Sacha est un artiste complet, on le qualifie souvent de pionnier de l’électro en Nouvelle-Calédonie. Et il l’est mais bien plus encore. Son univers et son histoire sont uniques, comme son art. Sacha explore les univers sonores où il mélange des instruments acoustiques à des sons synthétiques dans un univers résolument visuel et vocal à la fois. Partons à la découverte de toutes les facettes de sa création.
L’éveil musical à l’âge adulte
Sacha est né et a grandi à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, où il a effectué toute la scolarité. Fils de parents enseignants, d’un père originaire de l’île de Wallis et d’une mère européenne, Sacha voyage beaucoup et depuis toujours, dans la région de son enfance mais également en Métropole et aux États Unis. La diversité des sons et des images fait déjà partie de son quotidien. Après le bac il prend la direction du Sud de la France pour suivre des études de Médecine à Toulouse. Un carrière prometteuse avortée le jour où on lui met une guitare entre les mains et où on lui montre 2 accords; il en est certain: c'est ce qu'il veut faire de sa vie.
Cet instant décisif (cher à Henri Cartier-Bresson) dont j’aime discuter avec les artistes, Sacha me le décrit ainsi :
Mon instant décisif serait justement ce moment où j'ai gratté ces 2 accords sur une guitare la première fois. Je me souviens très exactement de ce moment, il est gravé dans mon esprit. Je revois quel jour on est ; je vois la pièce dans laquelle je suis ; je vois la guitare que j'ai dans les mains. Je me souviens de la chanson que je gratte: No pressure over cappuccino d'Alanis Morissette. Ça a été un instant décisif ; je ne sais même pas comment à l'époque j'ai fait ce chemin si rapidement, mais je me suis vraiment dit : c’est ce que je dois faire de ma vie, je ne dois pas passer à côté. Ce sera ça ou rien.
Sacha n’avait jamais fait de musique auparavant et le voilà qui arrête ses études de médecine, monte un groupe et prend la direction de Dublin en Ecosse quelques années plus tard, puisqu'en 2007 c'est en Irlande qu'il intègre une école d'ingénieur du son et de production musicale, et qu'il prend des cours de chant. La passion est là. Le destin créatif et musical de Sacha commence à s’écrire.
A l’époque il découvre les instruments électroniques et la musique de Bjork. C'est un déclic :
C'est là que j'ai trouvé mon univers, mon terrain de jeu avec toutes ces couleurs possibles et imaginables. Avec l’outil électronique on peut créer et exprimer tout ce que l'on veut en termes de son. Ce qui m'intéressait c'était de raconter mes émotions et de faire vivre des émotions aux gens; et j'ai trouvé que les sons électroniques me permettaient de faire ça.
Sacha ne cherche pas à tout prix à être un parfait technicien de la musique, ce qu’il perçoit dans l'outil électronique c’est la possibilité d’exprimer toutes ses idées sans le besoin de passer par la courbe d’apprentissage de l'instrument pour les transmettre.
Début de sa carrière solo avec : Lines et exploration des métiers du spectacle
En 2009 Sacha rentre à Nouméa pour commencer sa carrière d’artiste solo et explorer les différentes facettes du spectacle musical et vivant. Il travaille pour Mangrove Productions, qui est le plus ancien studio néo-calédonien qui produit tous les artistes de Kaneka. Il travaille comme Directeur Technique sur le festival Femmes Funk, qui est malheureusement arrêté aujourd'hui, mais qui rassemblait à l'époque des artistes du monde entier avec un échange de création entre des choses très modernes et d’autres plus traditionnelles. En solo il fait des concerts dans les bars et restaurants, et assez vite fait des premières parties. Entre rythme traditionnel et influences extérieures, Sacha multiplie les expériences.
En 2010 Sacha est lauréat de l'Aide à la Création Musicale qui lui a permis de sortir son premier album : Lines, récompensé aux Flèches de la Musique de Nouvelle-Calédonie. Il met ensuite sa carrière solo entre parenthèses et se concentre sur la composition pour les arts vivants et le cinéma. Entre 2012 et 2018 il écrit pour le théâtre, pour des pièces contemporaines pour enfants, pour des courts-métrages ou encore de la danse contemporaine.
