CONSULAT - Une année à Hong Kong et Macao, bilan et perspectives avec Arnaud Barthélémy

Publié le 30 juillet 2013, mis à jour le 14 janvier 2014

Monsieur Arnaud Barthélémy, consul général de France à Hong Kong et Macao a reçu lepetitjournal.com pour dresser un bilan de l'année consulaire 2012 et évoquer les perspectives 2013.

Monsieur Arnaud Barthélémy, consul général de France à Hong Kong et Macao
Crédit photo : consulat général de France à Hong Kong et Macao

Lepetitjournal.com : Pourriez-vous donner une image de la communauté française telle que se présente à la fin de l'année 2012, à Hong Kong et à Macao ?

Monsieur Arnaud Barthélémy : Au 31 décembre 2012, 10.728 Français étaient inscrits à Hong Kong et après les Britanniques, c'est de loin la première communauté européenne présente sur le territoire. Cette présence est massive et en croissance : elle a doublé entre 2006 et 2012 et suit une tendance d'augmentation de 10% par an. A Macao, la communauté compte 217 inscrits mais la croissance est y est plus marquée puisqu'elle a doublé entre 2008 et 2012.

Quant au nombre de Français effectivement présents, personne ne peut le dire avec certitude mais les estimations de 16.000 à Hong Kong et de 350 à Macao sont sans doute proches de la réalité.
En termes qualitatifs, cette communauté se caractérise par sa jeunesse (31% de moins de 18 ans, 36% de 26-40 ans) et son niveau d'éducation (selon les catégories INSEE, on enregistre 90% de cadres et de professions intellectuelles supérieures). Le phénomène le plus important est sans doute la présence de plus en plus marquée des jeunes.
L'image de la communauté française c'est donc une population nombreuse, en croissance, jeune et diplômée ?

Vous la côtoyez depuis maintenant deux ans, qu'est ce qui caractérise à votre avis le mieux cette communauté française à Hong Kong ?

C'est une population dynamique et soudée parce qu'elle est animée par des associations efficaces telles que Hong Kong Accueil, la Chambre de Commerce française, l'UFE, l'ADFE et je pense aussi aux deux fonds de solidarité qui montrent cette cohésion.

Ce qui me frappe aussi c'est le discours que me tiennent mes interlocuteurs : "vous les Français, vous êtes nombreux, vous venez avec vos traditions, vous venez avec votre culture, vous venez avec votre nourriture via les épiceries françaises et évidemment les restaurants français". Ce qu'ils remarquent, c'est ça : une communauté nombreuse attachée à sa culture et qui est appréciée.

Ce que je perçois enfin, c'est que la communauté française se porte bien et se sent bien à Hong Kong : j'entends peu de Français s'y plaindre de leur vie.

? et à Macao ?

A Macao, la communauté est plus petite mais elle est assez structurée aussi. Une association y a été créée récemment, la FMBA (France Macao Business Association) et elle fait un travail remarquable avec déjà 90 adhérents. J'ai participé au diner de gala organisé le 14 décembre et c'était un très beau succès avec beaucoup de personnalités importantes. La présence économique française à Macao est spectaculaire. Avec une part de marché de 10%, la France est le troisième exportateur à Macao après la Chine continentale et après Hong Kong et loin devant les autres. Nos exportations à Macao - beaucoup d'exportations de produits de luxe - ont été multipliées par six depuis 2005 et enregistrent une croissance de 56% entre 2011 et 2012.

Pour revenir à la communauté française de Hong Kong, quels ont été les moments les plus marquants et ce que vous retiendrez de l'année 2012 ?

Trois événements importants pour notre communauté :
- les élections pour lesquelles la participation a été très élevée et le vote par Internet un grand succès, choisi par 71% au premier tour.
- la 20ème édition du French May.
- l'ouverture du site de Chai Wan pour le lycée français

En termes de relations bilatérales entre Hong Kong et la France, l'année 2011 avait été marquée par l'entrée en vigueur de l'accord fiscal entre les deux juridictions, que faudra-t-il retenir pour l'année 2012 ?

D'abord, un bel événement, le 150ème anniversaire des relations France-Hong Kong avec une présence ministérielle en la personne de Madame Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger. J'ai été heureux de pouvoir lancer cet événement à la résidence de Mme Carrie Lam, numéro deux du gouvernement, qui nous recevait. Ce fut un très grand honneur. A cette occasion, nous avons publié un livre Hong Kong, présences françaises qui a été très bien reçu et qui doit beaucoup à François Drémeaux, professeur d'histoire-géographie au lycée français ainsi qu'à mon adjointe, Agnès Humruzian.

