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PALUDISME - Le point sur la situation en Malaisie, origines, symptômes et traitement

Écrit par Lepetitjournal Kuala Lumpur
Publié le 14 avril 2014, mis à jour le 23 avril 2014

 

Le paludisme, aussi connu sous le nom de malaria, est un fléau mondial. En décembre 2013 les chiffres des cas de paludisme pour 2012 étaient consolidés : 207 millions de cas enregistrés et 627.000 décès. Bien qu'impressionnant, ces chiffres témoignent malgré tout d'une amélioration de la situation d'un manière globale. On constate une diminution de la mortalité de 42% au niveau mondial par rapport à 2000 et de 49% dans la région africaine de l'OMS. La plupart des décès surviennent toujours chez des enfants vivant en Afrique, où chaque minute un enfant meurt du paludisme. La seconde zone la plus touchée après l'Afrique est l'Asie du Sud-Est.

Le paludisme est une maladie causée par des parasites de la famille des plasmodium et transmise par des moustiques de la famille des anophèles.

Il existe 4 types de parasites transmissibles à l'homme:

- Plasmodium falciparum

- Plasmodium vivax

- Plasmodium malariae

- Plasmodium ovale. 

Toutefois, ces dernières années, il a été aussi enregistré certains cas humains de paludisme à Plasmodium knowlesi ? un type de parasite présent chez le singe dans certaines zones forestières d'Asie du Sud-Est.

 

Une longue histoire 

Il semble que le paludisme (du latins paludis ? marais) existe depuis que l'espèce humaine arpente le sol de notre planète.

Sa présence depuis le néolithique a sans doute été la raison de la sélection des gènes de la drépanocytose (une affection non létale des globules rouges qui les rend résistants au paludisme) chez certains groupes de populations parmi celles vivant dans des zones où les parasites étaient présents.

Les anglophones préfèrent l'appeler malaria (de l'italien mal' aria ? mauvais air) et on en retrouve les premières traces écrites en ? 2700 en Chine, puis dans les traités de médecine védique en ? 500 en Inde.

En Europe, elle est identifiée avant le XVIIème siècle sous le nom de fièvre des marais. Cette fièvre étant toujours présente en France jusqu'au début du XXème siècle, en 1900 dans le Marais Poitevin, autour du Golfe du Morbihan et en Camargue, avant d'être officiellement éradiquée en 1931.

Tout au long de son histoire, la connaissance du paludisme et de ses traitements ont été le fruit de ce que l'on pourrait qualifier de nos jours, de collaboration internationale :

  • Les conquistadores Espagnols observent l'efficacité de l'écorce de quinquina pour traiter cette fièvre des marais chez certaines tribus indiennes du Pérou
  • Des médecins Français (Pelletier et Caventou) parviennent à isoler du quinquina la molécule active qui sera utilisée avec succès pour la première fois durant la Campagne d'Algérie en 1830
  • Le médecin militaire Français Lavéran va découvrir le premier parasite du paludisme à Constantine en 1880, puis des chercheurs Italiens et Anglais vont découvrir entre 1895 et 1922 l'ensemble des espèces de Plasmodium
  • Le zoologiste Italien Grassi va identifier l'anophèle et le suspecte comme le vecteur du paludisme en 1895
  • En 1897, le médecin anglais Ronald Ross prouve le lien de causalité entre l'anophèle et le Plasmodium.

   

La situation en Malaisie

En 1967, le Malaria Eradication Programme avait pour objectif l'élimination du paludisme en Malaisie péninsulaire pour l'année 1982. S'il est vrai que l'on observa une baisse notable des cas déclarés (de 250.000 en 1961 à 44.000 en 1982), nous restions encore loin d'une éradication. Les prévisions furent ainsi revues d'une manière plus réaliste avec l'établissement d'un Malaria Control Programme sur l'ensemble du pays, complété en 1986 par un plan complémentaire de lutte anti-vectorielle, déjà mis en place pour la dengue, les filarioses, le typhus ou l'encéphalite japonaise? Ainsi en 2012, le nombre total des cas ne représentait plus que 4.725, dont 2.050 étaient indigènes et en majorité originaires de Sabah et Sarawak, les autres ayant été importés par le jeu des voyageurs ou des mouvements migratoires.

Face à l'efficacité des méthodes employées, un nouvel objectif d'éradication sur 10 ans a été réactivé en 2011. Objectif visé? ?Zéro cas en 2020?! Mais avec un taux de 0.4% de population à risque pour la Malaisie péninsulaire, l'objectif  ?zéro cas? y est lui fixé pour 2015.

A noter que le taux de population à risque est encore à près de 20% en Malaise de l'Est. En Malaisie péninsulaire, les seules zones où il existe encore un risque relatif sont certains territoires du centre et du nord : Temengor, Grik, Kenering, Galas, Ulu Tembeling, Kechau, Kelola et Lepar? Pour ceux vivant sur la côte sud-ouest, il n'y a plus de transmission locale de paludisme !

