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Alain Licari, le photographe de « la limite »

Alain LicariAlain Licari
Alain Licari
Écrit par Rachel Brunet
Publié le 31 janvier 2019, mis à jour le 1 février 2019

Alain Licari est un photographe français. Expatrié depuis 2015 à New York, son terrain de jeu se situe davantage à l’intérieur des États-Unis, et de part et d’autre de la frontière avec le Mexique. Il le dit lui-même, il est un photographe de la limite.

 

La démarche artistique d’Alain Licari frôle parfois l’observation participante, avec une ambition : rendre compte de ce qu’il voit, de ce que les gens lui confient Tout en créant la parole autour de son travail. Il sort de sa propre zone de confort pour mieux appréhender la vie inconfortable et parfois dangereuse des minorités. En 2016, il réalise son premier road trip à travers le pays et se passionne pour l’Amérique profonde. Il y découvre la pauvreté couplée à la dignité dans le Midwest ou en Californie. Il découvre aussi le désarroi, la peur et le rêve d’une vie meilleure lorsqu’il longe la frontière avec le Mexique. 

 

En se rendant à Tijuana, il va voir le mur. « C’était une véritable émotion, j’ai été complètement boulversé de voir les deux univers » Et oui, avec son passeport français, il a la possibilité de passer d’un côté à l’autre, sans aucun problème, de photographier et d’échanger avec les migrants qui veulent « passer de l’autre côté » pour le simple fait de sauver leur vie. De cette expérience au Mexique - il y retourne souvent - il tire sa série « Your Wall Our Lives ». Cette série en noir et blanc - l’empreinte d’Alain Licari - rend compte de la migration des populations sud et centre américaines qui fuient la mort, et dont la seule motivation est de passer la frontière, dans l’espoir d’une vie meilleure au pays de l’oncle Sam. C’était sans compter l’élection de Trump, le durcissement des contrôles aux frontières, et ce si controversé mur qui secoue l’Amérique. On lit dans le travail d’Alain, toute l’humanité de ces migrants et toute l’inhumanité à laquelle ils doivent faire face.

 

Si Alain Licari photographie la limite physique, la frontière, les grilles, le mur, il photographie aussi la limite sociale. C’est dans le Kentucky qu’il a pu explorer un des nombreux « trailer parks » des USA. Il le précise « aux États-Unis, plus de 20 millions de personnes vivent dans un mobile home et dans une situation de précarité ». À Louisville, Jim et Carol lui ont ouvert la porte de leur modeste habitat. Entre démarche artistique et observation participante, il a pu les photographier chez eux et ainsi rendre compte de cette limite que des millions d’américains subissent. Ils ne sont tout à fait sans domicile mais loin de mener une vie sereine. Alain Licari ne peut s’empêcher de se poser la question « est-ce qu’ils font parti des plus pauvres à avoir voté pour Trump? ». Sa série « I Live In A Trailer Park » dépeint le quotidien de cette classe pauvre et désœuvrée, mais qui a pourtant travaillé toute sa vie. Et c’est en toute humilité et avec beaucoup de respect qu’il le dit « ils m’ont laissé rentrer chez eux ».

 

En continuant sa route vers l’Ouest, il a encore rencontré - ou du moins est allé chercher - la limite qu’il a admirablement retranscrit dans sa série « Blowing in the wind ». C’est à Slab City, ancien camp militaire de Californie, qu’il a rencontré Dia, ses deux enfants et leur chien. Là encore, Alain Licari a photographié cette limite qui force des familles à vivre dans leur voiture. Et pour pousser son travail artistique jusqu’au bout, il a pris place dans leur van pour les photographier dans leur périple. La série est tant époustouflante que troublante.

 

Le travail d’Alain va au-delà des séries photographiques qu’il développe puisqu’il veut un « après la photo ». Il ne cherche ni la pauvreté, ni la misère, il souhaite, au-delà du rapport esthétique de son travail, faire entendre ce que les gens qu’il photographie lui confient.

Ces personnes, souvent en détresse lui font confiance en lui donnant leur image et des morceaux de leur histoire. Et c’est bien ce qu’Alain Licari souhaite faire entendre, sans sensationnalisme mais avec pudeur et humanité. Il veut rendre compte de cette limite, et il le fait admirablement bien.

 

 

Prochaine exposition d’Alain Licari :

https://www.sohophoto.com/2018/12/24/february-2019-exhibition/

Du 6 février au 2 mars 2019 à SoHo Photo Gallery

Vernissage le 5 février de 6h à 8h

 

Pour découvrir le travail d’Alain Licari

https://www.alainlicari-photographe.com

Rachel Brunet
Publié le 31 janvier 2019, mis à jour le 1 février 2019
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