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MALINCHE – La damnée de l'Indépendance mexicaine

Écrit par Lepetitjournal Mexico
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 14 novembre 2012

Malintzin est la grande perdante de l'Indépendance du Mexique. Avec la nouvelle nation, l'Indienne devient la Malinche, la traîtresse responsable de la défaite des peuples amérindiens face à l'envahisseur espagnol. De son nom dérive "el malinchismo". Mais, qui était-elle vraiment? Ne devrait-elle pas plutôt habiter le panthéon des icônes mexicaines aux côtés de Sor Juana et de Frida Kahlo? Pour répondre à nos questions, Mayra Gabriela Alvárez, étudiante en maestria à la UNAM et spécialiste des peuples mésoaméricains

Malintzin, Cortès et Xicotencatl à Tlaxcala. Diego Muñoz Camargo, Relation Géographique de Tlaxcala, fin du XVIe siècle

Lepetitjournal.com: Comment Malintzin (la Malinche) est-elle considérée aujourd'hui?
Mayra Gabriela Alvarez :
D'une manière générale et en dehors de quelques cercles de spécialistes, la Malinche est entourée de nombreux préjugés. Son image est négative. Elle symbolise les métissages. Elle est associée à l'image de la femme qui tombe amoureuse de l'envahisseur, qui agit en son bénéfice et qui est donc responsable de la défaite des peuples mésoaméricains. Elle est donc perçue comme une traîtresse.

Pourquoi Malintzin est-elle devenue la Malinche?
Au XIXe siècle, dans un contexte de construction de la nation, le nationalisme a donné une explication simple de la Conquête. Il était plus facile de dire qu'à l'arrivée des conquérants, le Mexique formait une nation avec une grande cohésion politique, sociale et culturelle que d'expliquer qu'il y avait en Mésoamérique, au contraire, de nombreux groupes politiques et culturels qui entretenaient des relations complexes et souvent belliqueuses.
L'image de la Malinche et le malinchismo ont aussi à voir avec les codes d'une société patriarcale. Il était en effet plus facile de rendre responsable une femme (à l'image d'Ève) de cette tragédie humaine que de réfléchir profondément aux mécanismes de la Conquête et à la situation politique et géopolitique de l'époque. Il ne faut pas oublier que Malintzin avait été faite esclave par les Mexicas et qu'elle n'avait donc aucune raison d'être loyale envers eux.

(Photo: istockphoto/cha2401)

Qu'est-ce que le malinchismo?
C'est être serviable avec les étrangers, simplement pour être des étrangers. C'est admirer leurs coutumes et leur style de vie plus que le nôtre, se plier à leur bon vouloir. Mais en réalité, il faudrait chercher un autre adjectif car Malintzin est loin de représenter le prototype du personnage charmé par l'étranger. Sa position était beaucoup plus complexe.

Qui était Malintzin?
On ne sait pas grand chose sur elle. Elle n'apparaît dans pratiquement aucune source hormis les informations dispensées par Bernal Díaz del Castillo et Hernán Cortès dans leurs récits mais qui demeurent très limités. Ce vide est à la fois triste et fascinant.
À l'arrivée des conquérants, elle était une jeune esclave de 18 ans. Elle fut offerte à Cortès (avec 19 autres esclaves) par un cacique du Tabasco. Hernán Cortés se rendit rapidement compte de ses connaissances linguistiques (en náhuatl, en maya puis en castillan*), de ses savoirs politiques, diplomatiques, géopolitiques et de son intelligence incroyable. Dans les codex, elle apparaît comme un personnage central. Elle est toujours représentée dans le rôle d'interprète et plus largement comme médiatrice entre différents peuples. Elle a eu deux enfants, Martín Cortès (avec Hernán Cortés) et Maria Jaramillo (avec un autre hidalgo), sur lesquels on ne sait pas grand chose non plus pendant la colonie.

Comment récupérer Malintzin?
Comme un héritage culturel incroyable pour les Mexicaines. Elle était une femme très intelligente. Très jeune, elle rompt avec les paradigmes d'une société patriarcale qui donne le pouvoir politique et religieux aux hommes. Son héritage féminin est très riche, fort et emblématique.

* Triangle linguistique: Malintzin dialogue en náhuatl avec les divers émissaires des Hauts Plateaux mexicains, puis elle traduit en maya à Géronimo de Aguilar qui le traduit à son tour en espagnol à Hernán Cortès. Très vite, Malintzin apprend l'espagnol et devient l'interprête exclusive du capitaine.

Marion DU BRON (www.lepetitjournal.com/mexico) mardi 11 septembre 2012

Article sponsorisé par México Today

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Publié le 11 septembre 2012, mis à jour le 14 novembre 2012
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