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LES JOURS HEUREUX - Episode 11 : Pâques

Écrit par Lepetitjournal Mexico
Publié le 30 décembre 2015, mis à jour le 16 septembre 2015

Le Petit Journal de Mexico vous propose un nouvel épisode de la série Les jours heureux, feuilleton en français et en espagnol. Gwenn-Aëlle Folange Téry, écrivain et peintre, y raconte l'histoire d'une jeune fille bretonne qui part à la découverte du Mexique, et de son indépendance. Aujourd'hui épisode 11 : Pâques

Episode 1 : Le départ / Episode 2 : Le voyage / Episode 3 : La traversée / Episode 4 : Les repas / Episode 5 : Acapulco / Episode 6 : Les mardis / Episode 7 : L'indifférence / Episode 8 : Yucatán / Episode 9 : Noël / Episode 10 : Les copains 

Le petit voyage annoncé s'est transformé en routes à avaler, voitures à charger, à décharger, puis à recharger, pauses-pipi et refrains chantés à tue-tête. Cuernavaca a dû attendre dans sa vallée que les jeunes vacanciers aient visité un rancho dans la montagne.

Heureusement, elle ne vit plus à travers westerns et compagnie. Elle sait que les ranchos de ses riches amis mexicains ne ressemblent en rien aux ranchs américains où le soleil brûle cow-boys et chevaux. La maison où ils sont est d'un luxe extrême, il y a même une écurie privée et des chiens à pedigree. S'il y a des chevaux, ils ne sont là que pour le plaisir des señoritos et des señoritas et les chiens ne sont dressés que pour donner la patte. Par contre, Semana Santa oblige, tous les domestiques ont quatre jours de congé : l'endroit est désert, personne ne travaille.

Joy, la copine anglaise

Elle n'est pas la seule étrangère cette fois-ci : son Barcelonnette attitré l'accompagne et il y a là la femme d'un des chanteurs, celui qui veut être diplomate. C'est une Anglaise aux cheveux cuivrés dont les boucles folles s'agitent à chaque mouvement de la tête et dont le rire clair résonne du matin au soir, parfois même la nuit. Joy, ils l'appellent Joy, car elle n'est que joie. Elle est venue de Londres un jour, échappant à la misère, a connu un beau Mexicain, s'est mariée et a pour le moment deux enfants, deux filles, et un chien tout maigre.

Elle remplace un peu Françoise, qui n'a pas pu se libérer pour la semaine. Elle travaille maintenant à l'hôpital français et a écopé du tour de garde dont personne ne voulait. Elle trouve ça normal, après tout elle est la seule infirmière débutante de l'établissement à parler français. Du coup, elle se retrouve souvent obligée d'assurer la conversation avec certaines personnes âgées ou tout juste arrivées de France. Pour elle, la fameuse Semana Santa n'est pas du tout une trêve, elle trime, elle trime.

Il y a donc dans la maison des chanteurs, un Barcelonnette, un futur journaliste, un futur diplomate, un futur secrétaire d'Etat, deux jeunes femmes, deux petites filles et un chien qui empêche tout le monde de dormir la nuit, c'est à croire qu'il se prend pour un hibou. Il fait froid et les deux copines n'ont qu'une envie : repartir. Leurs chers camarades, qui semblent pourtant si libéraux dans leurs mots et dans leurs chants, ne lèvent pas un doigt pour le ménage et elles se retrouvent trop souvent à faire la cuisine, de la soupe aux choux en l'occurrence car elles sont aussi douées l'une que l'autre pour tenir un fourneau. Elles n'ont de toutes manières aucune envie de faire un effort pour tous ces hommes qui, disent-elles, ne sont jamais contents.

Puis, le samedi, après avoir remis valises, enfants et chien dans les voitures, le départ tant attendu pour Cuernavaca arrive enfin.

En route pour Cuernavaca 

En chemin, le journaliste en herbe, surnommé güero lui aussi à cause de ses cheveux dorés, se moque d'elle, rit aux éclats et manque de rater le virage le plus important de la route, celui qui surplombe toute la vallée. Elle vient de lui demander s'ils vont voir beaucoup de vaches à Cuernavaca. Sa première leçon de nahuatl commence donc, entre terre et ciel, sur une descente ornée de bougainvillées et de cactus. Elle sait qu'elle se souviendra toute sa vie de cet "endroit entouré d'arbres" qu'est Cuernavaca en nahuatl. Ce n'est pas le seul mot déformé par les Espagnols à leur arrivée au Mexique, mais il lui laisse pour toujours des arbres à cornes entourés de rires et de doctes explications dans le cœur.

