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TRAMWAY D'ALEXANDRIE - Les aiguilles de la ville

Écrit par Lepetitjournal Le Caire
Publié le 6 novembre 2012, mis à jour le 15 novembre 2012

 

Vétuste, fragile, désuet, mais tenant bon : le tramway d'Alexandrie est à l'image de la ville. Sa lenteur déroute, l'impassibilité de ses passagers inquiète. Ballade pensive en texte et en images

Inauguré en 1860, quelques années avant que Londres n'ait son métro, le tramway d'Alexandrie est un des plus vieux du monde, le plus vieux d'Afrique certainement. Combien de lignes lézardent la ville ? Une quinzaine, une vingtaine peut-être ?
Il y a surtout deux circuits. Un longe la côte, de la station de Ramleh en centre-ville près de l'hôtel Cecil, jusqu'à la station El Nasr, et dispose d'une voie propre, séparée du trafic routier.

Les autres lignes ceignant la ville par le Sud partagent le chemin avec tous, cèdent le passage à tous. Les échoppes coincées entre les voies se dégagent tout juste au moment du passage d'une rame. Les transports en commun qui vont moins vite que la marche à pied, cela permet de se questionner sur le temps qui passe, sur les pesanteurs de la mauvaise humeur alexandrine.

La calme d'Alexandrie surprend, jusque dans la réserve des passagers du tramway. Quelques gosses jouent parfois à se suspendre aux barres transversales, d'autres resquillent en s'agrippant à la proue des wagons, vite rabroués par les passants. De jeunes audacieux s'y tiennent main dans la main.

On croit deviner derrière le masque des visages une sorte de réticence lasse face à l'encombrant passé alexandrin, la vieille gloire des bâtisses, le souvenir du discours de Nasser, place de la Bourse. Ce n'est pas par hasard que Nasser choisit l'insolente ville cosmopolite en 1956, lorsqu'il annonça hilare la nationalisation du canal de Suez.  La guerre et l'exode massif des élites économiques et culturelles d'Alexandrie qui suivirent changèrent le paysage social de la ville.  Beaucoup de ruraux déracinés, indifférents à la culture européenne de la ville, vinrent la peupler.

Ils remplissent aujourd'hui les vieilles motrices. Ces dernières continuent de donner un semblant d'air européen à la ville, mais plus nordique que méditerranéen : la plupart des machines ont été héritées des réseaux de Bruxelles, Copenhague et Budapest. Quelques modèles plus rares viennent du Japon. Leurs couleurs sont franches, ils sont repeints tous les ans, et bien entretenus.

La gestion des voiries et transport d'Alexandrie a le sens de la patience et de la durée. Un projet de métro est évoqué de loin en loin depuis le tournant rénovateur pris à la toute fin du XXe siècle, et qui a vu "renaître" la bibliothèque d'Alexandrie, inaugurée en 2002. Rien ne presse semblent dire les flegmatiques chenilles du tram.

Texte et photos Jérémie Korenfeld (www.lepetitjournal.com/le-caire.html) mardi 6 novembre (réédition)

Publié le 6 novembre 2012, mis à jour le 15 novembre 2012

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