S’il prend sa source au Tibet, le Mékong, fleuve mythique s’il en est, irrigue toute la péninsule indochinoise. C’est au sud du Vietnam qu’il termine sa course en un delta à neuf branches, qui abreuve toute la région.
Le changement climatique est néanmoins en passe de bouleverser ce cycle millénaire et aujourd’hui, tous les pays riverains (Chine, Myanmar, Laos, Thaïlande, Cambodge et Vietnam) doivent s’interroger sur le devenir du fleuve, le 4e d’Asie de par son débit, qui doit à tout prix demeurer une ressource majeure pour le développement des pays qu’il traverse.
Les dirigeants des pays membres de la Commission du fleuve Mékong (MRC) étaient d’ailleurs réunis en sommet, ce 5 avril, à Vientiane : l’occasion, pour eux, de prendre le problème à bras-le-corps.
« La demande croissante en ressources pour le développement économique, combinée à l’impact du changement climatique, crée une tension sans précédent sur le bassin du fleuve », a fait observer le Premier ministre vietnamien Pham Minh Chinh.
Le fait est qu’au cours des 10 dernières années, le débit du fleuve a sensiblement baissé (entre 4 et 8%, selon les experts) alors que l’exploitation des eaux, elle, va crescendo.
Pour les pays situés en aval du fleuve, le Vietnam a fortiori, cette baisse du débit a des conséquences pour le moins préoccupantes, avec notamment un phénomène d’intrusion saline dans les terres.
Plus alarmant encore, il est prévu qu’en 2040, le Mékong charriera moins de cinq millions de tonnes d’alluvion par an dans sa partie deltaïque, ce qui pourrait à terme compromettre la subsistance de plus de 20 millions de personnes.
Les pays en aval lourdement impactés
Pour Pham Minh Chinh, il y a là une responsabilité envers les générations futures. Aussi a-t-il appelé l’ensemble des pays concernés à coordonner leurs actions. Il a notamment demandé aux pays membres de la Commission du fleuve Mékong de promouvoir le développement d’une économie verte.
Seul problème, mais de taille, la commission en question ne comprend que quatre des six pays que traverse le Mékong. Ni le Myanmar, ni la Chine n’en font partie. Or, ce sont les deux pays les plus en amont du fleuve. La Chine, notamment, a construit des barrages qui entravent lourdement le débit du fleuve.
Les quatre pays de la Commission du fleuve Mékong, eux, en sont donc réduits à constater les dégâts, qui sont de plus en plus importants. Pour ne prendre qu’un exemple parmi d’autres, il faut savoir qu’en décembre 2022, le débit du Mékong au niveau du lac Tonlé Sap (Cambodge) était deux fois moins élevé qu’en 1995.
Le Vietnam, qui est quant à lui le pays le plus en aval, a de sérieuses raisons de tirer la sonnette d’alarme, d’autant que le delta du Mékong reste une région qui cristallise beaucoup d’ambitions économiques.
L’avenir de toute une région menacé
Témoins les seize projets qui ont récemment été proposés pour développer les liaisons routières, prévenir l’érosion et la sécheresse dans le delta.
Les projets en question ont été soumis par le ministère des Transports et le ministère de l’Agriculture et du Développement rural aux 13 villes et provinces concernées.
On retiendra notamment un projet de route littorale de 415 kilomètres et un autre, de remblaiement, dans la région de Vinh Long.
Le delta du Mékong, qui couvre 40.000 kilomètres carrés, soit 13% de la superficie totale du Vietnam, abrite actuellement 17,5 milions de personnes, soit 18% de la population du pays.
C’est depuis toujours l’un des deux grands « greniers à riz » de la nation, le second étant le delta du fleuve Rouge, dans le Nord.
Voisine de Ho Chi Minh-ville, la région assure la moitié de la production rizicole du pays, 65% de sa production aquacole et 70% de sa production de fruits. Autant dire qu’il y a urgence à la sauvegarder.