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ART - Charles Cham, le peintre qui défendait les orang-outans

Écrit par Lepetitjournal Kuala Lumpur
Publié le 25 juillet 2013, mis à jour le 25 juillet 2013

Si vous passez quelques jours à Malacca, vous ne pourrez manquer les maisons hautes en couleurs baptisées "The Orangutan house". Certains voyageurs viennent y demander si des chambres sont libres. Que nenni, ce n'est pas l'une des nombreuses guesthouses de Malacca mais une boutique-atelier. Rencontre avec l'artiste, Charles Cham.

 

 

Une rencontre "magique" avec la peinture

L'histoire de la découverte de la peinture par Charles Cham, natif de Malacca, à 5ans, ressemble à un conte pour enfants. Son père l'avait emmené au cinéma pour une sortie familiale. C'était le premier film que le Malaisien voyait, et certainement celui qui le marquerait le plus, étant donné la manière dont les images  influenceraient son destin. Celui-ci racontait l'histoire d'un peintre, un peintre qui possédait un pinceau magique. Tout ce qu'il peignait devenait vivant. "Il dessinait un oiseau, et l'oiseau s'envolait, il dessinait un poisson et le poisson s'en allait nager dans la rivière". Dans un sourire Charles Cham confie : "C'était magique, quand on a cinq ans, on y croit et on veut reproduire ce qu'on voit. Quand on regarde Spiderman, on veut devenir Spiderman". Lui a voulu devenir comme ce peintre. Lorsqu'il rentre à la maison, le petit Charles fait le portrait de l'artiste du film, sur le sol, avec de la craie. A partir de ce moment, il veut être peintre même s'il sait que "la route sera longue".

 

 

Une découverte du monde avant de rentrer au bercail

 

Son Level A en poche, Charles Cham quitte Malacca pour Kuala Lumpur. Il n'a plus envie d'étudier. Durant six ans, il fait des caricatures, souvent d'hommes politiques, pour The Star. "Dans les années 1980, la presse était plus libre, estime-t-il, il y avait moins d'autocensure, On pouvait davantage s'amuser ". Après six années passées à réaliser des dessins humoristiques, il se fait pourtant remarquer et quelque peu réprimander par le Ministre de l'Intérieur de l'époque.

Le Malaisien décide alors de s'envoler vers la France, pour peindre. En Malaisie, l'Art n'existe pas vraiment. Il atterrit à l'école des Beaux-Arts de Toulon mais n'y reste que six mois ; "un gaspillage d'argent" estime-t-il. Il devient alors membre de l'Association des Artistes Indépendants d'Aix en Provence, où il habite deux ans. Il dispose de beaucoup de modèles sur place. Tant mieux, c'est en portrait qu'il est le plus doué! Après avoir habité quelques temps à New-York et en Hongrie (où il a même ouvert un magasin), Charles Cham retourne à Malacca, sa ville natale. Il n'y trouve pas de modèles pour continuer ses portraits, " les gens sont peut-être trop timides".  Alors, il prend pour modèle des totems et des masques traditionnels du Sarawak. Comme les masques, ses portraits sont simples : des yeux, un nez, une bouche. "Cela pourrait être le portrait de n'importe qui". Pour lui, les choses simples sont les plus significatives. Il ouvre son atelier en 1993 et le baptise "The Orangutan house".

Aujourd'hui, en plus de sa boutique-atelier (située Lorong Hang Jebat), il possède deux autres magasins du même nom, où il est possible d'acheter ses t-shirts. Enfin, il a récemment fait l'acquisition d'un atelier pour peindre ses grandes toiles destinées aux expositions. Avec trois magasins et un atelier, il ferait presque de l'ombre à Jonker Gallery au c?ur de Chinatown.

 

Une volonté de faire ouvrir les yeux à ses concitoyens


Pourtant, les affaires n'ont pas toujours été aussi florissantes pour Charles Cham. Lorsqu'il ouvre"The Orangutan house", il se met à faire des t-shirts, inspirés de ses peintures, pour payer son loyer. D'une pierre deux coups, les t-shirts lui permettent également de délivrer des messages à un plus large public. C'est dans les années 1990, qu'il créé tous ses t-shirts "stars''. A cette époque, la Malaisie est l'un des plus gros producteurs de caoutchouc. Charles Cham en a conscience et encourage, à sa manière, ses compatriotes à utiliser un produit made in Malaysia : "Play Safe, use Malaysian rubber" est le t-shirt qui est cité dans tous les guides touristiques. Pour l'achat de celui-ci, un préservatif, made in Malaysia bien sur, vous est même offert. Un autre parle de la liberté d'expression, sujet qui lui tient beaucoup à c?ur.

