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Alcool : il faut changer la norme

Université de Nouvelle-Calédonie, un soir du mois de juin dernier, « L’alcool en Nouvelle-Calédonie, d’un fléau vers un espoir. Regards croisés et multiples pour comprendre et agir. »Université de Nouvelle-Calédonie, un soir du mois de juin dernier, « L’alcool en Nouvelle-Calédonie, d’un fléau vers un espoir. Regards croisés et multiples pour comprendre et agir. »
Écrit par Véronique Mézille
Publié le 22 août 2018, mis à jour le 22 août 2018

A l’heure où les politiques s’emparent enfin (!) du sujet et nous délivrent de véritables listes à la Prévert de mesures à prendre pour lutter contre ce fléau, le CPN, Collège des psychologues de Nouvelle-Calédonie, nous invite à poser un autre regard sur l’alcoolisation massive que connait notre île, pour, peut-être, enfin dégager des solutions.


Université de Nouvelle-Calédonie, un soir du mois de juin dernier, « L’alcool en Nouvelle-Calédonie, d’un fléau vers un espoir. Regards croisés et multiples pour comprendre et agir. » L’intitulé de la conférence organisée par le CPN donne le ton. Au-delà du simple constat dramatique rappelé par la projection du documentaire « Naufrage » de Têtemba Productions, il y a urgence à comprendre pour agir. « L’alcoolisation engage la totalité de la société, déclare Grégoire Thibouville, psychologue. C’est une maladie sociale, une calamité, un désastre qui concerne toutes les communautés et toutes les catégories sociales. » 

Pourquoi boit-on autant en Nouvelle-Calédonie ?

Véritable coup de poing, le documentaire « Naufrage » le souligne : chaque week-end, l’alcool s’empare de la ville. C’est le naufrage d’une île qui aime faire la fête dans un océan d’alcool. 50 fois plus d’ivresses sur la voie publique ici qu’en métropole, 100 décès par an liés à l’alcool, déclencheur de la quasi-totalité des violences recensées… ou comment un paradis est devenu un enfer.

Mais pourquoi boit-on autant en Nouvelle-Calédonie ? Et déjà, c’est quoi boire trop ? « C’est quand on boit plus de 15 bières et plus d’une bouteille de whisky », témoigne ce jeune dans le documentaire. « Solution face à un mal-être, remise en question à être soi-même et à être aux autres, l’alcool est, pour beaucoup, un exutoire, un moyen d’échapper à la souffrance, explique Grégoire Thibouville. Et la période actuelle de mutation, de transformation, de désorganisation sociale et culturelle, avec une défaillance des garants méta sociaux (l’école, la coutume, l’église,…) et des supports sociaux (famille, tribus,…) ne fait qu’accentuer ce désert psychique interne. »

Les plus vulnérables sont bien sûr les jeunes. « On boit également parce que c’est la norme, parce que c’est comme cela qu’on fait la fête ici, accentue Thibaut Bizien, ambassadeur du mouvement citoyen Zéro Tolérance. L’alcool est non seulement banalisé mais valorisé. T’es un champion quand tu, soi-disant, tiens bien l’alcool. »

Quels espoirs ?

Il faut changer cette norme, cette acceptation sociale qui fait que boire du vendredi soir au dimanche soir est normal. Il faut déconstruire la relation fête-alcool, qui bien souvent, cache un mal-être.

« Notre objectif est de véritablement ringardiser l’alcool. Il faut changer le norme et recréer de la qualité dans nos relations et dans nos existences, pour ne plus avoir ce vide à combler par l’alcool », expose Thibaut. « Apprendre à s’exprimer, à exprimer ses émotions autrement », c’est aussi ce que propose Alexandra Jourdel, psychologue. « Plus qu’occuper les jeunes, le sport et la culture, sont des moyens de donner un sens à leur vie », rappelle Jenny Briffa, réalisatrice de « Naufrage », qui interpelle à ce sujet sur la baisse des subventions aux associations qui sont pourtant un partenaire essentiel dans cette lutte.

Au-delà des politiques actuelles louables, comme l’augmentation des taxes sur l’alcool, « la première ressource est humaine », selon Thibaut. Seule solution durable pour enfin éradiquer cette maladie sociale : Il faut recréer du lien, dans la présence à soi et à l’autre. Un espoir ? La prise de conscience est là. Souhaitons qu’elle gagne toute la société…

Véronique Mézille
Publié le 22 août 2018, mis à jour le 22 août 2018

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