Édition internationale

FAFF – Interview avec Jean-François Laguionie, réalisateur du film "Le Tableau"

Écrit par Lepetitjournal Kuala Lumpur
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 30 avril 2013

Dans le cadre du French Art & Film Festival, Jean-François Laguionie présente son film "Le Tableau". Le réalisateur est à la France ce que Walt Disney est aux Etats-unis, une puissance créatrice du cinéma d'animation. Grand c?ur et petit budget sont les signatures de ces films. Lepetitjournal.com a interviewé ce personnage coloré pour une discussion autour de son film, véritable ode à la création artistique. Qu'est-ce qui anime le dessein de ce dessin animé ?

La 3D dans le cinéma d'animation
Pour la première fois dans sa carrière, le créateur de la maison de production La Fabrique (qui a notamment  produit Kirikou), a utilisé la 3D, principalement pour figurer l'atelier de l'artiste, décor de l'histoire. L'articulation entre la 2D et la 3D est le résultat d'un processus artistique d'intégration graphique. Jean-François Laguionie explique les changements qu'il a vu survenir au cours d'une longue carrière "Cela fait des dizaines d'années que je fais ce travail. L'animation a évolué dans un sens très positif. On est aujourd'hui moins préoccupé par l'esthétisme de la technique, ce qui permet de se concentrer d'avantage sur le film en lui-même". Il rajoute en souriant "Nous avons, nous réalisateurs de films  d'animation, "embêtés" les fabricants de logiciels afin qu'ils fassent des produits simples et faciles à utiliser. Et je dois dire que pour cette première fois avec la 3D, j'ai vraiment apprécié la qualité du rendu". Le réalisateur n'est cependant pas encore prêt à abandonner la 2D, son premier amour qui l'a couronné d'une Palme d'Or du court métrage à Cannes et du César du meilleur court métrage avec La traversée de l'Atlantique à la rame en 1978.

 

 

 Le Tableau, un film pour tous les âges
Jean François Laguionie signe avec Le Tableau un film qui peut être vu à différents niveaux. "Souvent, les gens classent les films d'animation dans les films pour enfants. Le Tableau est bien plus que cela. En fait, selon l'âge et la maturité, le spectateur verra des choses différentes. Par exemple,  les adultes seront touchés par l'aspect métaphysique et politique du film, tandis que les enfants apprécieront les couleurs, les  petits gags et la magie qui s'en dégage. Je crois également que la métaphore sociale du mélange de personnes différentes entre elles est un thème à la fois universel et intemporel qu'un enfant peut déjà saisir". Voguant entre Alice au Pays des merveilles ? avec notamment cette scène magnifique où la forêt s'anime pour aider les personnages principaux-, l'histoire d'amour et le récit de voyage, le spectateur est embarqué dans une histoire à la fois contemplative mais également active.

Une influence brechtienne


Connaissant l'amour du réalisateur pour le théâtre, on est obligé de penser à Bertolt Brecht pour interpréter Le Tableau. L'auteur allemand du milieu du XXe siècle a développé le concept de Verfremdungseffekt dans ses pièces, littéralement l'"effet de distanciation". L'idée est de rappeler au spectateur qu'il est face à un spectacle qui n'est pas la réalité.

Au début du film d'animation, la musique d'un orchestre accompagne un travelling avant. La caméra avance vers un cadre, celui d'un tableau, celui de l'histoire qui va être présentée. Autrement dit, le réalisateur utilise cet "effet de distanciation" pour prévenir le spectateur : "Vous entrez dans une histoire qui est une réalité imagée et imaginée". D'emblée on comprend que la question de la création artistique et de son rapport à la réalité est posée.

La création artistique, cette pratique divinement humaine
Le Tableau pourrait être résumé par un néologisme : "artception" en référence au film Inception où les personnages superposent des rêves à des rêves. Ici ,ce sont les différentes formes d'art qui se superposent dans des mises en abyme en cascade. En effet, le spectateur est en présence d'un film qui parle d'un tableau dont les personnages se perdent dans d'autres tableaux. Les références au genre théâtral sont également nombreuses puisque dans un des tableaux, les héros se retrouvent au milieu du carnaval de Venise, ce qui n'est pas sans rappeler la Comedia Del Arte, propre au théâtre italien. Le voyage est lui-même accompagné de la poésie des dialogues? En somme, cinéma, théâtre, peinture et littérature se retrouvent imbriqués les uns dans les autres pour montrer que l'Art au sens large du terme représente un même état de l'humain, celui de la création.

Le mélange de 2D et de 3D permet à ce titre de créer le décalage entre les différents univers. On ressent et on partage tout le plaisir qu'a pris M. Laguionie à faire parler des ?uvres qui rappellent Picasso ou encore Modigliani. A ce titre, le réalisateur explique qu' "Il y avait un côté jouissif à pouvoir rentrer dans le tableau et rendre les ?uvres vivantes". Ses mots font écho à cette citation attribuée à Picasso "Il faudrait pouvoir montrer les tableaux qui sont sous le tableau". C'est exactement ce qu'entend nous offrir le réalisateur avec ce film. Plus largement, l'ensemble est porteur d'une parabole sociétale : aller au-delà des apparences et accepter la différence.

L'artiste, un dieu en puissance
La question métaphysique de la création est posée à travers Le Tableau. En effet, l'artiste est un dieu en puissance, capable de créer des univers, de donner vie à des personnes, de les détruire, mais également de leur laisser le libre arbitre face à leur vie, à l'image de ses personnages qui s'animent pour trouver un sens à leur existence. "Un artiste ne maîtrise pas grand-chose de l'aspect métaphysique de la vie mais il a la liberté de créer", nous explique M. Laguionie. Il enjoint donc le spectateur à être le propre dieu créateur de sa vie, quelque soit la réalité.

Pour finir, on se remémorera le poème d'Egar Allan Poe Un rêve dans un rêve qui finit avec ces mots qui donneront une clé de compréhension de la fin du film. "Ô Dieu ! ne puis-je les serrer d'une étreinte plus sûre ? Ô Dieu ! ne puis-je en sauver un de la vague impitoyable ? TOUT ce que nous voyons ou paraissons, n'est-il qu'un rêve dans un rêve ? ".

Ne manquez donc pas le Tableau, un film qui dépeint la création avec poésie, magie et passion !

 

Mid valley :
30 avril, 20h45
4 mai, 19h30
8 mai, 19h00
12 mai, Midi

Pavilion :
1 mai, midi et 19h30
6 mai, 19h
11 mai, 15h45

Utama :
2 mai, 20h45
5 mai, 15h45
10 mai, 19h00

Gurney Plaza (Penang):
17 mai, 19h00
23 mai,19h00
26 mai,13h45


Renaud Voisin (Lepetitjournal.com/kuala-lumpur) Mardi 30 Avril 2013

logofbkl
Publié le 29 avril 2013, mis à jour le 30 avril 2013
Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.

Flash infos