Une fois installés, voitures déchargées, encore, valises vidées, enfants baignés et couchés, chien étalé sur son coussin, la soirée se meurt : ils sont tous malades à tour de rôle et même si certains accusent la soupe aux choux de la veille et de l'avant-veille, les deux cuisinières refusent tout net leur aide aux "vomisseurs" masculins. Seules dans le salon, elles parlent : de leur enfance, Tunis, Londres, de Mexico, de Cuernavaca ou des enfants. Elles ne parlent correctement espagnol ni l'une ni l'autre et entre l'anglais de l'école, "My taylor qui est riche" n'est-ce pas, l'accent cockney de Joy et les deux mots de nahuatl qu'elles connaissent depuis le matin, les fous rires se multiplient.

Les oeufs de Pâques

Et c'est dimanche, enfin dimanche, pas n'importe lequel, c'est Pâques. Elle n'est pas spécialement religieuse mais elle a prévu de régaler les deux petites filles qui gravitent autour d'elle ces derniers jours. Le matin, tôt, elle a caché dans le jardin quelques chocolats et des œufs durs qu'elle a peints la nuit, en cachette. Le chien est de nouveau éloigné, elle ne veut pas qu'il aille pisser dans l'herbe ce matin. Elle appelle les enfants, bat des mains et rit, toute seule.

Peu à peu, ses amis émergent, certains le teint encore barbouillé, en robe de chambre, pieds nus ou en chaussons et la contemplent. Les chanteurs et le Barcelonnette descendent de familles extrêmement dévotes et n'auraient jamais songé à fêter Pâques en sautant dans un jardin. Et Joy a eu une enfance si pauvre que jamais, jamais, elle n'aurait l'idée de peindre des œufs pour les cacher dans les arbres.

Mais elle… Toute son enfance elle a regardé ses frère et sœurs partir à la chasse au chocolat le Dimanche de Pâques. Toute son enfance elle a entendu des Oh! et des Ah! fuser dans les airs, pendant qu'elle attendait, derrière la fenêtre. Toute son enfance, elle a été punie à Pâques. Toute son enfance elle s'est entendu dire que les petites filles sales et laides n'ont pas le droit de fêter Pâques. Toute son enfance…

Alors aujourd'hui c'est Pâques et c'est elle qui ouvre la porte la première, elle qui sort en courant, pieds nus, un chandail sur les épaules, les cheveux en bataille et le rose aux joues. 

"C'est Pâques les filles, venez vite, c'est Pâques !!"

DÍAS DE SOL : Pascua 

El viajecito anunciado se transformó en carreteras recorridas, coches cargados, descargados, vueltos a cargar, paradas técnicas y canciones cantadas a todo pulmón. Cuernavaca se quedó esperando allá en su valle, a que los jóvenes vacacionistas visiten un rancho en la montaña.

Por suerte, ella ya no vive a través de películas del oeste y asociados. Sabe que los ranchos de sus ricos amigos mexicanos no se parecen en nada a los ranchos americanos en donde el sol quema a vaqueros y a caballos. La casa en la que están es de un lujo extremo, inclusive tiene caballerizas privadas y perros de pedigrí reconocido. Esos caballos sólo están para llevar a pasear a señoritos y a señoritas y los perros no hacen más que dar la pata. La única contrariedad es que es Semana Santa, cuatro días de descanso obligatorio y la servidumbre ha desaparecido: el lugar está desierto, nadie trabaja.

Esta vez no es la única extranjera: su barcelonnette personal la acompaña y está también con ellos la mujer de uno de los cantantes, del que quiere ser diplomático. Es una inglesa de cabello cobrizo cuyos risos locos se agitan en cada inclinación de cuello y cuya risa clara suena todo el día y a veces también de noche. Joy, le dicen Joy, porque no es más que alegría. Llegó de Londres un día, huyendo de la miseria, conoció a un mexicano guapo, se casó y tiene de momento dos hijas, dos chiquillas, y un perro flaco.

Le toca reemplazar un poco a Françoise, quien no pudo venir esta vez. Ella trabaja en el hospital francés ahora y le endilgaron los turnos que nadie quiso. Ella lo ve normal, después de todo es la única enfermera principiante del establecimiento que habla francés. Por lo mismo, le toca muy seguido ser a la que ponen a platicar con algunas personas de edad o con franceses recién llegados a México. Para ella la famosa Semana Santa no es una tregua en absoluto, trabaja, trabaja y trabaja.

