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DISPARITION DU MH370 : Florence de Changy, "la version officielle ne tient pas"

Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 19 juillet 2016, mis à jour le 20 juillet 2016

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Deux ans après la disparition du vol de la Malaysia Airlines reliant Kuala Lumpur à Pékin, la correspondante du Monde en Asie Pacifique tente de lever le voile sur « le plus grand mystère de l'aviation civile ».

Le MH370 ne répond plus

Le 8 mars 2014 à 0h40, le MH370 décolle de Kuala Lumpur. A 1h19, le copilote lance son tristement célèbre « Goodnight ! Malaysian 370 ». Mais la tour de contrôle d'Ho Chi Minh Ville qui doit réceptionner la prochaine communication du vol après son décollage, n'entendra, ne verra jamais rien. Le MH370 a disparu des écrans dans le Golfe de Thaïlande, dans une zone où une multitude de radars, de satellites, de bases militaires ont leurs yeux braqués ! Et avec lui, les 239 personnes qui étaient à son bord. Pour les familles des disparus, commence alors une longue série de cafouillages, de désinformations, de fausses pistes. Le gouvernement malaisien multiplie les erreurs de communication et livre très peu d'éléments sur l'enquête, certains sont, de toute évidence, falsifiés : la photo des deux Iraniens montés à bord avec de faux passeports, la liste du contenu de la cargaison, les fameuses images radar de l'avion faisant demi-tour, la bande son des échanges entre le cockpit et le contrôle aérien? L'Australie reprend ensuite la direction des recherches, engageant sans succès d'énormes moyens matériels, scientifiques et financiers et apporte elle aussi son lot d'incohérences.

Deux ans d'investigation

De Kuala Lumpur à Canberra, de la Chine aux Maldives, en passant par Paris et la Réunion, Florence de Changy a rencontré de nombreux témoins impliqués dans l'affaire : des dirigeants, des familles amputées à qui la vérité est indispensable, de brillants experts de l'aéronautique, des scientifiques attirés par le défi de l'énigme. Toute une communauté que la journaliste regroupe sous l'appellation de « MHistes ».

Dans cette masse d'informations et de contre-vérités, la journaliste du Monde tire les fils de l'intrigue, tentant de démêler le vrai du faux. Son livre « le Vol MH370 n'a pas disparu » se lit comme un roman d'espionnage. Que s'est-il réellement passé ce 8 mars 2014 ? Florence de Changy revient avec nous sur les principaux éléments de son enquête.

Dans votre livre, vous évoquez trois scénarios qui pourraient expliquer la disparition de cet avion?

La première explication est la plus facile : celle du pilote devenu fou. Elle correspond le plus à ce que la version officielle a donné comme éléments : l'avion qui, après la rupture de contact, est très bien piloté,  fait demi-tour, monte, puis descend intelligemment. Le pilote, Zahari Ahmad Shah, aurait ainsi planifié le suicide parfait. Il serait devenu « amok » ! Un terme malaisien qui désigne quelqu'un devenu subitement fou, qui décide de mettre fin à ses jours, en créant un maximum de dommages autour de lui. Or, après une semaine de rencontre avec ses proches, d'après moi, ce pilote n'est pas le psychopathe que l'on nous a décrit.

Le deuxième scénario serait un incendie éventuellement dû à des batteries au lithium. Je me suis rendue compte que la question du lithium est aujourd'hui très problématique dans l'aviation. Ces batteries sont extrêmement dangereuses. Il y a de plus en plus de règles qui les encadrent. Quand elles brûlent elles atteignent rapidement des températures extrêmement élevées qui pourraient créer un trou dans le fuselage très rapidement. Pourtant, on se dit que s'il y avait eu un incendie, il y aurait eu alerte. Il reste le doute que la Malaisie et la compagnie n'aient pas voulu évoquer cette possibilité par peur d'être accusées de négligence. Mais comme ce problème est apparu récemment, c'est assez peu probable.

Il nous reste alors un troisième scénario, celui que j'ai appelé KISS pour « Keep It Simple Stupid ». L'avion se serait crashé sur place ou quasiment. C'est celui qui semble le plus plausible. En effet, aucune des preuves avancées qui plaident pour une poursuite de la trajectoire de l'avion n'a été définitivement établie. L'avion se serait désintégré en vol. On aboutit ainsi à la conclusion de la catastrophe de type militaire. Mais alors, bavure ou véritable intention ? Il faudrait encore comprendre ce qu'il y avait dans cet avion qui ne devait pas arriver à bon port.

Ceci expliquerait-il que l'on n'ait pas retrouvé de débris certifiés ?

Dans le cas d'un tir de missile, il semble que certaines technologies soient tellement puissantes qu'elles peuvent détruire un avion sans laisser beaucoup de morceaux. Mais, même s'il y en avait eu, les premiers jours les recherches n'ont pas porté sur les zones où les signes de débris étaient les plus probants. Plusieurs pistes évoquaient des débris dans cette zone mais personne ne semblait regarder dans cette direction. Aux images d'une apparente nappe de kérosène, on nous a même répondu une fois qu'il s'agissait d'une barrière de corail !

