Rémy Gastambide, Nguen Bac Ai de son nom vietnamien a une histoire très singulière. Né en pleine Guerre du Vietnam (1969) d’un père soldat américain et d’une mère vietnamienne, il fait aujourd'hui de ceux que l’on appelle les “poussières de vie”. Dans la première partie de cette interview, Le Petit Journal retrace avec lui son histoire personnelle et familiale.


1 - Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Rémy Gastambide, Nguen Bac Ai de mon nom vietnamien. Je suis né au Vietnam en janvier 1969 et je fais partie de ce que l’on appelle les “poussières de vie”, c’est-à-dire les enfants métis nés de soldats américains et d’une mère vietnamienne pendant la Guerre du Vietnam.
J’ai passé (et je passe encore) une grande partie de ma vie à chercher et retracer mon histoire familiale, retrouvant d’abord mon père biologique aux États-Unis et cherchant toujours ma mère au Vietnam, dans la région de Ho Chi Minh-Ville.
J’ai été placé dans un orphelinat de Saigon après ma naissance et ai été adopté par une famille franco-suisse d’universitaires à un an et demi. Je suis donc arrivé en France en 1970 et j’ai grandi à Reims avant d’aller vivre à Paris puis à Londres dans le cadre de mes études d’art.
2 - Quelle activité exercez-vous aujourd’hui (milieu de l’art) ? Quel(s) type(s) d’art pratiquez-vous ? Arrivez-vous à en vivre ?
Aujourd’hui, mon activité principale est celle d’artiste peintre, mais je fais également de la photographie en parallèle.
En 1991, je finissais mes études d’art et je décidais de me lancer dans le photoreportage après avoir découvert et m’être cultivé sur la Guerre du Vietnam. Ce travail de reportage photo a duré sept ans durant lesquels je suivais et photographiais la vie quotidienne des métis amérasiens à la fois au Vietnam et aux États-Unis.
J’ai pu observer au cours de cette expérience le désarroi de beaucoup de ces individus qui cherchaient à partir pour une vie meilleure en Amérique sans jamais réellement la trouver et qui subissaient une certaine exclusion. De nombreux métis amérasiens vivaient dans des quartiers qui leur étaient réservés, notamment à Boston, où leur exclusion sociale et leur misère se faisaient particulièrement ressentir.
3 - Votre histoire familiale trouve ses origines dans la guerre du Vietnam, pouvez-vous nous en dire un peu plus (contexte, rencontres, cadre) ? Quel regard portez-vous sur cela ?
En effet, mon histoire familiale est assez particulière. Je suis né d’un père soldat américain (GI) en poste au Vietnam entre 1967 et 1968 et d’une mère vietnamienne dont le nom m’est inconnu, qu’il a rencontrée et vue plusieurs fois au cours de son service au Vietnam.
Mon père biologique officiait dans l’armée de terre, où son rôle était de s’occuper des cadavres. Il enterrait les soldats vietnamiens et convoyait les corps des soldats américains jusqu’à l’aéroport de Tân Sơn Nhất à Saigon afin de les rapatrier aux États-Unis. C’est au cours des voyages entre sa base militaire et l’aéroport de Saigon qu’il a rencontré ma mère biologique.
Beaucoup de préjugés, de stéréotypes existent autour de situations comme la mienne. Le fait d’être le fils d’un GI et d’une Vietnamienne à cette période peut sous-entendre être l’enfant d’un viol ou d’une passe. Afin d’éclaircir cela, j’ai décidé de me lancer dans la recherche de mes parents biologiques, revenant maintes fois au Vietnam.
4 - Quand et comment vous est venue l’idée/la motivation/l’envie de découvrir votre passé familial au Vietnam ?
L’idée de commencer les recherches sur ma famille biologique est née d’une grande frustration dont mes parents adoptifs sont à l’origine. Ces derniers ont tout fait pour m’éloigner de ce sujet durant ma jeunesse, allant jusqu’à détruire des documents primordiaux de mon histoire personnelle tels que mon acte d’abandon ou mon passeport du Sud-Vietnam. Ils agissaient sous le coup de l’émotion et de la peur de perdre leur enfant et de ce que je pouvais découvrir.
Dans ma jeunesse, le sujet de la Guerre du Vietnam était donc un véritable tabou, un sujet qu’il fallait absolument éviter et que personne n’abordait jamais.
Malheureusement pour mes parents, ces mesures n’ont eu que l’effet inverse de celui escompté. Cela a attisé ma curiosité et j’ai commencé à me documenter sur tout ce qui touchait de près ou de loin à la Guerre du Vietnam. J’étais fasciné par le travail des photo-reporters sur le terrain comme Tim Page ou Robert Capa, qui imageaient ce conflit auquel j’étais intimement lié et qui me passionnait.
Ma curiosité sur le conflit vietnamien et sur mon histoire familiale personnelle a aussi été alimentée par le fait de côtoyer des communautés partageant un destin similaire ou étant liées à la même période, notamment ceux que l’on appelle les “boat people”. Ainsi, je commençais mes recherches.
Retrouvez dans une seconde partie le récit de la recherche de ses parents par Rémy Gastambide.
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