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Entretien avec le Ministre de l’Education Vanuatais, Jean-Pierre Nirua

Jean-Pierre Nirua Vanuatu Francophonie Nouvelle-Calédonie Ambassade France EnseingmentJean-Pierre Nirua Vanuatu Francophonie Nouvelle-Calédonie Ambassade France Enseingment
Écrit par Ambassade de France au Vanuatu
Publié le 5 avril 2018, mis à jour le 5 avril 2018

Le Ministre de l’Éducation, de la Formation et de la Francophonie du Vanuatu a répondu en toute objectivité aux questions et explique pourquoi l'archipel aujourd'hui souhaite promouvoir la francophonie au sein de l'ensemble des établissements scolaires.

 

Ambassade de France au Vanuatu : Pour commencer, vous qui avez connu l’avant et l’après indépendance, pouvez-vous nous raconter votre parcours qui a mené à votre entrée en politique ?

Jean-Pierre Nirua : En 1980, l’année de l’indépendance, j’étais étudiant au Lycée Louis Antoine de Bougainville et je devais passer mon baccalauréat. L’Histoire retiendra surtout de cette année les différences d’opinion sur le projet de l’indépendance du pays, non seulement de la population locale mais aussi au niveau des pouvoirs de tutelle. A l’époque, c’était assez clair que les francophones s’alignaient sur la position de la France, qui défendait une indépendance progressive après une formation des futurs cadres sur une dizaine d’années. Les anglophones, qui étaient formés à être beaucoup plus autonomes, ont choisi l’indépendance immédiate. Mais au moment de l’indépendance, les diplômés universitaires étaient très peu nombreux, on pouvait les compter sur les doigts de la main. Et parmi ceux-là, je pense que monsieur Vincent Boulekone était le seul (ou l’un des rares) francophone(s) diplômé(s).
En 1981, avec le soutien de mes parents et malgré mes réticences premières, j’ai entamé une formation en anglais à l’Université du Pacifique Sud (USP). Il faut reconnaître que l’éducation reçue aux temps des Nouvelles-Hébrides était quand même de qualité, car l’anglais nous était enseigné comme une matière à part entière, ce qui m’a permis d’entamer un cursus pré-universitaire en anglais.
Après avoir obtenu ma licence, j’ai commencé à travailler au gouvernement, puis à l’USP de Port-Vila, où je suis retourné faire un Master en 2001-2002. Je suis également passé par le secrétariat du Fer de Lance Mélanésien jusqu’à devenir ce que je suis aujourd’hui.

 

AFV : Justement aujourd’hui, vous êtes Ministre de l’éducation, de la formation et de la francophonie. Cet ajout de la francophonie dans le nom de votre ministère est nouveau au Vanuatu, qu’est-ce que cela signifie ?

JPN : Effectivement, la francophonie a été ajoutée par le gouvernement actuel dans le portefeuille qui m’a été attribué. Auparavant, la responsabilité de la francophonie variait entre les différents ministres francophones d’un gouvernement.
Maintenant que cela est plus officiel, il me revient de défendre et promouvoir la francophonie. Mais il n’y a pas de feuille de route précise. Ce qui n’est pas plus mal finalement, car la francophonie on la découvre, on la vit, on la sent, on la renforce au jour le jour. Elle varie, elle se développe et on fait partie de cet élan d’émancipation.

 

AFV : Vous avez eu il y a quelques semaines une réunion avec les autres ministres de l’éducation du Commonwealth. Comment votre appartenance à la francophonie est-elle perçue au sein de cette institution ?

JPN : Tout d’abord, je n’étais pas le seul ministre francophone qui participait à ce forum. Il y avait des ministres de l’île Maurice, des Seychelles, du Cameroun et d’autres. Donc avec ces partenaires, on s’appuie sur nos points forts pour amorcer des synergies entre les deux cultures. Car en fin de compte, au niveau mondial, même si la culture chinoise est très importante, les cultures anglaises et françaises sont très influentes, il est donc intéressant de tirer le meilleur partie de l’une et de l’autre.
De plus, à chaque réunion du Commonwealth, il y a un représentant de l’OIF qui siège, et vice-versa. On voit bien que l’idée est de travailler ensemble, et non pas en concurrence ou en opposition.