Ensuite, le French May dont nous fêtions la vingtième édition en 2012 et qui a lui aussi eu l'honneur d'un lancement à la résidence du numéro deux du gouvernement.

Enfin, la mise en ?uvre de l'accord entre l'Agence nationale de la recherche (ANR) et le Research Grants Council (RGC) en matière de coopération scientifique. Il avait été conclu et signé en décembre 2011 mais il a porté ses effets en 2012. Il prévoyait jusqu'à 2 millions d'euros de financement pour des projets de recherche conjoints. Après appel à projets piloté par une équipe de professionnels indépendante, quatre projets ont été sélectionnés : deux en matière de chimie, un en matière de nouvelles technologies de l'information, et un en matière de sciences humaines. La totalité des financements proposés ont pu être utilisés parce que les projets étaient de qualité. Ce qui est intéressant, c'est que la France soit perçue comme un partenaire crédible en matière scientifique pour contribuer à la diversification de l'économie hongkongaise, un sujet important pour les autorités locales.

? Et quel chantier espérez-vous voir aboutir en 2013 ?

Il faut toujours être prudent dans ce domaine mais il y a un sujet important qui est la facilitation des échanges de jeunes entre la France et Hong Kong (ndlr : projet d'accord sur des visas "vacances-travail")

Qu'en est-il à Macao ?

Au-delà des chiffres économiques déjà cités, l'Alliance Française a fait en 2012 un travail remarquable de présence culturelle et de présence linguistique : organisation d'un concert de la francophonie et d'activités culturelles comme un événement Beaujolais nouveau ou l'exposition "Luxinside".
La participation de la ville de Nice aux festivités de fin d'année de Macao a été très riche cette année. "L'exposition sur la ville de Nice" et la contribution du Carnaval de Nice à la Macau Parade organisée par le Bureau des Affaires culturelles de Macao ont été très appréciées. Cette coopération devrait s'accompagner également d'un programme d'échanges entre l'Institute for Tourism Studies de Macao et une école hôtelière et de tourisme importante de Nice, Paul Augier.

Le French May a été également très présent à Macao en 2012 avec deux expositions extrêmement importantes et très visibles, celle de Nathalie Decoster en plein air et celle de Jean-Michel Othoniel "My Way" au musée d'art. Il est facile de travailler avec les autorités de Macao. Elles sont très accueillantes envers nous car nous rejoignons leur objectif de diversifier l'économie locale et de faire de Macao un centre de tourisme et de congrès majeur. Dans ce cadre, notre expertise en matière culturelle les intéresse.

Et s'il y a des chantiers que nous voudrions y voir aboutir en 2013 ce serait d'encourager la poursuite de la croissance de la FMBA et la structuration de la communauté d'affaires en créant une chambre de commerce européenne. Nos partenaires y sont favorables.
Nous appuyons aussi l'enseignement du français dans les universités de Macao. Certaines d'entre elles ont sollicité l'Alliance française pour préparer et organiser des cours en leur sein.

Un commentaire, des impressions sur les visites officielles de l'année écoulée ?

En octobre, Mme Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger a rencontré Mme Carrie Lam. Elles ont pu aborder de nombreux sujets bilatéraux, économiques, scolaires. Outre le lycée qui a besoin de s'agrandir, il faut réfléchir à d'autres offres de formations de français ou en français. Nous soutenons trois initiatives dans le cadre du programme FLAM (Français Langue Maternelle) et nous essayons de travailler avec des écoles hongkongaises locales pour qu'elles enseignent davantage le français, voire en français. Ce sera d'ailleurs un chantier de 2013,

En mars, nous avions eu la visite de M. Thierry Mariani, ministre des transports. Il existe de belles coopérations entre la France et Hong Kong en matière de transport ainsi qu'en matière d'infrastructures de transport. Lors de cette visite, le gouvernement hongkongais a annoncé l'achat de 30 Renault Fluence ZE, la voiture électrique de Renault et, suite à un nouvel appel d'offre, le gouvernement vient de passer une nouvelle commande pour 81 véhicules électriques supplémentaires.

Nous avons également eu plusieurs visites de parlementaires. Ainsi les visites de Sénateurs représentant les Français établis hors de France : Mme Claudine Lepage, M. Christophe-André Frassa et M. André Ferrand ou la visite du Maire de Bordeaux, M. Alain Juppé lors du Wine & Dine Festival.

L'année 2012 a vu le lancement de la "diplomatie économique", pouvez vous faire un point sur les avancées économiques et les investissements ?

