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POLLUTION - Entre Malaisie et France : un état de la pollution atmosphérique

Écrit par Lepetitjournal Kuala Lumpur
Publié le 30 novembre 2015, mis à jour le 30 novembre 2015

En 1994, Travis P. Wagner, scientifique américain spécialiste de l'environnement, émettait pour la première fois sa théorie du bocal à poissons. Il comparait alors l'écosystème de notre Terre à un aquarium géant, où tout ce qui y rentre et y est émis, y reste. Autrement dit, les polluants que nous émettons ne disparaissent jamais, et leur impact sur nous est inévitable. À l'aube d'une des plus grandes conférences mondiales sur le changement climatique, et à un temps où la conservation de l'environnement n'est plus une précaution mais une réelle nécessité, sa théorie ne pourrait être plus adéquate. 

Alors que ces derniers mois le haze a longuement occupé le devant de la scène comme une source majeure, notamment de pollution, il est important de noter qu'il ne constitue qu'un seul facteur de détérioration de la qualité de l'air parmi plusieurs autres qui eux, affectent notre santé et notre environnement de façon quotidienne. Resituer la Malaisie au niveau mondial en termes de pollution atmosphérique ; comparer l'Indice de Pollution de l'Air (et son calcul) entre Paris et Kuala Lumpur ; déterminer nos actions quotidiennes constituant d'importantes sources de pollution, sont donc des notions fondamentales à prendre en compte afin de faire un état de l'aquarium malaisien. 

La Malaisie au niveau mondial  

Dans son rapport de 2014, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) affirmait que la pollution de l'air serait responsable d'une mort sur huit au niveau mondial et aurait causé le décès de plus de sept millions de personnes en 2012, dont 65% en Asie. Même s'il est indéniable que la région de l'Asie du Sud-Est est une grande émettrice de pollution, mais aussi l'une des plus affectées par cette dernière, la Malaisie se situe relativement bas dans le classement. En effet, le pays arrivait en 2012 au 11ème rang sur 14 des pays les plus pollués d'Asie, avec une concentration moyenne de 42PM*. Tel que l'illustre le graphique ci-dessous, s'appuyant sur des données du rapport de l'OMS. Le Pakistan et le Bangladesh occupent quant à eux les deux premières places du classement, avec des moyennes respectives de 198PM et 120PM, alors que les trois derniers rangs sont occupés par la Thailande, Singapour et le Japon. 

Si l'on observe la situation sur le plan mondial, on note que la région la plus polluée du monde est l'Est Méditérannéen, suivi de près par l'Asie du Sud-Est et l'Ouest Pacifique, l'Europe étant en fait la région du monde la moins polluée. Ainsi, toujours selon l'Organisation Mondiale de la Santé, les pays où l'air est le moins respirable sont le Pakistan, l'Afghanistan, le Bahrain, le Qatar et le Bangladesh, alors que les pays bénéficiant de l'air le plus propre sont l'Islande, le Canada, la Finlande, Brunei et l'Estonie.  

(Crédit : Lepetitjournal.com Kuala Lumpur)

Fait intéressant cependant, nous avons observé sur une semaine continue (du 12 au 18 octobre 2015) à un moment où le pays était touché par les vagues de haze, les indices de pollution de l'air de Paris et de Kuala Lumpur. La différence n'est pas aussi drastique que l'on pourrait le croire. Sur une période d'une semaine, l'API de Paris était en moyenne de 75, alors que celui de Kuala Lumpur était de 88. Les deux villes se situaient donc dans la même catégorie d'API, soit ?modéré?. Alors que la situation de l'air malaisien a été très médiatisée au niveau mondial, comment se fait-il que la différence entre les deux capitales soit si faible ? 

L'API malaisien, un indice de pollution de l'air fiable ? 

L'API est représenté en Malaisie par l'indice maximal de l'un des cinq principaux polluants identifiés ; le monoxyde de carbone (CO), l'ozone (O3), le dioxyde de soufre (SO2), le dioxyde d'azote (NO2) et les particules en suspension (PM10). L'API se divise par la suite en cinq catégories : bon (0-50), modéré (51-100), malsain (101-200), très malsain (201-300), dangereux (>300). Lors de l'importante période de haze qui s'est étendue d'août à octobre, quelques débats sont survenus quant à l'efficacité du système de calcul de l'API malaisien. En effet, la différence entre les API relevés à Singapour et ceux de la Malaisie était flagrante. Selon Wong Chen, membre du Parlement malaisien, c'est l'absence d'une variable qui explique une telle disparité. Ainsi Singapour prend en compte une valeur de plus dans son calcul de l'API, le PM2.5, des particules plus fines qui sont, selon le gouvernement singapourien, le plus important polluant en période de haze. Selon le politicien, des plans pour changer le système de mesure seraient implantés en 2016, mais il a indiqué que le Département de l'Environnement possédait déjà des données sur le PM2.5 et urgeait le gouvernement à les publier afin de garder la population informée au mieux.  

