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ELISABETH CAILLET – "Quand on voit le Christ Rédempteur, on se rend compte que mon grand-père était un grand sculpteur"

Écrit par Lepetitjournal Rio de Janeiro
Publié le 10 avril 2014, mis à jour le 9 octobre 2014

Lors de sa visite à Rio le mois dernier, l'ex-footballeur Lilian Thuram n'est pas venu seul. Il était notamment accompagné d'une membre du comité scientifique de sa fondation, la muséologue Elisabeth Caillet, qui n'est autre que la petite-fille de Paul Landowski, le sculpteur du Christ Rédempteur. C'était la première fois qu'elle se rendait dans la "Cidade Maravilhosa" où elle a pu enfin admirer l'une des ?uvres les plus marquantes de son grand-père. Elle s'est confiée au Petitjournal.com.

Lepetitjournal.com : Quelle a été votre première impression lorsque vous avez vu le Christ Rédempteur ?
Elisabeth Caillet
 : La première fois que je l'ai vu, c'était à la résidence consulaire. C'était le soir, j'ai ouvert ma fenêtre et j'ai vu cette lumière lointaine. C'était très impressionnant, même de loin, il est époustouflant. Et pourtant j'ai vu beaucoup de photos, des films, mais tout le monde me l'avait dit, la réalité dépasse complètement ce que l'on peut imaginer. Ensuite, en m'y rendant, la montée est magnifique, avec le train c'est merveilleux. Il y a enfin les escaliers où l'on voit le Christ de dos. Il faisait très beau, le ciel était bleu et la couleur de la pierre de savon, qui recouvre cette sculpture en béton pour lui donner un côté lisse et luisant, le rendait extrêmement beau. Quand on fait le tour, c'est encore plus impressionnant, il y a d'abord cette image saisissante des gens qui sont en train de faire le geste du Christ. Puis on voit que mon cher grand-père était un grand sculpteur, notamment au regard des belles proportions quel que soit le lieu d'où on le regarde. Lui-même, effaré par ce gigantisme, disait : "C'est trop grand, mon Christ est trop grand ! (Heitor da Silva) Costa est fou, il ne se rend pas compte !" Paul Landowski a fait des sculptures très grandes par ailleurs, mais jamais de cette taille-là.

Pourquoi n'étiez-vous jamais venu voir le Christ avant ?
Parce que j'ai beaucoup travaillé dans ma vie et je n'ai jamais eu l'occasion de venir. La plupart des membres de ma famille y étaient venus, mais cela ne m'avait jamais paru une exigence absolue. De même que je n'avais jamais été en Chine voir la statue de Sun Yat-sen, à Nankin, que mon grand-père avait sculpté à la même époque que celle du Christ. Mon grand-père a fait des ?uvres dans des pays lointains, mais il n'a jamais non plus été les voir parce que c'était trop loin et c'était une époque durant laquelle il avait énormément de commandes. Moi-même, je n'avais donc pas été en Chine et au Brésil, mais cette année, j'ai tout fait !

Comment Paul Landowski en est venu à sculpter le Christ Rédempteur ?
C'est l'ingénieur brésilien Heitor da Silva Costa qui a remporté le concours organisé sur un projet théorique, mais il n'y avait pas de sculpteur. Ne trouvant pas son bonheur au Brésil, il est venu en France dont les sculpteurs de l'époque étaient de réputation internationale. Antoine Bourdelle et Paul Landowski étaient les deux plus importants. Le projet n'a pas plu à Antoine Bourdelle et Heitor da Silva Costa est alors allé voir Paul Landowski avec qui il s'est tout de suite très bien entendu. Ils sont même devenus amis, se voyant souvent. Mon grand-père voulait seulement être libre sur l'interprétation du dessin qu'il devait sculpter. Même si c'était une commande, il souhaitait ne jamais en être dépendant et garder une certaine liberté. Il faut savoir également que Paul Landowski avait proposé de sculpter la vie du Christ au pied de la statue, mais ce projet n'a pas été retenu par l'archidiocèse de Rio, qui n'avait plus d'argent.

Comment s'y est-il pris pour sculpter le Christ Rédempteur ?
Il a fait plusieurs essais, des maquettes de différentes tailles, jusqu'à 5 mètres de hauteur, pour déterminer les proportions, notamment la taille de la tête  - qui fait 1/12e du corps - et des mains, qui sont les éléments les plus compliqués et qui ont, elles, été sculptées en grandeur définitive. Le reste a été fait à partir de la maquette, en agrandissement, avec une structure interne qui a été faite par un ingénieur français, Albert Caquot, très grand spécialiste de ce genre de structure en métal recouverte de béton. Par-dessus, il y a cette pierre de savon qui est une trouvaille astucieuse de Heitor sa Silva Costa parce que c'est une pierre tendre qui durcit à l'air et résiste parfaitement à la foudre, au vent et à la pluie. "C'est une drôle d'idée, mais c'est une bonne idée", disait Paul Landowski dans son journal. On constate aussi la simplicité des plis, arrivant à quelque chose qui est d'une pureté étonnante. C'est pour cela que les spécialistes considèrent que c'est l'une des plus magistrales et des plus belles sculptures Art déco du monde.

Parmi toutes les sculptures de Paul Landowski, le Christ Rédempteur est-elle votre préférée ?
Depuis que j'ai vu le Christ, je commence à hésiter, mais celle que je préférais jusque-là, que je trouve absolument splendide, c'est un monument de commémoration de la bataille de la Marne qui a été sculpté après la Première Guerre Mondiale et qui s'appelle Les Fantômes. C'est une sculpture gigantesque en granit rose qui représente des Poilus qui sont morts dans les tranchées, mais qui sont redressés, précédés par une France, cheveux au vent. C'est un monument magnifique, quand on le voit, on est impressionné et ému, j'ai eu le même sentiment devant le Christ, dans un autre registre.

Propos recueillis par Corentin CHAUVEL (www.lepetitjournal.com ? Brésil) vendredi 11 avril 2014

- Voir le site des amis du Musée Paul Landowski

Pour en savoir plus

Les éditions L'Harmattan ont publié le mois dernier les actes du colloque international 2012 sur "Paul Landowski et la commande publique", disponible en commande sur Internet

 

lepetitjournal.com Rio
Publié le 10 avril 2014, mis à jour le 9 octobre 2014

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