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A L'ABORDAGE DE L'HISTOIRE - Que s'est-il passé le 13 mai 1969 ?

Écrit par Lepetitjournal Kuala Lumpur
Publié le 22 mai 2013, mis à jour le 23 mai 2013

Peut-être avez-vous remarqué des références dans les journaux au 13 mai 1969 ? Les médias ont évoqué cette date à de nombreuses reprises après les élections générales du 5 mai 2013. Mais que s'est-il passé le 13 mai 1969 ?


Revenons quelques jours en amont. Le 10 mai 1969, lors des élections générales, pour la première fois, la coalition au pouvoir (la même depuis l'indépendance en 1957), n'obtient pas la majorité des deux tiers au Parlement. Elle perd ainsi son droit de modifier directement la constitution fédérale. En cause notamment : les électeurs chinois qui ont reporté leurs voix sur l'opposition et n'ont pas voté pour la coalition au pouvoir.

En outre, dans l'Etat du Sélangor, auquel la ville de Kuala Lumpur est encore intégrée, la coalition au pouvoir et l'opposition sont au coude à coude, les résultats sont contestés. Les soutiens des deux camps descendent dans la rue. Les cortèges et les manifestations se déplacent ensuite dans la ville de Kuala Lumpur.

Conflit interracial
De politique, ces rassemblements tournent au conflit interracial entre Malais et Chinois. Des centaines de personnes, très majoritairement des Chinois, sont tuées et plusieurs centaines d'individus sont blessés. Aucun chiffre officiel du nombre des victimes n'est disponible.

Selon la chercheuse Elsa Lafaye de Micheaux, le nombre de morts s'établirait entre 700, information officielle donnée le 13 mai 1969 puis censurée, et 5000, le chiffre avancé par la communauté chinoise.

Au moment des émeutes (qui dureront plusieurs jours), l'Etat d'urgence est proclamé, le Parlement suspendu. Dans le même temps, le pouvoir fait tout pour rassurer les Malais et leur garantir qu'ils seront avantagés par rapport aux autres minorités (chinoises et indiennes).

Interprétation des émeutes

"Face à la crise, le gouvernement a choisi de lire dans l'explosion de violence l'expression d'un ressentiment somme toute justifié des Malais, contre les Chinois, plus riches", explique la chercheuse Elsa Lafaye de Micheaux. Cette interprétation des émeutes a ensuite déterminé la politique économique de la Malaisie.

Le Premier ministre de l'époque met en effet en place la New Economic Policy ("Nouvelle politique économique"), une politique de discrimination positive envers les Malais (plus pauvres que les Chinois et moins bien intégrés économiquement).

Cependant, pour Elsa Lafaye de Micheaux, on peut opposer à cette interprétation dominante des émeutes (les Malais pauvres contre les Chinois riches) une interprétation en termes de classes sociales. "Les différentes analyses de la distribution des revenus entre catégories ethniques permettent de nuancer fortement l'assimilation des Malais aux plus pauvres", résume-t-elle.

Mémoire du "13 mai" : "ce qui ne doit jamais se reproduire"
Autre conséquence directe des événements du 13 mai : en 1974, Kuala Lumpur devient un territoire fédéral et ne fera désormais plus partie de l'Etat du Sélangor afin d'éviter que l'opposition ne puisse à nouveau mettre la main sur la capitale du pays, rendant la gestion du pays compliquée (puisque les bâtiments du gouvernement se trouvent à Kuala Lumpur).

Aujourd'hui, du fait de l'interprétation qui en a été faite, cette date du 13 mai est restée dans la mémoire collective du pays comme "l'événement qui ne doit jamais se reproduire".

Quarante quatre ans après le 13 mai 1969, lors des élections générales du 5 mai 2013, la presse proche du pouvoir rappelle cet événement traumatisant. Elle appelle à l'unité du peuple malaisien envers et contre tout pour éviter qu'un nouveau 13 mai n'advienne. Peut-on parler d'une utilisation de l'histoire à des fins politiques ? A vous d'en juger.

 
Laure Beaulieu (www.Lepetitjournal.com/kuala-lumpur) Jeudi 23 Mai 2013

 

 

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Publié le 22 mai 2013, mis à jour le 23 mai 2013

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