Le French May Arts Festival propose ces jeudi 8 mai et vendredi 9 mai deux concerts exceptionnels dirigés par Christoph Koncz, avec le violoncelliste star Gautier Capuçon en tête d’affiche. Nous avons eu la chance de l'interviewer à ce sujet et sur son parcours. Rencontre avec un artiste reconnu comme l’un des plus grands violoncellistes de sa génération, passionné par la transmission.


Je fais partie d'une famille de musiciens
Pouvez vous présenter votre parcours ? Quand avez-vous fait la rencontre de la musique et surtout du violoncelle ?
Je suis le troisième d’une famille que je présente comme musicienne. Mes parents ne sont pas musiciens, mon père était fonctionnaire dans les douannes et ma mère était femme au foyer. Puis ils ont découvert la musique lors d’un festival d’été, festival des arts, qui donnait des concerts gratuits tous les soirs. Par la suite, ils ont voulu que leurs enfants jouent de la musique. Ma sœur aînée de dix ans, Aude, a commencé le piano puis mon frère, Renaud, qui a cinq ans de plus que moi, a débuté le violon. Ainsi, quand je suis né, je suis né dans une famille de musiciens car il y avait déjà de la musique à la maison. La musique est donc vraiment ma langue maternelle.
J’ai fait d’abord un mois de violon dont je n’ai aucun souvenir. En revanche, le violoncelle a été un coup de foudre immédiat. J'ai donc commencé mes études au Conservatoire de Chambéry avec un professeur extraordinaire, Augustin Lefebvre. J'ai ensuite travaillé à Paris avec Annie Cochet-Zakine, qui m'a suivi pendant dix ans. Puis au CNSM de Paris c’est Philippe Muller qui m’a guidé, et enfin Heinrich Schiff à Vienne, en Autriche. Ce sont tous des professeurs exceptionnels qui, tout en m’enseignant, m'ont laissé développer ma propre personnalité. J'ai eu beaucoup, beaucoup de chance et je sais tout ce que je leur dois.
Musicien, c'est avant tout de la discipline
Qu’est-ce-que le métier d’artiste pour vous ? Comment le vivez-vous ?
Le métier d'artiste, oui, c’est de la discipline et de la rigueur. Mais c'est également une passion. Sans passion, je ne pense pas qu'on puisse faire ce métier. Ce métier, consiste à partager des émotions, de les donner, de les vivre. Évidemment, il y a beaucoup de travail, un travail d'exigence, d'excellence. C’est donc un métier où il s’agit de trouver le juste équilibre sur scène entre cette exigence extrême et le plaisir.
L'exigence ne doit pas tuer le plaisir et les émotions, car c'est pour cela que nous sommes sur scène. Nous transmettons les émotions d'un compositeur, nous partageons les nôtres aussi tout en recevant celles du public. Mais bien sûr, cela exige beaucoup de discipline, de rigueur, ainsi en tournée c'est comme être un athlète de haut niveau. On fait attention à notre corps, on préserve notre sommeil, notre alimentation. Je fais du jogging autant que possible, tous les jours quand je peux, c'est un peu ma soupape de sécurité.
Mais en tout cas, je mesure la chance que j'ai, ce privilège de faire de la musique et de pouvoir transmettre et partager toutes ces émotions.
Je continue toujours d'apprendre
Quel a été le déclic qui a fait de vous le virtuose Gautier Capuçon ? Et quelle est l’inspiration qui conduit toute cette force et cette justesse lors de vos représentations ?
Je ne sais pas si je dois être considéré comme un virtuose, je me considère juste un musicien. La route est longue. On n'arrête jamais d'apprendre et c'est ce qui est fascinant dans chaque concert, chaque répétition. On apprend encore et toujours. Je pense qu'une vie ne suffit pas pour apprendre tout en musique et dans le reste d’ailleurs, car on est inspiré par chaque rencontre qu'elle soit musicale ou autre.
Nous essayons de nous rapprocher dans chaque concert de la quête de vérité de ce qu'un compositeur, décédé la plupart du temps, souhaitait et imaginait. Mais n'y a-t-il qu'une seule vérité ? Non, je ne le pense pas. Lorsqu'on a la chance de travailler avec des compositeurs contemporains, on se rend compte qu'il existe une multitude de façons d'interpréter une œuvre. C'est ce qui fait la richesse de la musique, chaque interprète apporte sa propre histoire, sa propre interprétation et sa propre vision.
Pour moi, jouer c'est transmettre des émotions
Que ressentez-vous avant de jouer ? Et quelles sont vos habitudes avant de monter sur scène ?
Du stress, de la joie, il y a l'adrénaline d'un avant-concert, l'excitation, le stress, l'envie de bien faire. Mais qu'est-ce que bien faire ? Il ne s'agit pas seulement de bien jouer les notes. Encore une fois, il s'agit de transmettre ces émotions.
