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LYCÉE FRANCO-MEXICAIN – Claude Le Brun : "Le statut de professeur résident disparaît"

Écrit par Lepetitjournal Mexico
Publié le 16 décembre 2013, mis à jour le 18 décembre 2013

 

Les négociations sont en cours entre le lycée franco-mexicain et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger dans le cadre d'une nouvelle convention. Le changement principal concernerait le statut de professeur résident qui disparaîtrait. Claude Le Brun, président du conseil d'administration de l'établissement, répond aux questions du Petit Journal. 

Claude Le Brun souhaite une nouvelle convention sans professeurs résidents. (Photo © Romain Thieriot 16/12/2013)

Lepetitjournal.com/mexico : Vous étiez récemment à Paris. Qui avez-vous vu et que vous a-t-on dit ?

Claude Le Brun : J'ai vu la directrice pour les Amériques auprès du ministère des Affaires étrangères, Mme Maryse Bossière. Elle m'a demandé de reconsidérer ma position car le lycée est la clé de voûte des relations franco-mexicaines et un déconventionnement serait une cassure très dommageable pour ces relations.

J'ai aussi rencontré la directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, AEFE (Mme Hélène Farnaud-Defromont, Ndlr). Nous avons trouvé l'unique solution qui semblerait nous permettre de contourner toutes les difficultés de fonctionnement que nous avons. L'idée est donc de reconventionner l'établissement sous d'autres conditions. On signerait cette nouvelle convention au plus tard fin janvier 2014. Et elle entrerait en vigueur en septembre 2014.

Il s'agirait bien d'une nouvelle convention et non d'un simple partenariat ?

Oui, ce serait une convention. C'est le souhait du ministère des Affaires étrangères. Je vais faire tout mon possible pour que ce nouveau conventionnement fonctionne, mais si cela capotait, on reviendrait au plan A, c'est-à-dire l'homologation.

Quels sont les points sur lesquels vous négociez ?

Ce que je peux vous dire, c'est que l'excellence du lycée sera maintenue. Le personnel local est compétent, les élèves sont d'un très bon niveau et leurs parents se soucient de leur éducation. L'homologation reste, les prestations pour les parents, comme les bourses, ne changent pas. Cette année, il y a 308 boursiers sur 1.100 élèves français. Il n'y aura pas d'augmentation des droits de scolarité, ni du nombre d'élèves par classe. Le lycée reste un centre d'examen et le centre de formation de notre zone.

Il n'y aurait aucun changement concernant les contrats locaux ainsi que les 7 directeurs et 4 conseillers pédagogiques expatriés. Le changement, c'est la disparition du statut des professeurs résidents. Ils deviennent des professeurs locaux et c'est nous qui les embaucherons directement.

La proviseure, Mme Christine Fuhrel, cristallise de nombreuses critiques des professeurs. Sera-t-elle là à la rentrée de septembre 2014 ?

C'est une des conditions que j'ai mises. Pour moi c'est fondamental. Il y a deux personnes qui peuvent mener à bien cette transition, c'est Mme Fuhrel et votre serviteur. Nous sommes les seuls qui connaissons le dossier à fond.

Les professeurs du lycée franco-mexicain de nouveau en grève

Opposés au déconventionnement et à un statut en contrat local, des professeurs du lycée franco-mexicain de la capitale seront à nouveau en grève à partir de ce mardi 17 décembre. Ils avaient repris le travail le jeudi 12 décembre après six jours de grève dans une "volonté d'ouverture au dialogue" et avaient "sollicité un calendrier de réunions pour être informés et participer (?) dans les négociations entre le conseil d'administration de l'établissement et l'AEFE". Mais "n'obtenant pas de réponse de la part du conseil d'administration et une réponse négative de la part du conseiller culturel", ils indiquent dans un communiqué n'avoir "d'autre option que de reprendre la grève". Les professeurs se disent ouverts au dialogue et espèrent "être écoutés et pris en compte".

Par ailleurs, une grève des enseignants des établissements de tout le réseau de l'AEFE dans le monde est prévue pour le 9 janvier 2014.

En quoi consisterait ce contrat local proposé aux professeurs résidents ? 

