

Face au projet américain d'un «grand Moyen Orient », la Ligue arabe peine toujours àoffrir sa propre alternative. Une paralysie symptomatique des difficultés rencontrées par la Ligue depuis sa création et parfaitement illustrée par le cas égyptien.
Place Tahrir, au Caire, c'est un bâtiment presque anodin, qui a pourtant abritéles rêves d'une grande nation arabe. Une quasi-transparence un peu àl'image de la Ligue arabe. A sa naissance, pourtant, cette organisation nourrissait de grandes ambitions.
La Ligue arabe est née comme une réponse spontanée. Quand, au sortir de la seconde guerre mondiale, les Britanniques songent sérieusement àune fédération des pays arabes qui serait placée sous leur tutelle, l'Egypte propose un contre-projet : la Ligue arabe. Le 22 mars 1945, la Ligue arabe est créée au Caire, autour de 7 pays fondateurs (voir encadréplus bas). A l'orée des décolonisations et surfant sur une montée en puissance de ses nationalismes, la Ligue arabe doit concrétiser du rêve panarabe, portéhaut par un Nasser alors au sommet de sa popularité.
Mais au fil des ans, malgréson élargissement à22 pays membres, la Ligue arabe ne trouvera jamais son unité, rongée par de trop profondes divergences d'intérêts entre ses membres. Ingérences militaires syriennes au Liban, invasion du Koweït par l'Iraq, disputes sahariennes entre le Maroc et l'Algérie? la Ligue arabe souffre de tensions internes trop handicapantes pour une réelle unité. D'autant plus qu'en son sein, le rapport des influences évolue avec le temps. D'abord emmenée par une Egypte porte-voix des non-alignés, la Ligue penche dans les années 70 du côtédes nouveaux maîtres du pétrole, Arabie Saoudite en tête.
Le parcours particulier de l'Egypte illustre parfaitement les difficultés de gestion. Fondatrice et moteur de la Ligue, l'Egypte s'exclut elle-même de l'organisation en devenant le premier pays arabe àreconnaître l'Etat d'Israël. Quand, en 1977, le président Sadate se rend en voyage officiel àJérusalem, il signe le divorce entre l'Egypte et la Ligue arabe. Les autres pays membres rompent leurs relations diplomatiques avec le pays et le siège de l'organisation est déplacédu Caire àTunis. La séparation durera jusqu'àla première guerre du Golfe (1990). Entre temps, l'Egypte s'est rapprochée des vues occidentales et vote pour l'intervention américaine en Irak.
Réforme nécessaire
Le fonctionnement même de la ligue arabe semble jouer contre elle. Organe inter-étatique sans compétences supra-nationales, la politique de la Ligue se dessine exclusivement au fil des sommets annuels des chefs d'Etats arabes. Des réunions au cours desquelles les décisions sont censées se prendre àl'unanimitédes voix. Une gageure, en l'état actuel des choses, tant les états arabes apparaissent plus divisés que jamais et qui appelle àla refonte de l'organisation.Une réforme nécessaire qui a connu une avancée symbolique en décembre dernier : pour la première fois, un Parlement arabe a siégéau Caire, composéde 88 membres, 4 représentants par pays. Réforme symbolique, le Parlement n'ayant aucun pouvoir législatif, son rôle se limitant àla discussion des thèmes désignés par le Secrétariat général.
Arnaud Saint Jean (LPJ - Le Caire) 27 juin 2006
La Ligue arabe en chiffres
7 pays fondateurs : Irak Liban Arabie saoudite Syrie Jordanie, Yémen
15 autres pays membres : Irak, Libye, Soudan, Tunisie, Maroc, Koweït, Algérie, Bahreïn, Qatar, Oman, Emirats Arabes Unis Comores, Mauritanie, Somalie, Palestine, Djibouti
Secrétaire général : Amr Moussa (depuis 2001)
Siège : Le Caire (1945 ? 1979 ) Tunis (1979 ? 1990) Le Caire (depuis 1990)








