Édition internationale

BASE JUMPING - "La peur n’est pas une option" à KL Tower

Écrit par Lepetitjournal Kuala Lumpur
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 21 novembre 2012

Du 27 au 30 septembre s'est tenu le KL Tower International Jump Malaysia 2012, LE rendez-vous pour les base-jumpers des quatre coins du monde. LePetitJournal.com vous emmène à la découverte de ce sport et de ses acteurs. Attention, ça décoiffe !


Direction la plateforme de saut, à 300 mètres de hauteur

Me voilà en chemin pour KL Tower. Je lève les yeux au ciel pour tenter d'apercevoir des BASE jumpers et vois une silhouette, puis deux, puis trois se jeter du haut de la tour.

Arrivée au pied de KL tower, je suis poussée dans l'un des ascenseurs au milieu d'une quinzaine d'hommes. Certains sont tatoués, un ou deux ont des piercings, ça parle anglais bien sûr et français ! L'ambiance est détendue, ça rigole, ça se chambre. Pas de doute, je suis au milieu d'un groupe de BASE jumpers. Me voilà tout de suite dans le bain. Direction l'Open Deck, à 300 mètres de hauteur. Les hommes descendent deux étages avant celui-ci pour aller se préparer. J'apprendrai plus tard que c'est là qu'ils  "plient" leurs parachutes.

Je me retrouve seule avec un photographe et un organisateur. Arrivée à l'aire de saut, on me demande si je veux un harnais. Dans quoi me suis-je donc embarquée ? J'hésite. On me dit que je ne pourrai résister à l'envie de me pencher dans le vide pour suivre les jumpers des yeux jusqu'à leur atterrissage.

Bien vu, en moins de cinq minutes, je suis assise au bord du vide au milieu des photographes et des invités des jumpers. Tous veulent être au plus près de la plateforme de laquelle les sportifs s'élancent.

 

Mais au fait, qu'est-ce que le BASE jumping ?

Contrairement au parachutisme classique (en saut d'avion), le BASE jumping consiste à sauter d'un point fixe. Les quatre lettres qui composent le mot B.A.S.E. sont les initiales des quatre types de saut que l'on peut effectuer : B pour immeuble (building), A pour antenne (antenna), S pour pont (Span signifie en réalité la travée d'un pont) et enfin E pour la terre (Earth), autrement dit, les falaises.

En réalité, les BASE jumpers pratiquent essentiellement du saut de falaise, tous les autres étant interdits dans la grande majorité des pays. Le "E" de BASE-jump est assimilé à du paralpinisme, sport de montagne autorisé et dont les pratiquants sont assurés. Beaucoup de jumpers français habitent d'ailleurs en Savoie ou près d'Annecy. Ils sont conscients d'être "gâtés avec les Alpes et la Suisse à côté". Finalement le base-jump est avant tout, et pour de nombreux pratiquants, un sport de montagne et ses adeptes sont pour beaucoup des amoureux de la nature. Leur plaisir est de s'adonner à quelques heures de grimpette pour quelques secondes de vol. Fred Fugen a eu l'occasion de sauter aux quatre coins du monde. Les spots (endroits d'où l'on saute) qui l'ont marqué sont les falaises de Norvège dont certaines culminent à 1.000 mètres d'altitude mais aussi les paysages de Guadeloupe vus du ciel. Et puis, "on a tendance à l'oublier, ajoute-t-il, mais on trouve juste à côté de chez nous, à Chamonix des spots grandioses ".

Si c'est ainsi qu'ils prennent le plus de plaisir, les jumpers sont bien souvent obligés de commencer par sauter des ponts, le spot le plus simple de l'avis général. Pour les sauts de buildings interdits, si l'adrénaline est au rendez-vous, le stress aussi. Il faut y aller de nuit, "s'habiller en noir". " C'est comme une mission ", explique Fred, mais " avec la peur de se faire attraper, on prend moins de plaisir". Il avoue tout de même que sauter de la Tour Eiffel est un rêve pour tous les BASE jumpers, surtout français !

Le KL Tower Jump est donc unique en son genre ; très peu de sauts de buildings sont organisés et encadrés de cette façon. Le nombre d'évènements de ce type se compte sur les doigts de la main. C'est une occasion inespérée pour les jumpers du monde entier de se réunir, de se rencontrer, de s'amuser et d'enchaîner les sauts quatre jours durant de manière libre et sécurisée. 92 jumpers d'une quinzaine de nationalités étaient présents même si l'Australie, la France, la Russie et les Etats-Unis représentaient le gros des troupes. Une quinzaine de sauteurs français avaient fait le déplacement pour ce 'boogie'', comme on dit dans le jargon.

