L'État est passé à l'offensive dimanche en Nouvelle-Calédonie pour tenter de "reprendre totalement la maîtrise" du territoire, avec d'abord une opération d'envergure des gendarmes sur la route entre Nouméa et l'aéroport international, après six morts en six jours d'émeutes.
Un premier vol est arrivé mardi pour évacuer des touristes coincés en Nouvelle-Calédonie, territoire français du Pacifique sud toujours à l'arrêt après une semaine d'émeutes, malgré de "nets progrès" en matière de sécurité vantés par Emmanuel Macron.
Huit jours après le début de cette flambée de violences en réaction à une réforme constitutionnelle décriée par les indépendantistes, l'exécutif a décidé de mobiliser "pour un temps" des militaires afin de "protéger les bâtiments publics" et soulager policiers et gendarmes, a indiqué l'Elysée.
"Le retour au calme se poursuit sur l'ensemble du territoire", a de son côté écrit dans un communiqué mardi le représentant de l'Etat en Nouvelle-Calédonie, le Haut-commissaire Louis Le Franc.
Mais Nouméa et son agglomération continuaient d'être le théâtre d'affrontements localisés et les barrages se sont même étoffés ou ont été reconstitués par endroits dans la nuit, a constaté un journaliste de l'AFP, à qui plusieurs témoins ont fait état d'importantes détonations et d'affrontements dans le quartier de Tuband.
Six personnes ont été tuées depuis le début des violences, d'une ampleur inédite en près de 40 ans dans l'archipel océanien. Parmi les morts figurent deux gendarmes mobiles.
Alors que la fermeture de l'aéroport international de Nouméa aux vols commerciaux a été prolongée jusqu'à jeudi, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont annoncé mardi matin l'envoi de plusieurs vols pour les évacuer.
Le gouvernement néo-zélandais a affrété un vol en direction de Nouméa parti en fin de matinée pour rapatrier 50 de ses ressortissants, Camberra ayant annoncé de son côté l'envoi dans la journée de deux avions qui évacueront "des touristes australiens et d'autres".
L'un d'eux a atterri vers 15H30 locales (6H30 à Paris) sur le tarmac de l'aéroport de Magenta, a constaté une journaliste de l'AFP.
- "On lâche pas !" -
Mardi matin, sur la route express qui mène à l'aéroport international, l'entrepôt d'une entreprise de fourniture de bureaux était en feu.
Deux carcasses de voitures empilées forment un barrage à 200 mètres de là, de jeunes hommes encagoulés filtrant le passage des voitures. Et sur les barrages, la motivation ne semble pas faiblir malgré le déploiement massif de forces de sécurité intérieure, qui dépassent désormais les 2.700 effectifs.
"On lâche pas ! On lâche pas jusqu'à ce qu'ils retirent le texte (...) Même s'il faut mourir, on restera là sur les barrages", assure à l'AFP Simon, un chauffeur-livreur de 34 ans qui garde un barrage dans le quartier de Montravel, un fief indépendantiste.
Certains véhicules peuvent passer, dont les occupants saluent les militants. "Ca fait une semaine qu'on est là, les passants sont habitués", reprend Simon qui assure que certains "nous donnent du pain, de l'eau".
Les principales figures non-indépendantistes de l'archipel, réunies en conférence de presse à Nouméa, ont elles appelé mardi à poursuivre l'examen du projet de loi constitutionnelle, qui doit être adopté en Congrès avant fin juin.
Son retrait serait "une erreur gravissime" qui donnerait "raison aux casseurs, aux pilleurs et aux émeutiers", a asséné le député Renaissance de Nouvelle-Calédonie, Nicolas Metzdorf.
La présidente du groupe Rassemblement-LR au congrès calédonien, Virginie Ruffenach, a de son côté estimé que "le terrorisme ne doit pas gagner, la violence ne doit pas gagner".
Les appels se sont multipliés, de la gauche à l'extrême droite en passant par la majorité et jusqu'à la maire loyaliste de Nouméa, pour réclamer un report de cette réforme qui prévoit le dégel du corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l'archipel.
Ce dégel aurait pour conséquence de marginaliser les voix de la communauté autochtone kanak, dénoncent les indépendantistes.
A l'issue du troisième Conseil de défense organisé lundi en moins d'une semaine et où Emmanuel Macron a constaté "de nets progrès dans le rétablissement de l'ordre", l'Elysée n'a pas évoqué la question de la prolongation possible de l'état d'urgence, en place depuis mercredi.
Tandis que le spectre d'une pénurie de nourriture et de médicaments plane sur l'agglomération de Nouméa, le Haut-Commissaire a assuré que 21 grandes surfaces ont rouvert "et sont progressivement réapprovisionnées".
- Nouvelle nuit agitée -
A Dumbea, importante ville de l'agglomération, le centre culturel a été saccagé, a constaté un journaliste de l'AFP. "Les jeunes voulaient tout brûler, on a réussi a les en empêcher", assure un militant de la CCAT, un collectif indépendantiste accusé par l'Etat d'attiser les violences mais qui affirme rester "dans une démarche pacifique".
Dimanche les autorités avaient annoncé une vaste opération de gendarmerie pour libérer l'axe stratégique d'une cinquantaine de kilomètres reliant Nouméa à l'aéroport de La Tontouta, mais les barrages à peine "débloqués" étaient réinstallés par les indépendantistes.
La plupart sont "filtrants" et laissent le passage à certains véhicules, y compris les pompiers ou ambulances à toute heure, soutient la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT).
Les mesures exceptionnelles de l'état d'urgence sont maintenues, à savoir le couvre-feu entre 18h00 et 6h00 (9h00 et 21h00 à Paris), l'interdiction des rassemblements, du transport d'armes et de la vente d'alcool et le bannissement de l'application TikTok - dont l'interdiction sera contestée par des défenseurs des libertés devant le Conseil d'Etat mardi à 11h30.
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