Avant un concert, je n’ai pas tant d’habitudes que ça si ce n’est que je dors avant, pour me recentrer pleinement sur moi-même. C'est comme commencer une deuxième journée après une sieste dont le but ultime est le concert.
Que ressentez-vous à l’idée de vous produire à Hong Kong ? Existe-t-il une particularité chez le public de Hong Kong ?
Je trouve que le public est extrêmement enthousiaste et jeune, cela me frappe plus généralement en Asie.
Je trouve ça vraiment extraordinaire de rencontrer un public extrêmement jeune, extrêmement enthousiaste et connaisseur en même temps. Je vois beaucoup de jeunes musiciens à chaque concert, et c'est vraiment - je le répète - extraordinaire.
Shostakovitch est un pilier pour les violoncellistes
Quel est votre objectif pour cette série de concerts ? A quoi doit s’attendre le public ? Quel est votre message à travers cette œuvre ?
Ce concerto de Shostakovitch est l'une des œuvres emblématiques du répertoire pour violoncelle et orchestre. Il a été composé pour le grand violoncelliste Mstislav Rostropovitch. Il représente toute l'histoire de Shostakovitch, que nous sommes amenés à célébrer cette année.
Mais pour nous, violoncellistes, c’est une œuvre pilier du répertoire pour violoncelle et orchestre. C'est une œuvre extrêmement intense, tant émotionnellement que physiquement. C'est l'un des concertos les plus intenses et les plus exigeants physiquement. Il faut être dans une forme presque athlétique pour pouvoir terminer musculairement cette œuvre.
Je suis très heureux de jouer pour la première fois avec le Hong Kong Philharmonic. Nous n'avions jamais eu l'occasion de jouer ensemble auparavant. Je suis donc vraiment ravi de cette première collaboration avec eux. Et je suis également très ravi de retrouver Christophe Koncz, un ami de longue date, avec qui nous avons joué le même concerto de Shostakovitch en France il y a trois semaines.
Je veux accompagner une nouvelle génération
La jeunesse c’est quelque chose qui vous tient à cœur, pourtant la musique savante semble parfois inaccessible ou plus lointaine des nouvelles générations, quels conseils pourriez-vous donner à ces derniers ?
Oui, la jeunesse me tient sincèrement à cœur. Rendre la musique classique encore plus accessible, c'est vraiment quelque chose qui m’est cher. Sortir des salles de concert, c'était le projet d'Un été en France que j'avais imaginé pendant la pandémie de COVID-19, et qui repose justement sur le fait de rencontrer le public. Aujourd'hui, on rend la musique accessible dans les salles de concert, on ouvre les portes, on ouvre les répétitions, et c'est formidable car on voit que beaucoup de travail a été fait ces dernières années, mais, il faut aussi aller à la rencontre du public dans des endroits où l'accès à la musique classique est plus restreint. Et surtout, le défi est de la rendre plus populaire auprès d'une jeune génération qui ne connaît pas forcément la musique classique, ou qui n'a pas eu l'occasion d’en faire connaissance pendant son éducation. C'est là aussi l'un des objectifs de mon rôle d'ambassadeur auprès d’Orchestre à l'École et de ses 42 000 enfants qui apprennent à jouer d'un instrument à l'école.
Également, pour soutenir et accompagner toute cette jeune génération d'instrumentistes depuis la création de ma fondation en janvier 2022, nous accompagnons les jeunes musiciens de 18 à 25 ans, violon, alto, violoncelle et piano. Il est extrêmement important de les soutenir. J'ai eu la chance d'être soutenu quand j’étais beaucoup plus jeune, et je pense qu'il est tout à fait évident, à mon tour, de les soutenir aujourd'hui. Nous comptons actuellement 26 lauréats qui viennent du monde entier à qui nous offrons une bourse annuelle de 10 000 euros, reconductible pour deux ans. Le deuxième axe de cette fondation concerne les concerts puisque nous en organisons une centaine par an pour eux. C'est une fondation très jeune, où nous sommes très peu nombreux, seulement deux à nous en occuper. Mais nous avons déjà de très beaux objectifs atteints et nous allons bien sûr continuer. Enfin, le troisième axe serait de faire enregistrer les jeunes un disque par an sous le label de ma maison historique, Warner Classics. Quel conseil donnerais-je à ces jeunes ? De vivre leurs rêves.
C'est à nouveau un immense privilège de faire de la musique. C'est évidemment beaucoup de travail, mais c'est un véritable cadeau. Nous avons plus que jamais besoin de musique et même plus largement de culture.
La musique est pour moi une véritable ambassadrice de la paix, sans distinction de couleur de peau, sans distinction de religion, et qui est un véritable lien entre nous tous.
Pour écouter Gautier Capuçon à Hong Kong : cliquez ici
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