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NO SMOKING – Les trente ans des premières lois anti-tabac à Hong Kong

Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 13 décembre 2012, mis à jour le 23 décembre 2012

2012 marque le trentième anniversaire des premières lois d'encadrement du tabac à Hong Kong. En 1982 la région est l'une des premières à mettre en place de telles mesures qui ont commencé à fleurir à travers le monde dans les années 1970. A cette occasion Lepetitjournal.com revient sur trois décennies de lutte contre le tabagisme.

La Smoking (Public Health) Ordinance de 1982 est la base légale du contrôle du tabac à Hong Kong. Elle a été amendée plusieurs fois au fil du temps pour étendre son champ d'action. A l'origine elle interdisait la cigarette dans les ascenseurs, obligeait les fabricants à inclure un message de prévention sur les paquets et créait des zones non-fumeurs dans les ferries, trains, cinémas et salles de concert. Un an plus tard la taxe sur le tabac est relevée de 300%. Les années 1990 voient le renforcement des mesures : suppression des ventes aux moins de 18 ans, interdiction de fumer dans les centres commerciaux, les supermarchés et les banques (entre autres), élimination de la publicité, création d'aides au sevrage.

Le XXIème siècle n'est pas en reste avec un autre amendement de la loi en 2006 qui marque un tournant dans la lutte contre le tabagisme passif. A partir du 1er janvier 2007, la majorité des lieux couverts publics et professionnels doivent être exempts de fumée. Ils incluent par exemple les restaurants, bureaux, plages, écoles, hôpitaux, marchés et karaokés. De plus les paquets de cigarettes doivent comporter un avertissement en anglais et chinois et préciser le contenu en nicotine et goudron. La publicité sur les points de vente est interdite sauf pour les vendeurs de rue qui avaient jusqu'au 1er novembre 2009 pour s'adapter. Dans le but de protéger la population du tabagisme passif, le gouvernement a progressivement interdit la cigarette dans les quelques 200 plateformes de transports publics. Les arrêts couverts ont été inclus dans l'interdiction entre 2007 et 2009. Près de 130 sites en plein air ont été ajoutés en décembre 2010. Toutefois la règlementation ne s'applique pas aux arrêts desservis par une seule ligne.

Cette législation stricte est peu courante en Asie, continent comptant un grand nombre de fumeurs au premier rang desquels les Chinois avec 300 millions d'amateurs. L'élargissement de l'interdiction en 2007 n'a pas été accepté sans un vif débat où l'industrie des loisirs a clairement montré son opposition. Elle a réussi à obtenir un délai de deux ans et demi avant de voir le tabac interdit dans ses locaux. A l'expiration du répit le 1er juillet 2009, les représentants de ces établissements (bars, clubs, boites de nuit, salons de massage, salles de mah-jong et bains publics) ont montré quelques inquiétudes. Dans un contexte de récession mondiale et d'épidémie de grippe A, l'activité des lieux de loisirs avait déjà chuté. Beaucoup craignaient de perdre leurs clients fumeurs. Bien que la mesure ait été en partie destinée à protéger les employés de ces établissements, certains ne l'ont pas accueillie avec enthousiasme. Selon eux l'application de la loi intervient trop tard, à un moment où ils s'inquiètent plus pour leur emploi que pour leur santé. L'expérience a montré que s'ils ont effectivement perdu une partie de leur clientèle, ils en ont aussi gagné une autre, attirée par l'absence de fumée.

Etat des lieux : quelle est la situation du tabagisme à Hong Kong ?
En 2011 le Département du recensement et des statistiques a publié une étude sur la consommation de tabac du territoire. Elle montre qu'en 2010 11,1% de la population de plus de 15 ans fume quotidiennement des cigarettes. Le taux était de 23,3% en 1982. Ces résultats sont à mettre en perspective car la population hongkongaise a augmenté de près de deux millions les trente dernières années. En valeur absolue on est passé de 890 000 fumeurs en 1982 à 710 000 en 2010.

Le tabagisme est toujours une habitude fortement masculine puisque les hommes représentent 86% des fumeurs. La proportion de fumeurs parmi les hommes passe de 40% à 20% en trente ans et de 5,6% à 3% chez les femmes. A titre de comparaison 22% de la population mondiale fume selon l'Organisation mondiale de la santé. Le tabagisme a diminué ces dernières années dans les pays développés mais a continuellement augmenté dans les pays en développement où se trouve aujourd'hui la majorité des fumeurs.