Fin mars 2014, l'Australie prend la direction des recherches, dans une zone de l'océan Indien, établie sur la base de calculs autour de signaux qu'aurait émis l'avion. Dans votre livre, vous remettez en cause cette opération?

Oui, avec ce livre j'ai recreusé dans ces recherches australiennes. Je ne m'étais pas rendue compte à l'époque de toutes ces invraisemblances. Il y avait un vrai décalage entre ce que disaient les experts très professionnels qui menaient les recherches et les communicants. Et quand l'un a parlé aux médias longtemps après, il a été contredit aussitôt sur la même chaine. Les méthodes de recherche étaient aussi discutables. Dans ces conditions, il était aisé de confondre un bip de boite noire avec un requin blanc !

Que penser alors des débris retrouvés récemment dans l'océan Indien, au Mozambique, en Afrique du Sud et aux Maldives ?

C'est très problématique ! Cela interroge une presse qui reprend sans grand recul les histoires proposées par les enquêteurs. Le supposé débris du Mozambique, par exemple, a été trouvé par l'une des personnes évoquées dans le livre. Avant cette affaire, cet homme cherchait l'arche perdu? Depuis deux ans, il dépense beaucoup d'argent pour retrouver le MH370. Au cours de l'enquête, j'ai eu des doutes sur ses méthodes. Lors d'un voyage aux Maldives, j'avais écarté de façon assez certaine le scénario selon lequel des habitants de certaines iles isolées auraient vu passé le MH370. Or, cet homme a fait ensuite le même voyage, mais n'a pas eu les mêmes conclusions ! Je me suis demandé s'il cherchait vraiment la vérité. La piste du Mozambique lui a été soufflée par un expert australien, qui lui a dit avoir étudié les courants. Il se rend sur place, et un débris apparait ! Un officiel américain anonyme déclare qu'il pourrait bien s'agir d'un morceau d'un Boeing 777, il est repris par l'AP (Associated Press) et il devient « hautement probable » qu'il s'agisse d'un morceau du MH370 !

Rappelons qu'au début de l'enquête, un ministre australien avait déclaré que les débris ne pouvaient flotter plus de 52 jours. On peut donc raisonnablement s'étonner que plus de 700 jours après, cinq débris soient retrouvés dans l'océan Indien ! Heureusement, il reste des gens sérieux qui posent des questions sur ces débris. Attention, je ne dis pas que de façon certaine que ce n'en sont pas. Mais, s'ils le sont, il faut le prouver. C'est comme pour le flaperon, le morceau d'aile, retrouvé à la Réunion. Il avait suscité de très grands espoirs, mais aujourd'hui rien ne prouve qu'il ait appartenu à l'avion.

Tous les éléments troubles de cette affaire donnent le sentiment que l'on vit dans un monde incertain, fait de storytelling.

Dès que l'on plonge dans ces affaires, on découvre que les versions officielles ne sont pas toujours les bonnes. C'est encore plus vrai dans l'histoire du MH370. Les Anglais ont d'ailleurs une expression pour cela : « Don't let the truth get in the way of a good story. » D'une façon générale, la presse ne sort pas grandie de mon livre.

Comment votre ouvrage a-t-il été reçu par les familles de victimes ?

Pour le moment, le livre n'existe qu'en français, il est traduit en anglais mais est en attente d'un éditeur. Donc les familles ne l'ont pas encore lu. Seul Guyslain Wattrelos, le père de famille français qui a perdu sa femme, sa fille, l'un de ses deux fils, accompagné de sa petite amie, m'a dit que le livre lui avait fait du bien. Il a l'impression de répéter ses convictions, mais il n'est pas journaliste. Il n'avait pas de preuve. Moi, je ne suis pas partie prenante dans cette affaire.

Finalement, à ma grande surprise, je n'ai pas eu beaucoup de détracteurs. Je pense que le sérieux de l'enquête paie. L'ouvrage a été tiré à 10 000 exemplaires, et très vite l'éditeur a décidé de réimprimer. Je pense que le sort du vol MH370 intéresse encore les Français.

Propos recueillis par Johana Burloux (www.lepetitjournal.com/hong-kong) reprise du 7 avril 2016

Infos pratiques :

« Le vol MH370 n'a pas disparu », Éditions Les Arènes, 266 p.

Florence de Changy sera en dédicace a la Hong Kong Book Fair ce soir entre 18H45 et 20H15

Venue: Room S222-223, Hong Kong Book Fair, Hong Kong Convention and Exhibition Centre

More details: http://goo.gl/DpPwsj 
To register: http://goo.gl/u18cZD

lpj 20
Publié le 19 juillet 2016, mis à jour le 20 juillet 2016

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