Même si la Calédonie est relativement petite, il y a un vivier artistique très important, et j'étais le seul à proposer de la composition sur mesure pour de l'art vivant.
Sacha est pluridisciplinaire, et avec son background technique il peut être à la fois créateur et technicien.
Le retour à la recherche personnelle et l’exploration à la Cité internationale des Arts de Paris
En 2018, Sacha a voulu relancer son projet personnel, et réaliser un de ses rêves : travailler avec un quatuor à cordes. Ce qu’il a fait accompagné de 2 violons et de 2 violoncelles. Il a réarrangé certaines de ses compositions pour ce projet et il les joue à Nouméa. Avec l’aide du Poemart, il rencontre le Directeur artistique de Ginger Sounds : Mounir Kabbaj qui l’aide à la mise en scène du projet et lui ouvre des horizons sur le champ des possibles dans son domaine musical. Il a ainsi pu faire évoluer sa musique pour la faire résonner avec l'époque actuelle.
L’année 2019 sera marqué par la sortie de son deuxième album "Treize" et son arrivée en résidence à la Cité internationale des Arts à Paris, que Sacha décrit comme « un vivier incroyable de créateurs ».
Les rencontres sont passionnantes autant sur le plan humain qu’artistique. Il rencontre la compositrice de néo-classique israélienne Aviya Kopelman. Ensemble ils vont fusionner leurs univers pour une création unique : elle réarrange certains des titres de Sacha qui lui posera sa voix sur ses créations à elle. La magie opère et ils se produiront ensemble en live à la Cité des Arts. Échanges incroyables et uniques qui nourrissent l’univers de Sacha. Après ces expériences créatrices Sacha décide de s’installer en France pour y rester. Ce qui arrivera en Janvier 2020.
L’année 2020 et le confinement
Le premier confinement dû à la Covid-19 début 2020 est pour Sacha un vrai catalyseur d'émotions et de création. Malgré l'horreur de cette pandémie, ce confinement lui permet de prendre le temps d’écrire et de composer, d'aller au bout de ses idées.
Malgré les difficultés psychologiques on a du revenir au plus près de soi. Ça nous a obligé à être plus introspectif et à nous éloigner du bruit environnement, du bruit du monde et de la pression sociale. Ça nous a obligé à revenir à l'essentiel, revenir à nos envies et de se poser la question : qu'est-ce que j'ai vraiment envie de faire de ce temps à disposition ? Qu'est-ce qui compte vraiment pour moi ?
Plus récemment Sacha a développé des Live Stream, une nouvelle façon d'entrer en contact avec son public. Sans jamais remplacer le spectacle vivant c’est une porte qui ouvre, selon Sacha, un accès à un public différent; qui permet une nouvelle façon d’interagir avec les gens et de créer de nouvelles expériences. Sans grande surprise pour cet artiste connecté, l'attirance pour les nouvelle technologies du point de vue créatif le passionnent, notamment les techniques immersives comme le VR ou le 360.
Je ressens un grande liberté en créant des expériences immersives très émotionnelles, associée à une vraie connexion avec les gens, presque une proximité de l'ordre de l'intime.
Questions sur l'importance de ses racines et sur l’expatriation
LePetitJournal Nouvelle-Calédonie : Peux-tu nous parler de tes attaches Calédoniennes ? Et de son influence dans ta musique ?
Sacha Terrat : La Nouvelle Calédonie c’est mon pays, ma maison. C’est là-bas que j’ai mes repères, où les odeurs, les langues, les paysages me sont familiers, sont eux qui ont bercé mon enfance et c’est avec eux que j’ai grandi. Ma musique en est empreinte : j’utilise des boucles de rythmes traditionnels, des samples de chants et de sons de nature Calédonienne, les rythmiques que je programme sont souvent inspirées de rythmiques de musique du Pacifique (kanak, wallisienne).
Que est ton rapport avec la question de l’identité ?
