

Aux tout premiers éclats de la révolution égyptienne, rien ni personne ne la prédestinait à jouer les prolongations. Si les analystes politiques font dans les pronostics, les intellectuels et artistes du Maghreb optent pour l'espoir et le soutien
"Il est extrêmement difficile de faire des pronostics quant au devenir de la révolution égyptienne tant que l'armée est toujours aux commandes du pays car celle-ci fait partie de l'ancien régime. Tant qu'elle gouverne, la révolution égyptienne n'aura pas atteint ses objectifs". Ces propos pleins d'incertitude sont de Sarah Ben Hamadi, journaliste et blogueuse tunisienne (photo: Houda Belabd). Ce jeune bout de femme a participé à la chute de l'ancien tyran Ben Ali en faisant partie de la jeunesse digitale de son pays. Selon ses mots, la comparaison entre la révolution tunisienne et celle égyptienne ne se fait pas sans exubérance car il s'agirait de deux poids et de deux mesures différentes. "La révolution tunisienne a dès le départ été exigeante et demandé une rupture claire avec l'ancien régime en demandant notamment la dissolution de l'ancien parti au pouvoir, ce qui a été fait. Les Tunisiens ont décidé de faire table rase, les Egyptiens ont d'abord fait dans la demi-mesure. Evidemment, cela finit par exploser un jour ou l'autre", estime-t-elle avant d'ajouter : "la reprise des manifestations le 25 janvier dernier n'était pas une surprise. Les revendications du peuple égyptien ne sont pas satisfaites. Il ne s'agit pas seulement de destituer Moubarak mais d'arracher tout un système".
A la différence de la Tunisie et de l'Egypte, l'Algérie n'est pas allée au-delà de ses premières tentatives de destitution du régime de Bouteflika. Les forces de l'ordre (soi-disant gardiens de l'ordre) ont avorté les manifestations qu'a connues la capitale au commencement du "Printemps arabe".
Pour Faten Hayed, journaliste au quotidien Al Watan, l'Egypte est peut-être en train de vivre une deuxième révolution. Elle entrevoit que "l'instabilité qui règne dans les villes égyptiennes est un bon baromètre pour admettre que la voie est encore longue pour atteindre la démocratie pour laquelle se battent les Egyptiens. Il est aussi certain que les Frères musulmans s'impliqueront davantage, car ils ont besoin de réinvestir le terrain, et reforger leur idéologie". Ce qui inquiète la journaliste algérienne est, justement, de savoir comment les islamistes vont élaborer et mettre en ?uvre leur idéologie dans ce contexte si particulier, d'autant plus qu'ils sont devenus la première force politique au parlement nouvellement élu.
De même, si les deux pays de l'Afrique du Nord ont connu des périodes transitoires après la chute de leurs tyrans, les deux peuples ont exprimé leur volonté d'organiser des élections présidentielles dans les plus brefs délais. Seul hic, l'Egypte peine encore a s'opérer radicalement. "Seul l'avenir nous dira si le peuple égyptien risque de maintenir son cap", estime la journaliste Faten Hayed car "la révolution égyptienne a été plus exigeante que la tunisienne" augmente-t-elle.
Douloureux cauchemar
Scénariste marocain et réalisateur de pièces de théâtre, Said Abbadi ne s'est pas encore réveillé du douloureux cauchemar qui a agité la ville de Port Saïd, il y a un peu plus d'un mois: "je suis de tout c?ur avec les familles des victimes de ce douloureux acte de hooliganisme. Orienté ou pas, la question est ailleurs, car ces dérapages serviront de leçons aux Egyptiens pour qu'ils accordent leurs voix à un futur président digne de confiance". Et de continuer : "les parlementaires devront aller vers l'avant et ne plus chercher à payer les pots cassés du passé".
A l'instar de Said Abbadi, Soufiane Lamhamdi exhorte les révolutionnaires à ne plus regarder en arrière. Chanteur au sein du groupe marocain Nhass, le jeune homme fait remarquer "le peuple Egyptien devra se concentrer sur les élections présidentielles et mettre en place la démocratie à laquelle ils tiennent et pour ce faire, il faudra peut-être qu'ils accordent la parole au conseil militaire aussi", subodore-t-il avant de conclure avec une once d'espérance : "j'espère que les mois à venir apporteront à l'Egypte sa stabilité et sa paix politico-religieuse d'antan".
Houda Belabd (www.lepetitjournal.com/le-caire.html) mardi 13 mars 2012