Vous l'aurez surement deviné, les orang-outans constituent un autre sujet auquel le peintre accorde une attention toute particulière. Lorsqu'il était enfant, Charles Cham allait souvent au zoo. Il aimait y observer ces grands singes qui étaient semblables à une famille humaine. Les scènes de leur vie quotidienne, qui se déroulaient sous ses yeux, ressemblaient aux épisodes d'une série pour le petit garçon qu'il était. Devenu adulte, il a pris conscience des enjeux qui entourent les orang-outans, espèce menacée. Si à Singapour et au sanctuaire des orang-outans au Sabah, ils sont bien traités, c'est loin d'être le cas partout selon Charles Cham. "Les mauvaises personnes font les mauvais métiers. Les gens qui travaillent dans les zoos n'ont souvent pas de passion pour les animaux " soupire-t-il. Voilà pourquoi il a baptisé son atelier "The Orangutan house", pour faire ouvrir les yeux à ses concitoyens sur certains sujets qui lui tiennent à c?ur. Si aujourd'hui les Malaisiens prennent doucement conscience des problèmes écologiques, dans les années 1990 ceux qui venaient curieux, voir cette boutique colorée, prenaient son orang-outan pour Garfield ou King Kong !

 

Faire de l'art dans un pays encore réticent

Pour Charles Cham, c'est important de partager ses idées. Le Malaisien estime qu'il est primordial de faire des expositions, de se faire connaître ; Peindre ne suffit pas ! "Quand tu es artiste, tu dois exposer mais pour y parvenir, il faut accepter de s'ouvrir aux critiques et sans cesse créer et recréer ". Il dit également ne pas s'autocensurer et ne pas penser au gouvernement lorsqu'il peint : "Lorsque j'ai une idée, je peins. Je donne vie à mes idées en peignant". L'artiste affirme même trouver de l'énergie dans la censure. Pour l'une de ses expositions en Malaisie, il a néanmoins été contraint de modifier son affiche en enlevant purement et simplement le pénis de l'homme qu'il avait dessiné !

Si on parle beaucoup de Malacca comme d'une ville ouverte en général et particulièrement ouverte à l'art, Charles Cham explique que ça n'a pas toujours été le cas. Le métier d'artiste a souvent la vie dure. Au moment de l'ouverture de The Orangutan house, ils n'étaient que deux artistes à Malacca et son atelier était "la seule maison avec des couleurs". Le peintre estime que jusqu'aux années 1990, l'art n'existait pas à Malacca. C'est seulement après le "Visit Malaysia year" que tout a changé. Aujourd'hui, la ville compte une vingtaine d'ateliers et de galeries. Pourtant, d'après lui, elle n'a pas de "direction". Le Malaisien la compare d'ailleurs à "un poulet sans tête". "Certes Malacca attire de plus en plus d'artistes étrangers mais il n'y a pas réellement de plans pour l'avenir" continue-t-il. Selon lui, la ville a réalisé de belles choses ; comme la réhabilitation de la rivière, mais veut surtout "faire de la monnaie vite" en oubliant parfois l'essentiel. Pour ne citer qu'un exemple, l'artiste explique que la ville de Malacca, bien qu'inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO, n'a pas de parking digne de ce nom pour gérer l'afflux de touristes.

Aujourd'hui, Charles Cham a exposé dans de nombreux pays, en solo ou en groupe ; y compris dans beaucoup de pays d'Europe. Il réalise des expositions dans son propre pays mais semble ne pas vraiment y trouver son public. Il estime que les acheteurs malaisiens de ses tableaux représentent moins de 5% des acheteurs totaux contre plus de 70% d'Européens et environ 20% d'Américains, le reste étant des Japonais ou des Coréens. Certes, à mesure que les gens s'enrichissent, l'art grandit mais le Malaisien pense qu'il faudrait davantage éduquer la population. Le peintre ne semble pas très optimiste quant à l'intérêt des Malaisiens pour l'art : "Chez Orangutan house, ils voient les T-shirts mais pas les peintures. Ils n'y font pas attention" mais préfère prendre les choses avec humour :  "S'il y avait des expositions de Samsung, d'I-phones, ils viendraient !". Les habitants de Malacca, de façon réciproque voient Charles Cham comme quelqu'un de décalé. Il raconte que les habitants de Malacca, sur son passage chuchotent en chinois pensant qu'il ne les comprend pas : "Oh the artist !". Pourtant, l'artiste parle 6 dialectes chinois et le mandarin "pour le business", le Malais, l'anglais, un peu de hongrois et le Français ! Méfiez vous donc lorsque vous visiterez the Orangutan house, on vous aura prévenu !

Aujourd'hui, Charles Cham veut se concentrer sur l'art et se donner plus de temps pour exposer. D'ailleurs, il aimerait faire sa première exposition solo en France. Il dit recevoir beaucoup d'offres mais n'avoir pas encore trouvé la bonne galerie... Avis aux galeristes !

 

Liens utiles :

http://www.charlescham.com
http://www.absolutearts.com/charlescham

Page facebook : http://www.facebook.com/pages/THE-ORANGUTAN-HOUSE/270362069913

Envie de voir Charles Cham pour acheter un t-shirt ou faire un brin de causette : Direction Malacca, 59 Lorong Hang Jebat.

Envie de voir l'une de ses expositions : actuellement à Singapour « Face to face with Charles Cham » jusqu'au 24 octobre. Une exposition est prévue à Kuala Lumpur en 2013.

 

Camille Bondu (www.lepetitjournal.com/kuala-lumpur.html) Vendredi 25 Juillet 2012

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Publié le 25 juillet 2013, mis à jour le 25 juillet 2013

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