Le Caillou et son histoire sont littéralement inscrits dans mon ADN : je suis métis wallisien-européen, descendant de bagnard et j’ai récemment découvert que le premier TERRAT à être arrivé en Calédonie s’est marié et a eu un enfant avec une femme de la tribu de Ponérihouen dont ma famille descend. Et c’est ça, il me semble, la Calédonie d’aujourd’hui : malgré son histoire coloniale, le peuple Calédonien est un peuple métissé, qui s’enrichit et se nourrit du melting-pot des cultures et des influences des individus qui la visitent et l’habitent. Je crois que l’identité Calédonienne est multiple, elle ne peut pas se définir selon des critères précis et excluant. On ne peut pas dire qu’il faut avoir une certaine couleur de peau, une certaine religion, un mode de vie précis ni même une langue commune. Mais malgré cela, nous nous reconnaissons, nous savons au premier coup d’œil qui est du pays.
Pour ce qui est de l’identité Calédonienne d’un point de vue plus large, je pense nous vivons dans un monde où l’on sait que l’on gagne toujours à se rencontrer, à collaborer et à communiquer. Je ne crois pas qu’isoler une communauté ou un peuple lui rende service. L’idée d’indépendance est d’après moi un peu illusoire, à l’heure où les pays sont si interconnectés, interdépendants et en échange permanent. Il faut renforcer les liens qui nous unissent plutôt que d’essayer de les défaire, et regarder vers l’avenir, vers ce que l’on veut construire et non pas ce que l'on regrette de ne pas pouvoir réparer.
Pourquoi ce choix de venir en Métropole ?
J’ai choisi de venir en Métropole, pour des raisons professionnelles et personnelles.
Tout d’abord, parce que même si la Calédonie est un pays magnifique où il fait bon vivre, elle reste une île isolée au milieu du Pacifique. Il y a beau y avoir un vivier artistique foisonnant, il n’est pas réellement possible d’avoir une carrière musicale à temps complet, d’autant plus quand on fait le type de musique que je propose. J’ai aussi eu besoin de challenges, parce qu’après avoir passé 10 ans à explorer le milieu de la culture sous toutes ses coutures, j’avais besoin de prendre des risques et de me focaliser sur mon projet personnel, ma musique.
Ensuite, j’avoue que le contexte actuel est pesant au pays. Les questions identitaires, les référendums et maintenant les problèmes liés au secteur minier sont très présents dans les consciences et conditionne une bonne partie de notre travail, de ce qui est attendu de la part des artistes. Ces attentes sont souvent en décalage par rapport aux propositions artistiques, aux envies de création des artistes et finalement n’aident pas la création Calédonienne de rayonner. J’avais besoin de prendre la distance, de me sentir en terrain neutre pour créer et développer mon projet.
Son oeuvre emblématique : SILVER CHAINS
Quand je demande à Sacha quelle œuvre est la plus emblématique de sa carrière, il me parle de sa dernière chanson SILVER CHAINS, tirée de son prochain album UNIMORPH. Sacha m’explique que tout ce pourquoi il a toujours travaillé est résumé dans cette œuvre, que toutes ses expériences dans le spectacle vivant et son travail sur la voix l’ont amené à ce single.
Le clip ci-dessous est l’aboutissement de cette vision, créé à 4 avec 2 danseurs, expérience de création unique. C’est la synthèse de l’univers de Sacha, entre travail sur la musique, la voix, les costumes et la mise en scène.
Plus qu’une vidéo musicale : c’est le spectacle complet d’un artiste pluridisciplinaire.
Entre mélancolie et sensibilité, la voix de Sacha se fait puissante et hypnotique. Les rythmiques de ses compositions sont fortes et fragiles à la fois nous emmenant dans des contrées mystérieuses qui nous sont suggérées tout en finesse. La délicatesse de ses textes en anglais nous font vibrer autant que les tremblements des basses et des percussions, avec ses sonorités « d’ailleurs ». Les dualités sont partout (même visuellement) et s’entremêlent divinement bien. Univers unique, artiste complet. Musique à mettre entre toutes les oreilles !
La semaine prochaine ne manquez pas la sortie de son nouveau single : La Main, sa première chanson en français. Sortie le 12 Février 2021. Plus d'infos sur le site de Sacha en clickant ici!