Ce sera un contrat local de deux ans. Les professeurs conserveront leur salaire actuel avec la prime ISVL (Indemnité spécifique de vie locale). La seule pénalité, c'est qu'ils auraient à payer leurs impôts ici, c'est-à-dire entre 20 à 30% du salaire. En termes d'avancement et de cotisation vieillesse, c'est en train d'être négocié. Il faut qu'ils soient détachés pour qu'ils gardent leurs points. Et ils peuvent être réintégrés ou mutés quand ils le souhaitent.

Actuellement vous payez 53% du salaire des professeurs résidents et l'AEFE 47%. Vous allez donc prendre en charge la totalité ?

Oui. Cela va coûter plus d'argent. D'un autre côté, le partenariat aurait coûté aussi plus cher parce que j'aurais dû payer les expatriés.

Où allez-vous trouver ces 47% ?

Depuis 15 ans nous investissons de façon assez lourde dans l'immobilier, en moyenne de 12 à 13 millions de pesos par an. L'an dernier par exemple, nous avons complètement reconstruit le secondaire de Coyoacán et on a fait une nouvelle maternelle. Nous avons aussi refait tous les laboratoires. Aujourd'hui, nous n'avons plus de besoins importants, donc pendant deux ou trois ans cet argent nous allons l'utiliser pour les ressources humaines.

Je n'aurai pas non plus à payer l'assistance technique à l'AEFE, qui correspond aux 53% des salaires des résidents que nous leur versons. Nous aurons cet argent à notre disposition.

Cela ne fait que 12 millions de pesos, ce ne sera pas suffisant.

Je vous garantis qu'il n'y aura pas 85 résidents qui voudront rester. Il y en a déjà 15 qui nous ont dit qu'ils partaient. Nous remplacerons ceux qui veulent partir par des titulaires de l'Education nationale qui viendront en contrat local et qui seront nettement moins coûteux. Petit à petit, les ex-résidents disparaîtront.

La grève de ces derniers jours a été très suivie par les enseignants résidents, notamment parce qu'ils sont contre ce contrat local. Donc vous prenez le risque qu'ils partent presque tous.

Je ne pense pas. Le jour où a eu lieu le conseil d'administration de l'AEFE, j'avais déjà reçu huit demandes de résidents qui voulaient rester. Il y en a 52 qui sont mariés à des Mexicains ou Mexicaines. Ils ont fait leur vie dans ce pays. Une très grande majorité d'entre eux va rester ici. Les salaires que nous leur proposons, ils ne les trouveront nulle part ailleurs au Mexique. Mais sinon nous n'aurions aucun problème pour trouver des titulaires. De plus, il y a des disciplines où nous n'en avons pas vraiment besoin comme en espagnol et en anglais. On en trouve localement moins cher.

Claude Le Brun, dans son bureau, 16/12/13

"Je veux être en règle avec la législation mexicaine." Claude Le Brun. (Photo © Romain Thieriot 16/12/2013)

Quel est le pourcentage de titulaires que vous voulez garder ?

Aujourd'hui nous sommes à 33%, donc loin des 50% de M. Olivier Boasson (sous-directeur de l'AEFE), et à mon avis, 25% de titulaires, ce serait nettement suffisant. Les premiers à vouloir venir ici sont ceux qui travaillent en France, car ils ont des salaires très bas et sont dans des établissements difficiles.

Quel serait le salaire d'un titulaire non résident que vous recruteriez en contrat local ?

Quand on a pris l'école Molière de Cuernavaca, elle était homologuée et il n'y avait pas de titulaires. Aujourd'hui on en a 5 et je les paie en moyenne 40.000 pesos. A Mexico, vu le coût de la vie qui est un peu supérieur, il faudra que ce soit un peu plus. 

Pourquoi négocier le passage du statut de résident en contrat local si cela va vous coûter plus cher ?

Je veux être en règle avec la législation mexicaine. Le fond du problème, c'est que les professeurs résidents ne paient pas leurs impôts ici et ce n'est pas légal. L'accord fiscal (entre la France et le Mexique) précise que toute personne qui réside plus de 183 jours au Mexique a l'obligation de présenter une déclaration d'impôts, peu importe d'où viennent ses revenus, sauf agents diplomatiques, consulaires, employés d'ambassades, légations, etc. Les enseignants ne rentrent pas dans ces exceptions.

