Fino da Bossa », présentée par Elis Regina et à celle des rockeurs de la « Jovem Guarda ». Et aujourd'hui, à le voir changer de Fender pratiquement à chaque chanson lors de ce concert du Verão do Morro, festival organisé au Morro da Urca (le morne situé à côté du Pain de Sucre), impossible de douter qu'il est possible de jouer de la musique authentiquement brésilienne avec sa six-corde branchée sur l'ampli.
Dès 1963, il met déjà tout le monde d'accord avec « Mas que nada », mélange subtil de samba et de jazz. La première fois qu'il joue ce titre, c'est sur une très petite scène. Mais il réussit tout de même à attirer l'attention d'un des grands pontes de Philips, qui se trouve justement de la salle. La chanson finit par rencontrer un vrai succès au-delà des frontières, notamment par l'intermédiaire de Sérgio Mendes, qui la rendra célèbre lors d'une grande tournée américaine. « Mas que nada » a tellement marqué les esprits qu'une nouvelle version sera enregistrée en 2006, toujours par Sergio Mendes, mais cette fois avec Will.I.Am des Black Eyed Peas qui lui donne une tonalité hip hop. Elle restera dans l'histoire comme une des chansons en langue portugaise les plus jouées aux Etats-Unis.
Dès les années 70, Jorge Ben s'inspire de la musique black américaine pour teinter son samba de funk et de soul et lui donner un swing imparable. Il suffit de voir les cariocas de tous âges danser jusqu'au bout de la nuit au Morro da Urca pour comprendre que ses chansons sont indémodables et traversent les générations. Son titre-phare « Pais Tropical » continue d'enflammer les foules. Avec son couplet « sou Flamengo e tenho uma nega chamada Tereza », chanté d'une seule voix par tout le public, il parvient même à un exploit de taille : faire scander y compris par les supporters des autres équipes de Rio qu'ils sont pour l'équipe rouge et noire !
Flamenguista « pur et dur »
Le foot, c'est la deuxième grande passion de Jorge Ben Jor. Avant de se lancer dans la musique, le jeune natif du quartier de Madureira faisait partie des équipes de jeunes de Flamengo. S'il n'a pas fait carrière sur le terrain, il a composé plusieurs grands succès à la gloire du ballon rond. Sur « Umbabarauma, o ponta de lança africano », il fait trembler les murs de l'Arena avec une guitare ultra saturée. Mais sa chanson la plus célèbre sur le football reste « Fio Maravilha ». Un hommage à Fio, joueur au succès éphémère et à la technique approximative qui une nuit, comme touché par la grâce, s'est mis à dribbler tous les défenseurs adverses pour inscrire le but de la victoire contre les Portugais de Benfica. Le titre remporte un succès phénoménal et devient très vite bien plus célèbre que le joueur. Mais plutôt que de remercier le chanteur d'avoir fait entrer son nom dans la légende, il décide de l'attaquer en justice pour récupérer les droits d'auteur. Du coup, il a dû changer les paroles de la chanson, qui deviendra « Filho maravilha ».
Des filles plein la scène
Mais ce qui ne change pas, c'est son succès auprès de la gent féminine. A 68 ans, il n'hésite pas à appeler des dizaines de jeunes femmes à le rejoindre sur scène, pour chanter en ch?ur Taj Mahal, un titre qui raconte l'histoire du plus célèbres des monuments d'Inde, ce palais offert par un prince à sa bien-aimée. Jorge Ben Jor, lui, a terminé la soirée entouré de princesses, qui sont descendues au pied du Pain de sucre, heureuses d'avoir partagé un moment d'éternité aux côtés d'une légende de la musique brésilienne.
Louis GENOT (www.lepetitjournal.com ? Rio de Janeiro) mardi 22 février