La diplomatie économique est une priorité du gouvernement français présentée lors de la conférence des ambassadeurs de septembre. L'idée est d'aider autant que possible les entreprises françaises qui exportent, les investisseurs français et aussi d'attirer les investissements étrangers en France. A Hong Kong, nous avons conduit une réflexion avec l'ensemble des services compétents du consulat sur ce qu'on pouvait faire, ce qu'est Hong Kong, où se situent les opportunités économiques pour les intérêts français et comment le consulat, au service de l'Etat au sens large, peut aider à cet égard.

Rappelons que la présence économique française à Hong Kong est massive et elle aussi en croissance forte dans tous les domaines : Hong Kong, c'est le deuxième excédent commercial bilatéral pour la France et ce pour la troisième année consécutive et les exportations devraient dépasser pour la première fois 5 milliards d'euros en 2012 contre un peu plus de 4 milliards en 2010 et 2011 et à peine 2 à 2,5 milliards durant la décennie 2000. Ces échanges ne portent pas que sur le vin ou le luxe mais aussi sur l'agroalimentaire, l'aéronautique ou les composants électroniques et finalement, sur des domaines extrêmement diversifiés.
Nous avons identifié un certain nombre de besoins pour lesquels nous pensons qu'il existe une offre française qui pourrait être pertinente et notre travail c'est tout autant d'aider les exportateurs français à trouver des partenaires que d'identifier en amont en France, les sociétés qui disposent de cette offre. Un exemple : pour tout ce qui est architecture culturelle ou architecture durable nous sommes crédités ici d'une vraie compétence. Avec Ubifrance, nous avons donc fait venir l?AFEX, l'association des architectes français à l'export qui ont rencontré les autorités hongkongaises ainsi que des développeurs privés et des architectes locaux, pour les aider à se positionner et à se faire connaitre à Hong Kong.

Si le commerce extérieur est important, il ne peut pas être le seul indicateur et il faut également prendre en compte les implantations locales : 770 entreprises françaises, soit des filiales hongkongaises de sociétés françaises, soit des sociétés hongkongaises détenues par des capitaux français. Elles génèrent 7 milliards d'euros de chiffres d'affaires, plus que les exportations, et emploient 30.000 personnes. La société Dragages qui a emporté le chantier du pont Hong Kong- Macao-Zuhai est un exemple de grand succès.

Hong Kong est une plateforme d'exposition de nos produits aux Chinois et une plateforme de diffusion. Ses avantages comparatifs sont connus : la sécurité juridique et la proximité du marché chinois, des avantages structurels durables et uniques. Certaines études récentes montrent que d'ici quelques années Hong Kong devrait devenir l'un des tout premiers centres financiers au monde, avant Londres et New York. Hong Kong a été premier en matière d'IPO (introductions en bourse) en 2010 et 2011.

Nous avons donc voulu positionner la place de Paris sur les activités liées au RMB offshore qui sont extrêmement importantes et en forte croissance. Paris est la 5è place financière la plus active en la matière et nous avons organisé fin novembre un forum Paris Europlace avec le gouverneur de la Banque de France, 50 journalistes, 350 professionnels, non seulement avec le soutien des banque françaises mais aussi celui de banques hongkongaises et chinoises et la participation de MM. John TSANG (ministre des finances) et Norman CHAN. (Directeur de l'Autorité monétaire de Hong Kong). Ce forum a aussi permis de faire ?uvre pédagogique en rappelant les fondamentaux et les atouts de l'économie française. Les autorités de Hong Kong sont prêtes à coopérer avec nous pour développer ces activités.

? ce que vous voudriez voir aboutir en 2013 ?

Comme je viens de le mentionner, poursuivre le développement du dossier des RMB offshore.
Sur le dossier de voitures électriques, outre le marché gouvernemental, nous espérons le développement des ventes aux utilisateurs privés.

Nous travaillons aussi sur les investissements. Des investissements en France, il y en a eu en 2012 et il devrait y en avoir d'autres en 2013.
2013, devrait également voir l'ouverture d'un Peninsula à Paris si bien que les 3 grandes chaines hôtelières hongkongaises, Shangri-la, Mandarin et Peninsula seront établies Paris.

Dans le domaine scientifique, vous avez parlé de l'accord ANR RGC y a-t-il d'autres coopérations marquantes pour l'année 2012 ou des chantiers particuliers que vous pensez développer en 2013 ?

En 2013, nous continuerons bien évidemment à faire vivre l'accord ANR RGC et au travers de Campus France, nous poursuivrons le développement de la coopération universitaire pour permettre à de jeunes Hongkongais de venir étudier en France (et inversement). Dans ce domaine, on enregistre une croissance de 10% par an. Beaucoup de ces jeunes viennent en France pour des études commerciales du fait d'un bon rapport qualité-prix de nos formations.