Si l'on revient à la comparaison entre Paris et Kuala Lumpur, il devient nécessaire d'examiner cette situation du calcul de l'API**. Cela pourrait alors expliquer un taux aussi similaire, même dans un contexte de haze. Tout comme à Singapour, l'API français prend en compte le PM2.5, absent du calcul malaisien. Plus encore, on remarque que c'est cette variable qui rend l'API parisien aussi élevé, le reste des variables étant relativement basses et majoritairement situées dans la catégorie ?bon?. On pourrait ainsi se demander à quel point l'API malaisien augmenterait si la valeur PM2.5 y était ajoutée.

Un quotidien qui pollue

Il est bien connu que l'Asie est la région ayant subit la plus importante urbanisation depuis 1950. Si l'on considère la Malaisie dans une étude de l'ONU sur l'urbanisation des sociétés asiatiques depuis cette date, la population urbaine serait passée de 1.2 millions à 20 millions en 60 ans. L'urbanisation étant synonyme de progrès et prospérité,  elle est aussi un inévitable synonyme de consommation d'énergie, et donc, de pollution. 

L'importante dépendance économique de la Malaisie sur le secteur industriel constitue une source primaire de polluants nocifs pour la santé. Représentant 40.6% du PIB, les industries de l'huile de palme, du caoutchouc, de l'électronique et des ressources minières sont les plus importantes du secteur. Si l'on y ajoute le secteur de l'énergie, fondé sur le gaz naturel et le pétrole, qui représenterait 30% du PIB selon la Chambre de Commerce et d'Industrie franco-malaisienne, on remarque que près de 70% du PIB malaisien dépend d'industries extrêmement nocives pour l'environnement et la santé. À titre comparatif, le secteur de l'industrie représente 19.4% du PIB français et celui de l'énergie compte pour 2.6%, pour un total d'environ 23% du PIB. De plus, la subvention du prix du pétrole par l'État et l'importante urbanisation encouragent fortement l'usage de la voiture et intensifient le trafic, autre source de contamination indéniable. La Malaisie se situe au troisième rang d'Asie du plus grand nombre de propriétaires de voitures, après le Japon et la Corée du Sud. Selon une étude de la Banque Mondiale, 361 personnes sur 1.000 possédaient un véhicule motorisé dans le pays en 2010. 

Plus encore, il important de prendre en compte que la pollution de l'air n'est pas seulement présente à l'extérieur, mais aussi à l'intérieur. En effet, les actions de notre quotidien tels que la cuisine (par les combustibles de biomasse et l'usage de fours à gaz, électriques ou au kérosène), la fumée du tabac, la fumigation contre les insectes, l'air conditionné ainsi que les toxiques dégagés par la peinture et les produits ménagers, sont aussi d'importantes sources de pollution de l'air ayant des effets pernicieux sur la santé, particulièrement sur les fonctions respiratoires. 

Ainsi, nos actions journalières qui peuvent paraître des plus banales, affectent grandement notre environnement, mais surtout notre santé. Si une restructuration du calcul de l'API malaisien semble nécessaire afin d'informer de façon assidue la population, une réforme de nos actions au quotidien, qu'elle soit dans l'usage des transports en commun ou de l'air conditionné, est strictement conditionnelle à la conservation de notre aquarium commun. 

* Particulate Matter, indice de calcul de pollution de l'air par des particules en suspension. 

** Air Pollution : Real-time Air Quality Index ;  http://aqicn.org/city/kuala-lumpur/

 

Valentine Staub (www.lepetitjournal.com/kuala-lumpur.html) mardi 1er décembre 2015

Crédit photos : graphique Lepetitjournal.com Kuala Lumpur - Photo 1 Jason Thien - Photo 2 Alexander Baxevanis

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Publié le 30 novembre 2015, mis à jour le 30 novembre 2015

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