A l'occasion de la Journée du Patrimoine, nous avions rendez-vous samedi matin avec Mr. Le Consul Ly-Batallan pour une visite guidée de la Résidence de France de Ho Chi Minh Ville...
Au numéro 6 du boulevard Lê Duân, se trouve une demeure d'exception : la Résidence de France, magnifique exemple de l'architecture coloniale française au Vietnam de la fin du XIXème siècle. Lieu privilégié des festivités françaises à Saigon, les expatriés inscrits au Registre des Français de l'étranger ont l'occasion de profiter des jardins de la Résidence, notamment lors du 14 Juillet ou encore plus récemment, de la venue du Président François Hollande au Vietnam. Cependant, si la plupart d'entre nous sommes familiers avec son luxuriant extérieur, peu sont ceux qui ont eu la chance de découvrir l'intérieur de la Résidence de France.
Mr Ly-Batallan, Consul général de France à Ho Chi Minh Ville, nous attend derrière les portes de la Résidence pour une visite de son exceptionnel lieu de vie. Suivez le guide?
La visite débute sur le grand perron de la Résidence, mais d'abord, un peu d'histoire? La Résidence a été construite en 1872 par des ingénieurs de la Marine, pour l'amiral Marie Jules Dupré, alors gouverneur militaire de la Cochinchine. Personnage important présidant le « Conseil privé » de la colonie, ses fonctions de représentation devaient se traduire par son établissement dans une résidence prestigieuse. Cette bâtisse est contemporaine des principaux édifices de l'époque, telle que la cathédrale de Saigon (1877-1880).
En 1879, date à partir de laquelle la charge de gouverneur de la colonie fut exercée par un fonctionnaire civil, elle fut attribuée au commandant supérieur des forces armées en Cochinchine. Après les accords de Genève (juillet 1954), qui mettent fin à la guerre d'Indochine, et le retrait du corps expéditionnaire français, elle devient la résidence du représentant de la France auprès de la République du Sud-Vietnam, commissaire général de France pour le premier titulaire, ambassadeur pour ses deux successeurs. En 1965, la rupture des relations diplomatiques entre Paris et Saigon entraîne la transformation de l'ambassade en consulat général. Ce n'est qu'avec les accords de Paris (1973), qui mettent fin à l'engagement américain au Vietnam, que la Résidence retrouve un ambassadeur pour occupant, avant d'accueillir à nouveau un consul général après la réunification du pays, en 1975.
La Résidence est au c?ur du centre historique de Saigon. Occupant à l'origine la totalité du quadrilatère compris entre les rues Lê Duân, Hai Ba Trung, Nguyên Thi Minh Khai et Mac Dinh Chi (la parcelle aujourd'hui occupée par le consulat américain a été vendue aux Etats-Unis en 1967), elle se situait sur le point culminant du « plateau » : surplombant la rivière de Saigon et les terres environnantes (très marécageuses à l'époque), cette corniche offrait un air salubre qui convenait à l'établissement d'une colonie naissante. Aujourd'hui encore, cette zone, qui s'étend sur les districts 1 et 3, reste, avec les représentations consulaires et les grands établissements publics vietnamiens, un centre de décision primordial.
La Résidence a été entièrement rénovée en 2000, en l'absence de travaux importants depuis 1959. Les bureaux actuels du Consulat général ont pour leur part été inaugurés en 2003.
Après avoir gravi le perron, nous découvrons la galerie. A sa création, tous les accès à l'intérieur de la résidence étaient ajourés afin de permettre une totale circulation de l'air. Ce système de galerie ouverte visait à obtenir une ventilation permanente de l'intérieur de la demeure. Ce dispositif permettait de se protéger du soleil, de la pluie, d'atténuer les bruits de l'extérieur, d'apporter un peu de fraîcheur et d'éviter les problèmes d'humidité.
Le carrelage est sublime, on peut voir des exemples dans plusieurs maisons anciennes de Saigon et dans la nef de la cathédrale.
En poursuivant la visite de la galerie, nous découvrons de l'argenterie protégée derrière des vitrines. On distingue des initiales gravées sur les pièces d'argenterie. N pour Napoléon (la conquête du Vietnam a été commencée sous le Second Empire et poursuivie sous la IIIème République) ; GG pour Gouvernement Général (de 1887 à 1945) ; HCVN ou HCF pour Haut-Commissariat de France au Vietnam (de 1945 à 1956) ; RF pour République Française (à partir de 1956).
Nous arrivons ensuite du côté jardin de la Résidence, où se trouve l'escalier de service. En fonte boulonnée, il proviendrait d'un bâtiment de la Marine nationale (il faut se souvenir que la Résidence a été construite par le génie de la Marine). C'est un escalier typique des structures en métal de l'époque Eiffel. Ce dernier monte jusqu'aux combles de la maison, où la charpente est également en métal.
Poursuite de la visite dans le grand salon. Toutes les pièces d'antiquité de la Résidence forment un ensemble assez harmonieux de l'art décoratif ou sacré vietnamien du XIXème siècle et du début du XXème.
On remarque tout de suite les caissons élégants qui sont d'origine. Les motifs centraux sont en céramique.
Puis, notre ?il est attiré par une laque rouge sculptée accrochée au mur. Le tableau a été réalisé par Nguyên Gia Tri, l'artiste sur laque le plus réputé du Vietnam. Les neuf panneaux datent de 1939.
Nous poursuivons à présent dans la salle à manger principale, la petite salle à manger et le petit salon.
Dans le salon principal, la table, peut accueillir vingt-six personnes. Le paravent représente des scènes de la cour impériale de Huê.
La petite salle à manger permet d'accueillir 12 personnes.
Vases dans le petit salon
Nous sortons maintenant pour découvrir le jardin. Plus grand parc privé de la ville, il possède une superficie de 1,5 ha (y compris la Résidence).
Les deux Bouddhas ont été offerts par Mme Messmer, Française de Saigon, lors de son départ définitif du Vietnam en 1960.
La piscine de la Résidence
Au fond du jardin, se trouvent des stèles. Elles proviennent de l'ancien cimetière central de Massiges (aujourd'hui parc Lê Van Tam).
La stèle de droite porte la mention "A la mémoire des militaires français & annamites morts aux champs d'honneur".
A la fin de la visite, Mr le Consul insiste sur la nécessité de protéger de tels bâtiments. Il explique que la Résidence de France fait partie de l'histoire du Vietnam, qu'il faut protéger ce patrimoine, en être fier. En effet, bien que la Résidence de France soit en apparence d'architecture française, il n'existe aucune maison de la sorte en France.
Déborah Newton (lepetitjournal.com/Hochiminhville) 3 Octobre 2016
Crédit photos: Lepetitjournal.com Ho Chi Minh Ville