  

Un vecteur : l'Anophèle

Une vingtaine d'espèces d'anophèles différentes sont présentes à travers le monde. Ces espèces se reproduisent dans l'eau et elles ont chacune leurs préférences, comme par exemple l'eau douce de faible profondeur (rizières, flaques d'eau, empreintes de  sabots d'animaux?). En revanche, leur dénominateur commun est qu'elles piquent toutes durant la nuit, contrairement à celles transmettant le virus de la dengue.

La transmission du paludisme est aussi plus intense aux endroits où les anophèles ont une durée de vie relativement longue et y piquent plutôt les êtres humains que les animaux. Cette durée de vie allongée permet ainsi au parasite de compléter son cycle de développement à l'intérieur du moustique. Cela associé à la forte préférence pour le sang humain, comme c'est le cas pour les espèces d'anophèles vivant en Afrique, explique que 90% des décès par paludisme enregistrés dans le monde surviennent sur ce continent.

 

Une même famille de parasites, mais des modalités d'action différentes

Les plasmodium falciparum et plasmodium vivax sont les plus répandus mais c'est le plasmodium falciparum qui est l'espèce la plus dangereuse. En effet, c'est celle qui peut être responsable d'accès de paludisme grave dans 5 à 10 % des cas, ce que l'on a parfois nommé le paludisme cérébral, se soldant par un taux de mortalité entre 15 et 20%, même après traitement pour les cas les plus graves.

Quant aux trois autres espèces de paludisme, elles ne donnent jamais lieu à des complications rapides pouvant conduire à un état grave comme avec P. falciparum; même si quelquefois elles peuvent se consolider avec des affections chroniques handicapantes, pouvant entraîner sur le long terme des aggravations souvent localisées au niveau des reins et au pronostic réservé. 

Enfin, dernière différence entre P. falciparum et les trois autres espèces, P. falciparum ne reste pas dans l'organisme du sujet infecté une fois l'accès paludéen terminé. Il peut perdurer dans l'organisme un maximum de 2 mois.

Une fois la crise terminée, les autres espèces peuvent demeurer sous des formes dormantes dans le foie du sujet infecté. De temps en temps, ces parasites dormant se réveillent et sont alors a responsables d'une nouvelle crise de paludisme.

En d'autres termes :

- un accès à P. falciparum peut être potentiellement grave, mais n'a lieu qu'une fois par infection (pour "refaire" un accès palustre à P. falciparum, il faut être re-infecté, donc subir une nouvelle fois une piqûre de moustique infectante)

- un accès aux autres Plasmodium n'est pas potentiellement létal et ne donne pratiquement jamais ou exceptionnellement, lieu à des complications une fois traité. Complications qui de toutes manières n'engagent pas d'emblée le pronostic vital du sujet.

Par contre, d'autres crises peuvent survenir sans qu'il y ait de nouvelles infections par piqûre de moustique. Ces crises sont à même de se renouveler sur une période allant de plusieurs semaines à plusieurs années selon l'espèce en question et à un rythme très variable selon l'environnement et l'état physique du sujet. Ainsi, une affection inopinée ou une fatigue générale peuvent favoriser la survenue d'une nouvelle crise de paludisme. Cependant, au fur et à mesure que le temps passe, ces crises chroniques ont tendance à baisser en intensité et à s'espacer de plus en plus, pour finir par disparaître totalement.

 

Une propagation météo-dépendante

La transmission dépend aussi des conditions climatiques comme l'abondance des précipitations, la température et l'humidité qui influent directement sur le nombre et la survie des moustiques. Très souvent, elle est ainsi saisonnière avec un pic survenant durant, ou juste après la saison des pluies. Par ailleurs, des conditions climatiques favorables peuvent être aussi responsables d'épidémie importantes, quand la transmission survient dans des régions où les populations sont peu ou pas immunisées.

  

Une immunité variable

L'immunité humaine est un autre facteur important modulant la propagation et les types cliniques de paludisme. Chez les adultes vivant en zones de transmission modérées à intenses, une immunité se développe après des années d'exposition. Elle n'apporte jamais de protection totale mais elle réduit notablement le risque d'une infection paludéenne grave. C'est pourquoi la plupart des décès par paludisme dans les zones de transmission importantes surviennent chez de jeunes enfants (qui n'ont pas eu le temps de développer cette immunité), tandis que dans les zones de faible transmission où la population n'a peu ou pas d'immunité, tous les groupes d'âge sont exposés.

Cela étant, l'immunité acquise ne dure que le temps passé au sein de la zone d'endémie : dès que le sujet s'en éloigne, elle s'estompe rapidement et finit par disparaître. Ainsi, à son retour en zone d'endémie (où existe un risque confirmé de transmission), le sujet sera comme vierge d'un point du vue immunitaire face au paludisme, et donc, autant à risque que tout nouveau voyageur lors d'un premier séjour en zone impaludée. 

