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DUC HA DUONG - “Je rêve de voir se développer au Vietnam un écosystème de startup”

Écrit par Lepetitjournal Ho Chi Minh Ville
Publié le 17 août 2016, mis à jour le 6 janvier 2018

Il y a 10 ans, Duc Ha Duong décide de venir s'installer en famille au Vietnam pour y monter son entreprise. Avec un associé, il crée Officience. Il a accepté de nous raconter son parcours et de nous livrer ses secrets sur son mode de management!


Lepetitjournal.com/Hochiminhville: Il y a 10 ans, tu as tout quitté en France pour venir monter ta propre entreprise à HCMV. Qu'est-ce qui a motivé ton choix à l'époque? Pourquoi le Vietnam?

Duc Ha Duong: En France dans une corporation du CAC40, on passe 90% de son temps à essayer de convaincre les gens de changer, et 10% à faire des trucs nouveaux. Les premières années, ça va, en tant que jeune diplômé, on écoute, on apprend plein de choses. Mais après quelques années de carrière, on commence à avoir envie de créer de l'impact. Et là, on se rend compte qu'en France on a déjà plein d'ingénieurs, trop, et plutôt brillants d'ailleurs. Alors, pour se sentir utile à la société, je me suis tourné vers mon autre pays d'origine, le Vietnam. J'avais acquis un savoir-faire (la gestion de projets off-shore) qui avait du potentiel, le bassin d'emploi était mûr (beaucoup de jeunes bien formés, intéressés par l'international, et notamment des francophones qui cherchaient d'autres débouchés que prof ou assistant.e), un gouvernement pro-internet avec de belles infrastructures réseau, tourné vers les Viet Kieu (NDLR : vietnamiens d'origine vivant à l'étranger)? et côté famille, jeunes parents, nous avions soif d'expatriation. Tout était aligné.

 

Ton entreprise Officience vient de fêter ses 10 ans. Qu'est-ce qui t'a rendu le plus fier dans cette aventure?

Il y a plein de petites choses qui me rendent fier : ne pas céder à la corruption, emmener le Vietnam dans la nouvelle économie, convaincre d'autres Viet Kieu de rentrer au pays, amener des entreprises à créer des emplois au Vietnam, avoir fait rentrer plus de 10 millions d'euros dans le pays, non pas par la charité mais en échange de services valorisés bien plus par nos clients ?

 

Officience est réputée pour son style de management basé sur la communication et le partage. Qu'a-t-il de particulier ?

En tant que fournisseur de services numériques généraliste (de la saisie et retouche d'image jusqu'au développement d'applications web et mobile, en passant par la supervision et le support client), notre seule manière de nous différencier est d'avoir une meilleure organisation.

Nous avons donc beaucoup lu et étudié les articles les plus en pointe sur le sujet, pour comprendre les organisations de demain, et faire notre transformation numérique. Nous avons abouti à un management basé sur le leadership et non la supervision : au lieu d'avoir une hiérarchie pyramidale désignée de haut en bas, chacun choisit ses mentors et prend ses propres décisions de carrière à la lumière de leurs avis.

Pour le management des projets client eux-mêmes, nous avons une forte inclinaison pour les méthodologies dites agiles, mais nous restons ouverts et flexibles, il faut s'adapter aux impératifs de nos clients. Dont certains maintenant nous payent pour les accompagner dans leur propre transformation numérique.

 

Quelles sont les principales différences entre la France et le Vietnam en terme de management?

Il n'y en a pas, nous sommes une seule tribu régie par les mêmes principes partout dans le monde.

 

Quelles sont les difficultés que tu as pu rencontrer au cours de ces 10 années?

Objectivement, les plus grosses difficultés d'exécution se sont révélées être avec nos bailleurs. Le marché immobilier est très instable, et quand on a des besoins changeants également, ça nous a fait des gros soucis. Ceci dit, à titre personnel, ce sont toujours les enjeux humains qui m'empêchent de dormir : ne sacrifier personne, ne pas décevoir, tenir ses engagements, ne pas trahir notre vision.

 

Quels conseils donnerais-tu à des entrepreneurs qui souhaitent monter leur propre structure ici?

Ne pas jouer solo ! Nous sommes assez peu de Français au final, même d'expats en général, alors on se serre les coudes.

Avant de nous lancer on a demandé plein de rendez-vous avec plein de gens durant l'année 2005, même des gens qui auraient pu nous voir comme des concurrents. On a toujours été très bien accueilli, et reçu plein de bons conseils. Maintenant, on est toujours ravis de rencontrer les nouveaux, leur partager notre expérience.. quand on voit des gars rentrer en France après avoir passé plusieurs années dans leur coin, sans avoir partagé leurs problèmes, à chaque fois on regrette un peu, on se dit qu'on aurait peut-être pu leur filer un coup de main pour éviter ça ? d'ailleurs au final, chaque aventure qui échoue, quelles qu'en soient les raisons, c'est l'image du Vietnam qui en sort écornée, et ça nous retombe tous un peu dessus.

 

Quels sont tes prochains projets?

Je rêve de voir se développer au Vietnam un écosystème de startup qui permettrait au pays de réussir sa transition et d'intégrer la nouvelle économie. Pour cela nous sommes très inspirés par les méthodes de TheFamily en France, ainsi que les mouvements globaux Makesense et Ouishare sur l'entrepreneuriat social et l'économie collaborative.

Nous réfléchissons à profiter de notre futur déménagement à la fin de l'année, pour aménager un espace ouvert d'échange et de coopération en soutien de cet écosystème.

 

 

 


Propos recueillis par Marielle Capelle (lepetitjournal.com/Hochiminhville) 18 Août 2016

Lepetitjournal Ho Chi Minh Ville
Publié le 17 août 2016, mis à jour le 6 janvier 2018