Revenons à l’occasion de la 24e édition du Trophée Hassan II de « Tbourida », qui s’est déroulé à Rabat du 26 mai au 1er juin 2025 sous le Haut Patronage de SM le Roi Mohammed VI, sur cet art ancestral et sur l’importance que la race Arabe-Barbe revêt aux yeux des marocains.


La Tbourida est un art équestre ancestral inscrit au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, depuis décembre 2021. Cette discipline traditionnelle se transmet de génération en génération et se pratique dans toutes les régions du royaume. Le Maroc est seul dépositaire de cet art ancestral. Vous ne pouvez donc pas venir au Maroc sans vous intéresser à cette pratique équestre d’un temps ancien.
Au Royaume des cavaliers, qu’est-ce que la Tbourida ?
Spectaculaire, vibrante, envoûtante… La Tbourida n’est pas qu’une simple démonstration équestre : c’est un rite hérité du XVe siècle, un pan vivant de l’âme marocaine. Son nom, dérivé du mot Baroud « poudre à canon », annonce déjà la couleur : celle du feu, de la maîtrise, de l’émotion contenue. Appelée aussi le « jeu de la poudre », elle évoque une chorégraphie martiale entre l’homme, le cheval et le tonnerre du fusil.
Pratiquée principalement en milieu rural, la Tbourida rythme depuis des siècles les Moussems, ces rassemblements traditionnels et spirituels qui sont l’occasion de célébrations nationales et de réjouissances familiales. Elle ne se contente pas de divertir, elle incarne une mémoire collective, une fierté identitaire profondément enracinée dans la culture arabo-amazighe.
Ce qui frappe, dès les premières secondes d’une parade, c’est la mise en scène. Une charge militaire simulée avec une rigueur saisissante, comme surgie d’un autre temps. Les cavaliers, en ligne parfaite, font s’élancer leur monture dans une course brève et fulgurante, qui culmine dans un tir de fusil à blanc, tous à la même seconde. L’objectif ? Ne produire qu’une seule et unique détonation, comme un battement de cœur synchronisé.
Le tir final de la Tbourida s’entend à plus de 1 km. Un seul tir parfaitement exécuté peut faire vibrer un moussems. Même ceux qui ne le voient pas le ressentent.
Dans certaines régions, les tirs fusent vers le ciel, dans d'autres vers la terre, selon des variantes rituelles précises.
La Sorba, l’âme des cavaliers et de leurs montures

Chaque troupe, appelée Sorba, rassemble un nombre impair de cavaliers, généralement entre 15 et 25, menés par son chef, le Moqqaddem, installé au centre. Certaines Sorbas sont exclusivement masculines, d'autres, nées de pratiques plus récentes, sont composées de femmes.
Les cavaliers ne sont pas seulement des hommes d’armes. Ce sont des gardiens du patrimoine, parés de costumes d’époque : turban soigneusement noué, drapés fluides, babouches ouvragées, petit Coran à la ceinture et épée arabe ancienne à la main. Les chevaux, eux, sont les autres héros silencieux de cette cérémonie. Généralement de race Barbe et Arabe-Barbe, ces chevaux allient puissance et élégance, et arborent des harnachements cousus main, richement décorés selon des savoir-faire ancestraux.
L’artisanat de la Tbourida : un savoir-faire transmis
Autour de cette tradition, un artisanat d’exception s’est développé, considéré comme un art à part entière. La confection des selles, des broderies, des fusils décorés de cuivre, d’argent ou même d’or, se transmet de père en fils, de mère en fille. Certaines recettes, comme celle de la poudre utilisée lors des tirs, sont tenues secrètes.
Mais ce qui rend la Tbourida si particulière, c’est sans doute sa transmission vivante et organique. Elle ne s’apprend pas dans les livres. Elle se vit. De génération en génération, au sein des familles et des tribus, on apprend par le regard, l’écoute, la pratique silencieuse. Les gestes sont répétés dès l’enfance, les récits partagés dans l’amour de la tradition.
Assister à une parade de Tbourida, c’est plonger dans une fresque vivante, faite de poudre, de fer, de tissus chatoyants et de souffle retenu. C’est comprendre qu’au Maroc, le cheval est bien plus qu’un compagnon de route : il est le messager d’une mémoire, le témoin d’un art qui vibre encore, chaque fois que retentissent les détonations.
Comment se déroule une compétition de Tbourida ?
Sous la direction du Moqqadem, cavaliers et chevaux exécutent, ensemble, une parade composée de deux parties principales. La première est la Hadda, ou le salut de la troupe, qui entre en piste au trot et réalise un maniement d’armes acrobatique, puis se repositionne à son point de départ. La deuxième est la Talqa, où les troupes repartent au galop et effectuent un tir, à blanc, avant de se retirer, simulant un départ collectif à la guerre.
Il existe plus de 300 troupes de Tbourida affiliées à la Fédération Royale Marocaine de Sport Equestre (FRMSE) et 5.900 chevaux dédiés aux arts équestres traditionnels. Lors du Trophée Hassan II, 24 troupes Sorbas étaient en compétition dont 18 seniors, âgés de 17 ans et plus, et 6 juniors, âgés de 12 à 16 ans.
L'évaluation des équipes participantes se fait sur la base de critères précis. Les cavaliers doivent démontrer précision, harmonie et maîtrise. Les troupes sont jugées sur la tenue des cavaliers et des chevaux, l’alignement parfait, la qualité du départ, le maniement habile du fusil, l'exécution du tir et surtout, le plus impressionnant, la simultanéité des détonations.
La Tbourida conserve une forte dimension spirituelle, notamment du fait qu’elle met le cheval, animal sacré de l’Islam, au centre d’un spectacle haletant et impressionnant. C’est aussi une épreuve de force, pour montrer sa puissance entre tribus. Elle symbolise un départ à la guerre, dont parfois on ne revient pas. C’est pour cela qu’on prie avant de monter en selle.
Tbourida : quand l’Arabe-Barbe incarne la fierté d’un peuple
Le cheval-Barbe et l’Arabe-Barbe sont deux races ancestrales, issues de croisements entre chevaux arabes et barbes. Ils ont toujours été utilisés en temps de guerre et dans les défilés. Aujourd’hui encore, vous pouvez apercevoir le Roi, son Altesse Royale Mohamed VI, lors de différentes processions sur un cheval Arabe-Barbe.

Chaque marocain vous le dira, l’Arabe-Barbe est un cheval de cœur. Petit, mais courageux, il n’a peur de rien et vous donnera tout. Il ne vous laissera jamais tomber. Il ne pouvait y avoir une race plus prestigieuse pour être l’emblème de cet art. L’Arabe-Barbe est un cheval fier, qui aime montrer sa beauté. Aucune autre race chevaline ne pourrait le remplacer pour la Tbourida.
Mais outre la race, c’est la couleur de la robe qui est particulièrement recherchée. Avant, des chevaux de couleur gris foncé était souvent choisi. Aujourd’hui c’est le noir profond, qui symbolise élégance et puissance, avec des marques blanches sur les pieds, qui est mise en avant.
La Tbourida est un spectacle, une tradition précieuse à préserver. Elle fait partie intégrante de la culture marocaine. Cet art, unique au monde, dont les Marocains sont les fiers dépositaires fait vibrer une nation entière. La conservation de cet art équestre se fait dans le respect de la tradition. Sa modernisation éventuelle n’est pas d’actualité, car la beauté de cet art réside dans cette transmission de génération en génération, d’une pratique sportive et d’un artisanat traditionnel empreints de spiritualité.
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