   

La maladie

L'incubation (période entre la piqûre infectante et l'apparition des symptômes) est généralement de deux semaines, elle excède rarement un mois, mais peut être quelquefois de 6-8 jours.

Cela revient à dire qu'un mois et demi après le retour d'une zone d'endémie, si aucune crise de paludisme ne s'est déclenchée, il y a très peu de possibilités qu'un tel évènement survienne, mais en tous les cas, il n'y a quasiment aucun risque qu'il s'agisse d'un paludisme à P. falciparum.

Il est à noter que les symptômes subis par un patient lors d'un accès paludéen seront toujours les mêmes à l'occasion de nouvelles crises, même si elles se déclenchent à des années d'intervalle.

Les signes classiques tels que : fièvre avec chaleur, tremblements et sueurs, se répétant à intervalles réguliers de quelques heures sur des durées de trois ou quatre jours sont en pratique assez peu souvent observés.

Ils sont la traduction de la phase d'infestation sanguine durant laquelle les parasites se reproduisent en colonisant les globules rouges et en les utilisant en tant que ressources énergétiques pour se multiplier. Une fois ces ressources totalement exploitées, les parasites se libèrent dans la circulation sanguine en faisant littéralement exploser leurs hôtes forcés. C'est cette libération qui est responsable de la fièvre et de l'anémie (baisse du taux des globules rouges dans le sang).

D'expérience, on retrouve ces symptômes de façon non systématisée et en association avec de multiples autres signes qui peuvent regrouper : douleurs abdominales, vomissements, diarrhées, crampes et contractures musculaires, céphalées, etc... En revanche, l'apparition d'une jaunisse, d'urines de couleur sombre et/ou de troubles de la conscience ou de convulsions lors d'un accès à P. falciparum signalent le basculement d'un accès simple vers une crise de paludisme grave, nécessitant à court terme des soins de réanimation.

 

Le traitement

En dehors des mesures anti-vectorielles (campagne de démoustication), la prévention est le second pilier de la lutte contre le paludisme, notamment chez les enfants, combinée à des mesures de protection contre les piqûres de moustiques (moustiquaires, produits répulsifs, vêtements couvrants à manches longues à passer impérativement à la tombée de la nuit...).

La prévention (ou prophylaxie) fait appel à des spécialités différentes dont l'indication dépend de la classification OMS du paludisme (pays classés en Groupe I, II, ou III), basée sur le type prédominant d'espèce de plasmodium, sur le taux de paludisme présent dans la zone, et sur la résistance éventuelle à certains types de prévention médicamenteuse.

Si vous envisagez un voyage dans une zone à risque, consultez votre médecin ou d'appelez votre assistance médicale.

Savoir s'il faut ou non envisager une prophylaxie, s'avère particulièrement nécessaire pour certains types de voyageurs ou d'expatriés qui sont plus à risque que les autres. Selon l'OMS, ceci regroupe :

  • Les jeunes enfants vivant dans des zones de transmission stable qui n'ont pas encore développé une immunité pour des formes plus sévères de la maladie.
  • Les femmes enceintes non immunisées ou semi-immunisées. Le paludisme entraîne des taux élevés de fausses couches ou un faible poids de naissance et peut provoquer des décès maternels.
  • Les personnes vivant avec le VIH/sida.
  • Les voyageurs internationaux en provenance de régions exemptes de paludisme car ils ne sont pas immunisés.
  • Les immigrants venus de régions d'endémie et leurs enfants qui vivent dans des zones exemptes de paludisme et qui retournent dans leur pays d'origine pour y rendre visite à de la famille sont également exposés, car leur immunité a diminué ou disparu. 

Quant aux traitements curatifs, ils font appel à de nombreux médicaments dont l'indication dépend de l'identification du parasite, des signes cliniques, de l'âge du patient et de son état général.

Il n'existe actuellement aucun vaccin homologué contre le paludisme. Toutefois, un vaccin expérimental contre P. falciparum (le RTS,S/AS01) est actuellement évalué dans le cadre d'un vaste essai clinique dans sept pays d'Afrique. Les résultats définitifs de ces essais sont attendus fin 2014, et en fonction des résultats finals de l'essai clinique, l'OMS pourra recommander ou non son utilisation courant 2015.

 

Après un parcours international, depuis 2012, Le Docteur Olivier Barles exerce ses fonctions à Kuala Lumpur où il est à la tête de la Direction Médicale Régionale des Services Médicaux pour l'Asie du Sud et l'Asie du Sud-Est pour International SOS. 

Notre article sur le Dr Olivier Barles et International SOS

 

Article rédigé  par le Dr Olivier Barles (www.lepetitjournal.com/kuala-lumpur.html) mardi 15 avril 2014

Photo Fotolia

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