Nous pouvons aussi mentionner le programme des bourses financées conjointement par le consulat et le Chapitre de Hong Kong du club de la légion d'honneur. Cette année, nous avons fait passer le nombre de bénéficiaires de 80 à 100 et nous allons maintenant essayer de densifier le programme de ces étudiants pour, qu'au-delà du simple stage linguistique dont ils bénéficient, ils puissent aussi y ajouter des projets spécifiques ou des stages en entreprise. C'est un peu lié au projet des visas vacances travail.

Il y aurait encore beaucoup à dire avec de nouveaux partenariats universitaires qui se lancent ou le développement de programme de bourses comme le programme l'Oréal-HKU-Institut Pasteur ou celui avec le cabinet d'avocat TMA, Thomas Mayer Associate.

Dans le domaine culturel, voulez vous faire un point sur ce qui aura le plus marqué l'année 2012, la 20e édition du French May ?

Le 20e anniversaire du French May n'est pas passé inaperçu avec une édition exceptionnelle qui a fait date et a confirmé l'institutionnalisation du French May soutenu par les autorités hongkongaises et par le Jockey Club.
L'exposition Picasso a été un immense succès avec plus de 300.000 visiteurs mais elle ne doit pas cacher la richesse et la densité d'un programme financé par un budget beaucoup plus élevé que les années antérieures et pour lequel nous avons réussi à trouver tous les financements.
Au travers d'expositions de plein air, Nathalie Decoster à Macao ou Bernard Venet à Tsim Sha Tsui, nous avons fait de l' "outdoor" et de l' "outreach" pour donner un peu de pédagogie autour de l'art et toucher ainsi ceux qui ne vont pas forcément au musée. Hong Kong souhaite devenir une plate forme artistique et nous souhaitons y contribuer
Cette année, le French May, c'était aussi une présence très forte à Macao.

Le French May est devenu une marque forte et reconnue que nous devons gérer. Le festival se décline déjà en matière de mode et de gastronomie (50 restaurants partenaires dont sept restaurants étoilés, 100 points de vente partenaires en 2012) et nous allons continuer. La déclinaison de cette image fait partie de la stratégie de la diplomatie économique.

? et les chantiers majeurs de l'année 2013 ?

En 2013, nous aurons une exposition extrêmement importante à Macao dans le cadre du French May sur les trésors des palais impériaux de Napoléon, des pièces qui n'ont jamais voyagé.

Je peux également indiquer que le French May 2013 aura un thème structurant qui tournera autour des années folles, les années 20.

Indépendamment du French May, nous allons aussi travailler avec les galeries françaises qui sont de plus en plus présentes à Hong Kong et avec lesquelles nous créons des synergies comme ce fut le cas pour l'exposition "Inside Out" de JR pour laquelle le consulat a intercédé auprès des autorités locales.

Et en matière de francophonie, quelles actions plus particulières sont menées ?

Nous en avons déjà mentionné quelques unes pour Macao. Nous travaillons aussi beaucoup avec l'AFLE, l'Association des professeurs de Français Langue Etrangère qui est très dynamique. On peut mentionner par exemple un événement important qu'a été cette année le concours oratoire des universités du Delta de la Rivière des Perles à Canton.
Dans le cadre du French May, nous avons également organisé une "masterclass" avec la chanteuse Mouron qui est venue spécialement pour entrainer des étudiants hongkongais à chanter et les préparer à un concours de chansons françaises.

Nous allons continuer ces actions en 2013 avec l'AFLE et les autres communautés francophones, belge, suisse et canadienne. Si le programme n'est pas encore totalement établi, une semaine de la francophonie est d'ores et déjà prévue du 16 au 23 mars 2013.

Pour conclure sur un plan plus personnel, quels sont vos "coup de c?ur" hongkongais et macanais ?

Spontanément, ce qui me frappe aussi bien à Hong Kong qu'à Macao, au delà de la densité urbaine et de l'activité qui y règnent, ce sont les coins de nature, charmants. A Macao, j'étais récemment à Coloane, l'île qui est tout au sud de Macao. On y trouve un temple somptueux et une petite place de village portugaise avec une église, des restaurants de plein air mais aussi avec un temple chinois. C'est un endroit absolument charmant.
A Hong Kong j'apprécie Cheung Chau et notamment Peak road avec des points de vue qui me font penser à la Méditerranée.

Propos recueillis par Sophie Mabru (www.lepetitjournal.com/Hongkong.html) mercredi 31 juillet 2013

Première publication : mardi 15 janvier 2013