Édition internationale

LES TROTTOIRS DE MEXICO – L'art de l'équilibre

Écrit par Lepetitjournal Mexico
Publié le 23 février 2024

Salut à toi piéton! Si j'ai un conseil à te donner, c'est bien de ne pas bayer aux corneilles quand tu arpentes à grand pas les trottoirs technotitlanesques. Tu as vu comme ils gondolent, il y en a pour tous les goûts. Bon, évidemment, si tu n'as pas encore franchi à ce jour les frontières de Polanco ou de Santa Fé, tu auras du mal à comprendre de quoi je t'entretiens en ces quelques lignes. Je vais quand même essayer de t'en faire un portrait rédigé le plus fidèle possible

Toi qui déambule régulièrement en ville, tu as donc remarqué que les occasions étaient nombreuses pour s'étaler lamentablement. Ton serviteur s'en tient pour l'instant au trébuchage simple, encore que quelques fois agrémenté d'une jolie figure de rattrapage qui ferait pâlir de jalousie un champion de patinage artistique: triple salchow, double boucle piqué, quadruple axel, et je t'en passe... C'est d'ailleurs à cette occasion que je me découvre un sens développé de l'équilibre pirouettal. Je te confie tout ça en baissant modestement les yeux évidemment, et de toute façon ça reste entre nous, pas vrai?

Bref, revenons-en au sujet qui nous préoccupe: tu as vu comme elles sont bosselées, cabossées, déformées, accidentées, brisées, dégradées, détériorées, défoncées, enfoncées, embouties,  éventrées, labourées, affaissées, ces banquettes sur lesquelles on vient user nos fonds de semelles? Diantre ! Mais comment en est-on arrivé là? Plusieurs hypothèses:

1- les arbres qui ont gentiment déployé leurs racines et consciencieusement soulevés les plaques de ciment, la bonne tenue des chaussées circulatoires ne leur important que peu.
2- les caprices d'un sous-sol encore meuble qui, allié aux divers tremblements de terre émaillant encore l'histoire de la capitale, continuent toujours de jouer avec les rubans de bitume.
3- l'homme enfin, tout aussi grand constructeur que destructeur devant l'éternel. Il se complaît à emménager son bout de trottoir comme bon lui semble. Et vas-y que je le creuse pour pouvoir accéder à mon garage, que je le bétonne tant et plus pour monter une rampe de parking ou que j'y entasse soigneusement mes gravats. Sois gentil l'homme, pense à tes congénères qui ne sont que bipèdes et soumis à la loi de la gravité. Bien entendu, je ne pensais pas à toi ici cher lecteur, ô toi qui cultive le bon goût jusqu'à lire cette modeste bafouille. Tu serais bien incapable de te rendre coupable de telles atrocités paysagères.

Pour en terminer, je n'aurai qu'un mot : j'ai noté que le gastronome mexicain se faisait fort d'aplanir avec force ses filets de poulet, ses côtelettes de porc et ses steaks en tous genres, qu'ils en fassent de même avec ses trottoirs ! Encore que ces agaçants rubans dandinolants participent finalement au charme de la ville, et au maintien de nos articulations...

Philippe Olçomendy (www.lepetitjournal.com/mexico) jeudi 25 juillet 2013 (reedition)

lepetitjournal.com Mexico
Publié le 18 septembre 2013, mis à jour le 23 février 2024

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