En termes de pyramide des âges, les plus de 40 ans représentent 62,8% des fumeurs et les moins de 20 ans 1,7%. En moyenne ils consomment 13,4 cigarettes par jour. La pression sociale est très forte puisque 61% des fumeurs quotidiens déclarent avoir commencé sous l'influence d'amis ou de leur famille (9,6%) et 13,6% car cela était "nécessaire" dans leur milieu. Près de la moitié reconnait avoir eu sa première expérience avec le tabac "par curiosité". Un tiers a tenté d'arrêter de fumer mais a échoué et 55% n'ont jamais essayé ni voulu stopper.

Les défis à relever : santé, trafic, respect de la loi
Malgré une consommation en baisse le tabac reste responsable d'environ 7000 décès chaque année à Hong Kong. Les maladies liées ainsi que les pertes de productivité engendrées coutent plus de 5 milliards HK$ par an à la communauté selon l'Office de contrôle du tabac (TCO). A ceci s'ajoutent les coûts des services offerts par le gouvernement : ligne d'écoute et de conseil, programmes de sevrage, sites internet d'information, suivi psychologique. Pour tenter de toucher plus de monde le TCO a même lancé une application pour smartphones en août 2011. Elle vise à accompagner les personnes qui veulent arrêter par un suivi de leur progression et des messages d'encouragement.

Selon l'étude de 2011, 68,2% des fumeurs ont commencé à fumer avant leurs 20 ans. Ils n'étaient que 41,7% en 1982. En conséquence les autorités veulent concentrer leurs efforts sur la prévention auprès des jeunes. Pour cette cible l'argument financier semble être le plus efficace. En augmentant le prix du tabac par le biais de taxes on constate que nombre de fumeurs préfèrent arrêter. D'autres, particulièrement les jeunes, choisissent de ne pas commencer. L'industrie du tabac s'oppose à ces taxes qui inciteraient à se fournir sur le marché noir à un prix inférieur, puisque non taxé. Actuellement 1000 cigarettes représentent 1706 HK$ de taxes. Le budget 2011-2012 a décidé l'augmentation de ces dernières : près de 69% du prix d'un paquet correspondent aujourd'hui à des taxes.

Les derniers mois ont vu plusieurs arrestations de trafiquants opérant souvent en acheminant les cigarettes cachées dans des camions de livraison banalisés. Mais pour éviter ces chemins connus des autorités, la contrebande se tourne vers d'autres canaux de vente. La dernière opération en date a d'ailleurs vu le démantèlement d'un réseau de vente à domicile début novembre. Les 119 personnes arrêtées comprennent des livreurs, des acheteurs et des responsables de logements publics. Les 3 millions de cigarettes saisies avaient une valeur de 7,2 millions HK$. Le réseau opérait grâce à des prospectus envoyés aux résidents de logements publics. Ils pouvaient alors passer commande par téléphone et se faire livrer à domicile pour un prix moitié moins élevé que dans le commerce. Les suspects risquent une amende de 1 million HK$ et jusqu'à deux ans de prison. En 2012 les douanes ont saisi 55 millions de cigarettes de contrebande pour une valeur de 135 millions HK$.

Cependant la plus grande difficulté rencontrée par le gouvernement pourrait être l'application des règles. En effet le contrôle du territoire entier revient à une centaine d'officiers seulement. Ils enquêtent et inspectent les lieux interdits de tabac mais uniquement sur plainte. Il ne leur est pas toujours possible d'arriver à temps et prendre les contrevenants sur le fait. Ces derniers doivent payer une amende de 1 500 HK$ en cas violation de la loi. Les interventions ne sont pas toujours des plus calmes : en 2012, 11 officiers ont été agressés dans le cadre de leurs fonctions. Depuis 2007 ils ont verbalisé 6500 personnes en moyenne chaque année. Des voix s'élèvent pour demander la responsabilité des patrons de lieux publics en cas de violation de la loi. Actuellement seule la personne ayant une cigarette allumée dans un lieu l'interdisant peut être verbalisée. Le dirigeant du lieu en question n'est pas tenu responsable. Par conséquent certains patrons de bar ferment les yeux sur le comportement de leurs clients dans le but de les fidéliser au détriment des établissements appliquant la mesure. Le débat est lancé entre ceux qui souhaitent faciliter l'action du TCO et ceux qui pensent que le contrôle du tabagisme n'est pas le travail des employés de lieux publics.

Gwen Cleroux (www.lepetitjournal.com/hongkong.html) jeudi 13 décembre 2012


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Publié le 13 décembre 2012, mis à jour le 23 décembre 2012

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