Ce problème fiscal est plutôt du ressort des gouvernements français et mexicain.

Certes, mais en tant que président du conseil d'administration, je peux être pénalement responsable. Vous connaissez l'adage mexicain : c'est toujours le maillon faible qui saute. Le bouc-émissaire ne sera pas au niveau du gouvernement.

Pour justifier votre décision de déconventionnement, vous évoquiez également un problème avec 19 professeurs grévistes.

Nous recherchons le bon fonctionnement du lycée sans des arrêts intempestifs de grévistes. Il est clair que sur les 85 résidents, il y en a une vingtaine que je ne vais pas garder même s'ils voulaient rester. Prendre en otage les élèves est inadmissible. C'est ce dont souffre la France. Vous avez vu ce qu'il s'est passé avec les professeurs des classes prépa en France ?

Ce n'est pas le même problème que celui du LFM...

Non, mais ces grèves au Mexique, c'est tout à fait illégal. Le droit de grève existe dans la loi mexicaine mais il faut suivre toute une série de procédures, ce qui n'est pas le cas actuellement. Là ce qu'ils font c'est un paro et c'est illégal ! Dans la convention actuelle, j'ai accepté de respecter les droits sociaux des professeurs mais j'ai fait rajouter "dans le respect de la législation locale". Ils sont au Mexique !

Claude Le Brun lisant ses dossiers
Claude Le Brun : "Nous n'avons aucune obligation de publier nos comptes."
 (Photo © Romain Thieriot 16/12/2013)

A combien s'élèvent les recettes du lycée ?

Pour cette année à 275 millions de pesos. Les frais de scolarité représentent 85%, les inscriptions et droits d'admission 15%. Il y a aussi des dons de l'ordre de 2 millions de pesos, ainsi que la vente ou location de livres et la vente de matériel scolaire qui est de 5,8 millions de pesos. Mais cette dernière recette correspond exactement au coût pour importer ces livres, c'est un service rendu aux familles. Cette année, on a également reçu une subvention de l'AEFE de 183 000 pesos. Quand on dit qu'on coûte à l'AEFE 6 millions d'euros, c'est seulement pour les salaires des professeurs, je ne le vois pas cet argent.

L'Etat français a investi dans le lycée ?

Il y a eu des investissements comme les 200.000 euros pour la nouvelle école maternelle de Coyoacán qui au total a coûté environ 1,8 million d'euros. Selon la loi mexicaine, le bénéfice de toute modification faite sur un terrain en revient au propriétaire. L'Etat français n'a pas le droit de me le réclamer. 

Sur le site du lycée, vous annoncez 20% de dépenses en assistance technique au gouvernement français. Pouvez-vous être plus précis ?

Ce sont les remontées à l'AEFE. Il y a d'un côté la participation, ou assistance technique, ce que l'AEFE utilise pour payer ses résidents, soit 14%, environ 37 millions de pesos cette année, et la contribution au fonctionnement de l'AEFE, soit 6%, environ 15 millions de pesos cette année. Je continuerai d'ailleurs à payer cette contribution dans la nouvelle convention.

Vous indiquez également que les dépenses salariales s'élèvent à 50%.

50% de dépenses salariales plus les 14% envoyés à l'AEFE, soit 64% de dépenses salariales au total. Avec les prestations cela peut changer un peu, mais pour les salaires de l'administration et de l'intendance, cela représente environ 15%, et pour le personnel devant les élèves 85%.

Ces comptes sont publics ?

Nous ne sommes pas une association publique. Nous n'avons aucune obligation de publier nos comptes, qui sont contrôlés par le cabinet Deloitte Touche. Tous les ans au mois de janvier, je convoque l'Association des parents d'élèves (APE) de Polanco et de Coyoacán pour leur expliquer les résultats financiers de l'année écoulée. Et je vais le faire cette année aussi.

Lire la deuxième partie de cet entretien publiée le mercredi 18 décembre 2013.

Propos recueillis par Tristan Delamotte et Jean-Marie Legaud (Lepetitjournal.com/mexico) Mardi 17 décembre 2013

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Publié le 16 décembre 2013, mis à jour le 18 décembre 2013

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