 

AFV : Pour vous, qu’est-ce que véhicule la langue française en termes de valeurs ?

JPN : La langue française est le vecteur de la francophonie et de la culture francophone. Et même plus : c’est le vecteur qui favorise le bilinguisme scolaire au pays. Et c’est ça la richesse que certains pays ne connaissent pas. Au temps des Nouvelles-Hébrides, nos anciens ont connu un système de cohabitation, mais aussi de dualité entre le français et l’anglais. Aujourd’hui, plusieurs années après l’indépendance, nous essayons d’en faire une collégialité nationale d’appartenance collective et d’unité pour en faire une réalité conjointe plus enrichissante, en reconnaissant que la langue française reste le facteur d’épanouissement de la francophonie qui favorise le bilinguisme.

 

AFV : On a l’impression qu’au Vanuatu, la francophonie connaît un nouvel élan depuis plusieurs années, en prônant le bilinguisme pour tous. Pouvez-vous nous dire d’où provient ce nouveau souffle et quel est l’objectif pour le futur ?

JPN : Avant d’occuper ce poste de ministre, j’ai travaillé pendant 15 ans au campus de l’USP, dont plusieurs années en tant que directeur et directeur de campus universitaire. C’est là qu’avec l’appui de nos partenaires (Alliance Française, Ambassade de France, Ministère de l’Éducation et établissements scolaires…), nous avons essayé de mettre en avant les avantages d’une francophonie partagée, plutôt que d’avoir une francophonie exclusive n’appartenant qu’aux francophones. C’est-à-dire d’avoir des francophones qui ont également un bon niveau d’anglais, et inversement.
Par exemple, si on arrive à faire en sorte que les étudiants du Lycée Montmartre (qui ont participé aujourd’hui au cocktail de la francophonie), comme ceux de tous les établissements francophones du Vanuatu, s’expriment parfaitement en anglais comme ils l’ont fait dans leur chanson, c’est parce que j’ai introduit l’anglais dans leur cursus. C’est-à-dire l’anglais pré-universitaire de l’USP. Car le meilleur moyen d’intégrer les francophones et les anglophones, c’est de rentrer chacun sur le terrain de l’autre.
Nous avons fait de la francophonie un outil universitaire, non seulement pour les francophones, mais pour tous les habitants du Vanuatu. Maintenant, on ne parle plus dans le système éducatif d’enseignement francophone ou anglophone, mais d’enseignement bilingue, multilingue, plurilingue. Parce qu’à mon avis, on doit s’inspirer du riche système de cultures héritées pour pouvoir valoriser l’être humain.
Si l’enfant Vanuatais commence à apprendre l’anglais et le français à partir du primaire jusqu’au secondaire, il devient ce que nous avons vu ce soir, à savoir un jeune capable de s’exprimer en français et en anglais, et c’est alors un bon départ dans la vie.
C’est en tout cas la mission que je veux mener en tant que Ministre de l’Éducation. Et pour aboutir à cet objectif, il faut s’assurer que la formation des maîtres soit bilingue, pour que chaque matière puisse être enseignée en français et en anglais par les mêmes enseignants bilingues et multilingues. Et quand on voit que des jeunes nous démontrent justement qu’ils peuvent naviguer facilement d’une langue à l’autre, cela nous donne raison de rêver à un meilleur avenir, car le pari de former des jeunes cadres munis de connaissance en deux langues internationales sera plus facile à gagner.

 

Pour retrouver l’interview, cliquez ici.

 

ambassade france vanuatu
Publié le 5 avril 2018, mis à jour le 5 avril 2018

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