Si en France, le 21 juin est le jour de la fête de la musique, au Vietnam, cette date est celle de la journée de la presse révolutionnaire. Mais alors, pourquoi le 21 juin ? Parce que c’est le 21 juin 1925 qu’a paru le tout premier numéro du Thanh Nien, un journal fondé par un certain Nguyen Ai Quoc, c’est à dire par le futur Ho Chi Minh.


1925, donc. A l’époque, le Vietnam est sous domination coloniale. Il est divisé en trois entités – Tonkin, Annam et Cochinchine - qui sont elles-mêmes des composantes de l’Indochine française.
Il n’empêche. Le nationalisme vietnamien existe bel et bien et même si par la force des choses la lutte est clandestine, elle s’organise, à l’étranger au besoin. Nguyen Ai Quoc, lui, fait partie des meneurs. Cela fait maintenant plusieurs années qu’il sillonne le monde et qu’il tente de faire entendre la voix de ses frères vietnamiens, notamment à Moscou, dans cette Union soviétique où la cause des peuples colonisés est prise au sérieux.
Mais en ce printemps 1925, c’est dans le sud de la Chine, qu’il se trouve, plus précisément à Guangzhou. C’est l’internationale communiste, le Komintern, qui l’a dépêché sur place, pour allumer des foyers révolutionnaires en Asie du Sud-Est.

Pour Nguyen Ai Quoc, qui a alors 35 ans, c’est l’occasion rêvée. Non content de fonder une ligue de la jeunesse révolutionnaire du Vietnam, il lui adjoint un organe de presse, qu’il baptise Thanh Nien (Jeunesse).
Une simple feuille ronéotypée
Faut-il le préciser ? Les moyens dont il dispose alors sont dérisoires. Les tous premiers numéros du Thanh Nien sont écrits à la main et ronéotypés. Mais qu’importe…

C’est dans une modeste maison de la rue Wenming que Nguyen Ai Quoc réunit des partisans pour leur dispenser des cours de formation idéologique. Il songe déjà à créer un parti politique d’inspiration marxiste : ce sera chose faite cinq ans plus tard, le 3 février 1930 très exactement, avec la fondation du parti communiste vietnamien.
Mais nous n’en sommes pas encore là. Pour l’instant, Nguyen Ai Quoc doit fédérer les Vietnamiens en exil autour de lui, et comme Lénine avant lui, il est convaincu que la presse est un outil indispensable.
Aussi s’attelle-t-il à la tâche, avec une belle ardeur. Entre 1925 et 1927, c’est lui qui assure la rédaction, l’impression et la distribution du Thanh Nien. Editorial, analyses, actualités, poésie… Bien qu’artisanal, le journal se veut aussi complet que possible.
Semer les graines de la révolution
Une fois imprimés, les exemplaires du Thanh Nien sont acheminés vers Hong Kong, puis discrètement introduits au Vietnam grâce à un réseau clandestin. La distribution n’en demeure pas moins assez irrégulière et sujette à bien des aléas. Cela étant, les militants révolutionnaires n’hésitent pas à recopier à la main lorsque c’est nécessaire, de façon à répandre la bonne parole.
Les autorités coloniales, elles, sont aux aguets. Elles cherchent par tous les moyens à traquer les réseaux de diffusion, mais elles ne parviendront jamais à enrayer la machine.
En 1927, Nguyen Ai Quoc quitte Guangzhou et retourne à la clandestinité. La ligue de la jeunesse prend alors le relais et le Thanh Nien continue à semer les graines de la révolution, avec un style incisif qui fait mouche.
« La France a envahi notre pays dans le but de l’exploiter. Elle considère notre peuple de la manière qu’on élève des poules et des cochons. On élève des poules et des cochons pour en tirer des œufs et de la viande. Si l’on laisse les poules et les cochons s’échapper, c’est une perte. Il faut donc bien les enfermer et les empêcher de s’enfuir »
« La révolution, ce sont toutes les actions par lesquelles un peuple opprimé devient libre et prospère. L’histoire des nations nous enseigne que seule la révolution permet d’obtenir un meilleur gouvernement et une meilleure éducation »
« Ô compatriotes ! La liberté est un droit que le ciel nous a donné. Un homme privé de liberté vaut mieux mort que vivant. Réveillez-vous, réveillez-vous, brisez la cage dans laquelle ils nous enferment ! »
« Dans une nation sous domination étrangère, la première étape de la révolution est de chasser l’impérialisme pour libérer notre peuple. La force révolutionnaire repose sur l’ensemble de la population. Plus le peuple prend conscience de son oppression, plus la révolution devient puissante »
« Après avoir expulsé les Français du Vietnam, nous devons éliminer les contre-révolutionnaires, construire des voies de transport, développer le commerce et l’industrie, éduquer le peuple, et assurer la paix et le bonheur pour le peuple »
« Pour faire une révolution, il faut savoir que la révolution est une tâche commune et qu'il faut mener des missions avec dévouement, intégrité. Il faut aussi savoir que la chose la plus importante dans la réalisation de la révolution est le sacrifice : le sacrifice de la famille, celui de la vie, celui des intérêts et celui des opinions »
Aujourd’hui, le Thanh Nien est bien évidemment sorti de la clandestinité. Il s’affiche même au grand jour. Il faut dire qu’en l’espace d’un siècle, Nguyen Ai quoc est devenu Ho Chi Minh et le Vietnam a recouvré sa liberté et son indépendance, en payant le prix fort, il est vrai.
Qui aurait pu croire qu’une simple feuille ronéotypée allait ainsi contribuer au soulèvement de tout un peuple ?
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