 

 

Sauter de KL Tower ? De la rigolade
A l'Open Deck, l'ambiance est bon enfant. Les jumpers qui sont à la queue leu leu, se filment les uns les autres avec leurs petites caméras accrochées à leur casque. Ils s'encouragent, se tapent dans les mains avant de s'envoler, font des blagues, et les "Bon saut mec" fusent de partout. L'heure est à la franche rigolade. Et les Français ne sont pas en reste, certains sont même le centre de l'attention. Mes voisins me soufflent que le jumper au pull vert est très fort. C'est un Français ! Il s'agit de Jean-Philippe Teffaud. Lui et son ami Fred Fugen sont considérés comme l'élite de la discipline.

Contrairement à ce que pourrait penser un spectateur non averti, ce spot est "super safe" comme l'explique Oliver. "C'est moins dangereux que de faire de la moto par exemple. Ici on est comme à la piscine !" ajoute Aurélien. "On peut faire les cons ! " renchérit Fred Fugen. Ils en profitent pour faire des figures, sauter à deux ou trois. Certains jouent même les Tarzan, se balançant à une corde à plus de 300 mètres du sol avant de sauter dans le vide. L'an dernier, les meilleurs avaient fait jusqu'à 80 sauts sur les quatre jours. La plupart en font moins d'une dizaine par jour. Tout dépend du temps de pliage. Alors que la majorité met entre 20 et 30 min à plier, JP Teffaud et Fred Fugen en mettent seulement 10.

 

Le BASE jumping dans la filiation du saut d'avion
Yves Escudier, lui, met presque une heure à plier le sien. Ce BASE jumper français est âgé de 63 ans ! C'est le doyen du boogie. Ce gérant d'un hôtel restaurant est venu accompagné, comme toujours, de son épouse Anne. Yves a commencé à faire du parachute en 1977. Puis, il a rencontré Anne, s'est marié et a eu des enfants. Alors, pour les élever, le sportif a mis un terme à sa passion en 1985 même si son épouse confie qu' "au fond, il a toujours su qu'il reprendrait un jour". Une fois ses enfants autonomes et adultes, il a rempilé en 2002. "On m'avait dit que c'était comme le vélo, que ça ne s'oubliait pas, eh bien c'est vrai !" confirme le sexagénaire. Il a repris tout doucement puis, un jour, il s'est dit qu'il sautait en parachute "comme on sort de la salle de bain" selon ses propres mots. Alors, Yves Escudier s'est mis au BASE jumping pour retrouver une dose d'adrénaline supplémentaire. "C'est la continuité logique du parachute". Tous les BASE jumpers ou presque ont commencé comme ça.

Les BASE jumpers qui parviennent à vivre de leur passion sont très peu nombreux. La grande majorité exerce un métier à côté. Fred Fugen y arrive, parce qu'il ne se cantonne pas au BASE jump. Il fait environ 500 sauts d'avions et 150 sauts de base-jumping par an, mais il a déjà atteint les 1.400 sauts en un an, toutes catégories confondues ! Lui et Vince Reffet sont multiples champions du monde de FreeFly, discipline qui consiste à enchaîner les figures dans les airs après avoir sauté d'un avion. Il enseigne et donne des cours de perfectionnement de parachute, fait des tests pour des fabricants de wingsuits (combinaisons de saut qui se gonflent d'air et permettent de planer) mais aussi pour des simulateurs de chute libre. Le Français est sponsorisé par Redbull depuis un an parce qu'il est l'un des seuls au monde à sauter tête en bas. D'ailleurs, il a récemment battu à Chicago avec 137 autres personnes le record du monde de FreeFly. Cela consiste à réunir le plus grand nombre de personnes accrochées les unes aux autres, la tête en bas en chute libre. Pour se faire, les sauteurs montent en avion à près de 6.000 mètres d'altitude !

Une question vient à l'esprit lorsqu'on voit ces hommes sauter ainsi dans le vide : Sont-ils fous ? Pas tant que ça? "Tout est calculé" explique Aurélien, "il y a tout un travail d'analyse au préalable".  "Parfois, il m'arrive de redescendre à pied d'une montagne que j'ai mis des heures à gravir parce que je ne le sens pas". Et puis, "les fous ne durent pas dans la discipline", ajoute-t-il. Malgré les conditions de sécurités réunies, notons que 2 ou 3 jambes ou pieds cassés sont à déplorer, mais, selon les participants, "1 ou 2 accidents alors qu'on était plus de 90 participants, ce n'est vraiment pas grand chose !".

Si le KL Tower Jump vous a donné des idées, rappelons que le parachutisme classique constitue l'étape obligée avant de commencer le BASE jumping. Sachez tout de même qu'il existe quelques écoles de BASE jumping aux Etats-Unis et en Norvège.

Texte et photos de Camille Bondu (www.lepetitjournal.com/kuala-lumpur.html) Mardi 2 Octobre 2012

logofbkl
Publié le 1 octobre 2012, mis à jour le 21 novembre 2012
Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.

Flash infos