Face aux défis climatiques, aux besoins croissants en électricité et à la révolution numérique, le secteur énergétique québécois est en pleine mutation. Lors du Forum de l'AIEQ, experts et décideurs ont débattu des solutions qui façonneront l’avenir : intelligence artificielle, gestion des données, automatisation et cybersécurité. Quels sont les enjeux majeurs et les innovations qui transformeront l'industrie électrique ? Retour sur deux jours de discussions intenses."
Un rendez-vous incontournable pour l’industrie électrique québécoise
Depuis plusieurs années, le Forum de l’Association de l’Industrie Électrique du Québec (AIEQ) s’est imposé comme un événement phare pour les acteurs du secteur. Cette quatrième édition, qui s’est tenue à Montréal, a rassemblé donneurs d’ordres, experts et innovateurs pour débattre de la transformation numérique des systèmes énergétiques.
Avec un accent mis sur l’intelligence artificielle, l’exploitation des données et l’automatisation, le Forum a mis en lumière les nouvelles technologies qui redéfinissent les modèles énergétiques, notamment dans la distribution d’électricité, l’efficacité énergétique et la gestion des infrastructures.
La numérisation, moteur d’une transition énergétique réussie
L’exploitation intelligente des données est un enjeu crucial pour la transition énergétique. "Nous évoluons dans un environnement où la simple collecte de données ne suffit plus, il s’agit désormais de créer de l’intelligence et de la valeur à partir de ces données", a souligné Marie Lapointe, PDG de l’association en ouverture du Forum.
Le défi est de taille : les infrastructures électriques doivent s'adapter à une demande fluctuante et intégrer une production décentralisée, notamment avec les énergies renouvelables et l’essor des réseaux intelligents. Hydro-Québec a illustré cette dynamique en présentant ses modèles prédictifs basés sur l'intelligence artificielle, permettant d’optimiser la production hydroélectrique et d’ajuster en temps réel les niveaux d’eau selon les prévisions climatiques et les besoins de consommation.
L’intelligence artificielle offre aussi des solutions pour anticiper les défaillances du réseau. "Numériser 650 000 transformateurs n’est pas une mince affaire, mais grâce aux nouvelles technologies, nous pouvons désormais cartographier nos infrastructures avec une précision inédite et anticiper les interventions de maintenance avant qu’une panne ne survienne", a expliqué Mathieu Johnson, vice-président principal d’Hydro-Québec.
Un manque criant d’effectifs dans l’industrie électrique
L’un des défis majeurs soulevés lors du Forum concerne la pénurie de main-d’œuvre, qui touche l’ensemble du secteur énergétique. "Nous faisons face à une véritable crise des effectifs : il nous manque entre 35 000 et 55 000 travailleurs qualifiés pour mener à bien les projets d’infrastructure énergétique", a alerté Mathieu Johnson. Ces chiffres seront répétés à plusieurs reprises par divers intervenants durant ces deux journées.
"Il nous manque entre 35 000 et 55 000 travailleurs qualifiés pour mener à bien nos projets d’infrastructure énergétique. Sans ces effectifs, nous ne pourrons pas répondre aux défis de la transition énergétique." - Mathieu Johnson HydroQuébec
Ce déficit se fait particulièrement ressentir dans les métiers de l’ingénierie, de la maintenance et des technologies numériques. "Sans un renforcement massif des formations et un attrait accru pour ces professions, nous risquons de freiner l’ensemble de la transition énergétique", a-t-il ajouté. Ce constat rejoint les préoccupations des gestionnaires du réseau électrique, qui doivent concilier modernisation des infrastructures et raréfaction des talents disponibles.
Automatisation et cybersécurité : une industrie en mutation
L’automatisation joue un rôle central dans la modernisation du secteur électrique. "Les avancées dans l’automatisation du transport et de la distribution d’électricité permettent de renforcer la fiabilité des réseaux et d’améliorer leur résilience face aux événements climatiques extrêmes", a indiqué l’un des intervenants en après-midi.
Dans le domaine de la cybersécurité, l’expansion des systèmes numériques multiplie les risques d'attaques informatiques. "L’augmentation des surfaces d’attaque est inévitable avec l’adoption massive du numérique, c’est pourquoi nous devons développer des stratégies robustes pour protéger les infrastructures critiques", a mis en garde un autre expert en sécurité informatique.
Alain Sayegh, Président du conseil de l’AIEQ ouvrait le seconde journée
Défis internationaux et comparaisons transatlantiques
L’échange d’expériences entre les différents continents a été un moment fort du Forum. "Les crises géopolitiques récentes ont accéléré la transition énergétique en Europe, mais elles ont aussi mis en évidence la fragilité des approvisionnements", a expliqué Andrei Covatariu, expert Indépendant, Co-président du groupe de travail sur la numérisation de l'énergie et vice-président du Groupe d'experts sur l'efficacité énergétique de la Commission économique des Nations Unies pour Europe (CEE-ONU ).
Alors que l’Europe s’appuie sur des politiques agressives de réduction des énergies fossiles et d’électrification massive, l’Amérique du Nord fait face à des défis liés à ses infrastructures vieillissantes et au coût de l’énergie. "En 2023, l’AIE estimait que l’électricité en Europe était deux fois plus chère qu’en Amérique du Nord, ce qui pose un véritable défi de compétitivité", a rappelé Covatariu.
L’autre grand défi est celui de l’électrification des usages. "Le transport électrique et la modernisation des infrastructures de recharge sont essentiels pour accélérer la transition", a-t-il expliqué.
Organisation et qualité des échanges
L’organisation de ces deux journées a permis des échanges constructifs sur les défis et opportunités du secteur énergétique. La qualité des interventions et la diversité des expertises présentes ont largement contribué au succès de cette édition. Une mention spéciale à Marie Lapointe, PDG de l’AIEQ, et Alain Sayegh, Président du conseil, pour leur rôle dans la mise en place de cet événement, ainsi qu’à l’équipe organisatrice pour la fluidité et la rigueur du déroulement des discussions.
Un futur numérique et collaboratif
Ce 4ème Forum de l’AIEQ a confirmé que l’avenir de l’industrie électrique repose sur une transformation numérique ambitieuse et une collaboration accrue. Intelligence artificielle, cybersécurité, exploitation des données et automatisation : les solutions existent, mais leur mise en œuvre nécessitera un apport massif de main d'œuvre, des investissements importants et une adaptation rapide aux nouvelles réalités énergétiques.
La question demeure : le secteur énergétique réussira-t-il à répondre à ces défis à temps pour atteindre les objectifs de neutralité carbone fixés pour 2050 ? Une chose est certaine, les discussions entamées lors de ce Forum devront se poursuivre activement.
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