Hay entonces en esa casa unos cuantos cantantes, un barcelonnette, un futuro periodista, un futuro diplomático, un futuro secretario de estado, dos mujeres jóvenes, dos niñas y un perro que no deja dormir a nadie, el animal ha de estar convencido de que es una lechuza. Hace frío y las dos amigas no tienen más que un objetivo: salir de allí. Sus queridos camaradas  tan liberales cuando hablan o cuando cantan, no mueven ni un dedo en la casa y les toca a ellas la cocina todos los días. Claro que no hacen más que sopa de col porque, por lo visto, no saben lo que es una estufa ni la una ni la otra. De todas maneras no se les antoja hacer ningún esfuerzo porque, dicen, a esos hombres no hay manera de darles gusto.

Hasta el sábado en qué por fin, después de haber metido maletas, niñas y perro a los coches, llega la salida tan esperada a Cuernavaca. 

Ya en camino, el periodista en ciernes, apodado güero también por su cabello dorado, se burla de ella, ríe a carcajadas y casi se sale de la carretera en la curva más importante, la que domina todo el valle. Ella le acaba de preguntar si van a ver muchas vacas en Cuernavaca. 

Su primera lección de náhuatl empieza entonces, entre tierra y cielo, en una pendiente adornada de bugambilias y nopales. Sabe que toda su vida recordará ese “lugar rodeado de árboles” como le dicen a Cuernavaca en náhuatl. No es la única palabra deformada por los españoles al llegar a México, pero le deja para siempre en el corazón árboles con cuernos, rodeados de risas y doctas explicaciones.

Una vez instalados, coches descargados, otra vez, niños bañados y acostados, perro tendido sobre su cojín, la velada agoniza: van cayendo enfermos todos, uno por uno y aunque algunos culpan a la sopa de col del día anterior y del día anterior a ése, las dos cocineras se rehúsan tajantemente a ayudar a los vomitadores masculinos. Solas en la sala, hablan: de su infancia, Túnez, Londres, de México, de Cuernavaca o de las niñas. No hablan bien español ni la una ni la otra y entre el inglés escolar, “My taylor es rico” ¿verdad?, de la güerita,  el acento cockney de Joy y las dos palabras de náhuatl que conocen desde esa misma mañana, las carcajadas se multiplican.

Y es domingo, por fin domingo, no cualquiera, el de Pascua. Ella no es muy religiosa pero piensa agasajar a las dos nenas que gravitan alrededor de ella desde unos días. Por la mañana, temprano, escondió en el jardín unos cuantos chocolates y huevos duros que pintó por la noche a escondidas. Al perro lo encerró, no quiere que se vaya a hacer pipí en el pasto hoy. Llama a las niñas, aplaude y se ríe, solita.

Poco a poco, sus amigos se van dejando ver, algunos todavía con cara de “me siento mal”, descalzos o con pantuflas y la contemplan. Los cantantes y el barcelonnette descienden de familias extremadamente devotas y nunca pensarían en festejar Pascua saltando por el jardín. Y Joy tuvo una infancia tan pobre que jamás de los jamases se le ocurriría pintar huevos para esconderlos en los árboles.

Pero ella… Toda su niñez miró a sus hermanas y a su hermano salir a cazar chocolate el Domingo de Pascua. Toda su niñez oyó ¡Oh!, ¡Ah! en el jardín, mientras ella esperaba, detrás de la ventaba. Toda su niñez, la castigaron en Pascua. Toda su niñez le dijeron que las niñas sucias y feas no tienen permiso de festejar Pascua. Toda su niñez…

Entonces hoy es Pascua y ella es la primera en abrir la puerta, ella es la que sale corriendo, descalza, un suéter sobre los hombros, el cabello alborotado y las mejillas rosas de emoción.

“¡¡Es Pascua nenas, vengan rápido, es Pascua!!”

Capítulo 1 : La partida - Capítulo 2 : El viaje -
Capitulo 3 - 
La travesía -Capitulo 4 - La comida -Capitulo 5 - Acapulco -Capitulo 6 - Los martes -Capitulo 7 - La indiferencia - Capitulo 8 - Yucatán -Capitulo 9 - Navidad -Capitulo 10 - Los cuates

Pour connaître l'auteur :
http://gwennaelle.wordpress.com/
http://guenahuiles.yolasite.com/ 

Gwenn-Aëlle Folange Téry pour (Lepetitjournal.com/mexico) Mercredi 30 décembre 2015

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Publié le 30 décembre 2015, mis à jour le 16 septembre 2015

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